Le Professeur Georges Guiella est membre du Conseil de Recherche du PO et titulaire d’un PhD en démographie de l’Université de Montréal (Canada). Il est actuellement Professeur à l’Institut Supérieur des Sciences de la Population de l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou au Burkina Faso et également Directeur Adjoint et responsable des affaires académiques et pédagogiques de cet institut.

En matière d’enseignement, il assure entre autres depuis plus d’une dizaine d’années, des cours fondamentaux aux étudiants de Master de Recherche tels que la méthodologie de la recherche en sciences sociales y compris les techniques de rédaction d’articles scientifiques, de communication orale de travaux de recherche ainsi que l’éthique de la recherche en sciences sociales. Son champ d’enseignement couvre également les relations Population-Santé-Développement y compris le concept du dividende démographique en Afrique subsaharienne.

Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale des droits des femmes, dont le thème cette année est : « Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation », le Professeur Georges Guiella a répondu aux questions de l’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou (UCPO). À la fin de cet entretien, nous en saurons plus sur l’impact des recherches menées à l’ISSP en matière d’égalité des genres et d’autonomisation des femmes. Il revient également sur les avancées récentes et les défis liés à la transformation des résultats de recherche en actions concrètes.

UCPO : En quoi vos recherches à l’ISSP contribuent-elles de manière générale à l’égalité des genres ?

Pr Georges Guiella : Il faut dire que la thématique « genre » fait partie des thématiques prioritaires dans l’agenda de recherche et de formation de l’ISSP. Ainsi, depuis 2014, l’ISSP organise, de façon régulière, une formation régionale en genre au profit des cadres d’Afrique francophone. Cette formation vise à favoriser la prise en compte de la problématique genre dans l’enseignement, la recherche, les politiques, les programmes et projets de développement. Au niveau de la recherche, l’ISSP compte dans son portefeuille de recherches plusieurs projets portant sur la problématique de l’égalité des genres.

UCPO : Quels résultats tangibles issus de vos recherches au cours des trois dernières années participant à l’amélioration de l’autonomisation des femmes ? Pouvez-vous préciser le contexte ou citer une ou deux recherches ?

Pr Georges Guiella : Parmi les plus récentes recherches, il faut souligner que depuis 2019, l’ISSP à travers sa plateforme de recherche PMA collecte et analyse des données pour étudier le lien entre égalité des genres et l’autonomisation des femmes en particulier dans le domaine de la santé et du bien-être des femmes. Ces données, accessibles aux chercheurs, portent entre autres sur l’autonomie décisionnelle en matière de santé de la reproduction, le poids des normes sociales et de genre relatives à la sexualité et à la fécondité, la coercition reproductive, etc.

Toutes ces recherches ont fait l’objet de publications scientifiques. Les résultats des analyses de ces différentes données ont continuellement montré par exemple que le faible pouvoir de décision des femmes vis-à-vis de leurs partenaires/conjoints était non seulement soutenu par des normes sociales et de genre privilégiant un plus grand pouvoir décisionnel chez les hommes, mais également que ce faible pouvoir décisionnel influençait négativement la promotion de la santé reproductive et le bien-être des femmes. Le faible pouvoir décisionnel des femmes et la coercition reproductive étaient constamment associées à une faible utilisation de la planification familiale, des besoins non satisfaits en PF plus élevés, des taux plus élevés de grossesses/dernières naissances non désirées et une prévalence plus élevée des violences sexuelles, physiques et émotionnelles (ISSP, 2021 ; Wood et al., 2023).

On peut également citer cette étude réalisée en 2022, basée sur des approches qualitatives avec un échantillon diversifié de femmes dont des femmes vivant avec un handicap au Burkina Faso, en vue d’explorer comment la discrimination basée sur le genre et le handicap se croise et influence l’exposition à la violence, ainsi que l’impact d’une telle discrimination sur la participation sociale des femmes (Wayack-Pambè M. and Kouanda S., 2022). Il en est de même pour cette étude menée au Burkina Faso, qui examine la manière dont l’intériorisation des stéréotypes de genre au cours de la socialisation est associée aux aspirations qu’ont les filles et les garçons pour certains événements de leurs vies comme avoir un premier enfant ou se marier.

Enfin, on peut également citer le projet de recherche intitulé « FP-Impact ISSP » mis en œuvre de 2022 à 2025 en collaboration avec l’université de Genève et qui porte sur la modélisation des effets de l’utilisation de la contraception sur l’empowerment des femmes (Zan L.M, Rossier C, Studer M., Dao O. and Guiella G., 2024).

UCPO : Quels ont été les changements politiques concrets ayant permis de transformer ces résultats de recherche en actions concrètes ?

Pr Georges Guiella : La traduction des résultats de recherche en actions concrètes à travers des changements politiques demeure la finalité première de la recherche. C’est pourquoi en dehors des publications scientifiques, il faut développer des stratégies pour une prise en compte des résultats de la recherche dans la formulation des politiques et programmes. En ce qui concerne particulièrement la plateforme PMA, les résultats issus de l’analyse des données sont régulièrement partagés avec le ministère de la santé et les différentes parties prenantes de la SR au Burkina Faso, pour une meilleure appropriation de ces résultats en vue de permettre des prises de décisions basées sur les évidences. Ainsi, un axe important de l’appropriation de ces résultats et de leur prise en compte dans les politiques et programmes de SR sont les ateliers techniques organisés à la fin de chaque round de collecte des données.

Ces ateliers techniques avec le groupe restreint SR/PF qui comprend les directions techniques SR du ministère de la santé et les représentants des autres parties prenantes du privé, sont des occasions pour formuler des recommandations qui alimenteront les politiques et programmes. Ainsi, à travers les recommandations issues de ces ateliers techniques, on constate par exemple une prise en compte de plus en plus importante des axes stratégiques.

Conclusion

Les recherches menées par le Pr Guiella et l’ISSP apportent une contribution significative à l’amélioration de l’égalité des genres et à l’autonomisation des femmes en Afrique. Grâce à des études rigoureuses et des analyses approfondies, ces recherches mettent en lumière les défis persistants auxquels sont confrontées les femmes, tout en offrant des solutions fondées sur des données probantes. Les résultats ont permis d’influencer directement les politiques et les programmes de santé reproductive au Burkina Faso, en soulignant l’importance d’une prise en compte des normes sociales et des droits des femmes dans les stratégies nationales. L’engagement de l’ISSP à traduire ces résultats en actions concrètes témoigne de l’impact tangible que la recherche