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Accès à la contraception : les adolescents et les jeunes de Pikine stigmatisés

Une jeune fille témoigne : « Dans la salle d’attente, toutes les femmes avaient l’air étonnées et s’interrogeaient certainement sur le motif de ma présence dans un centre de planning familial. J’étais très gênée surtout quand une voisine m’a reconnue et saluée. Je n’ai plus jamais remis les pieds dans cette structure».

« Abstinence jusqu’au mariage » ! A la fois conseil et slogan des membres de l’espace ados/jeunes du district sanitaire de Pikine, dans la banlieue de Dakar.  Logée au poste de santé Touba Diack Sao, cette salle est le fruit d’un partenariat entre l’ONG espagnole  « Médicos Del Mundo » et le district sanitaire de Pikine. Elle refuse du monde tous les mercredis, selon le Président du réseau des ados et jeunes de Pikine.

« En si peu de temps d’existence, l’espace a accueilli des centaines d’ados et jeunes venus de partout. Avec le concours de la radio communautaire Oxyjeunes et grâce à notre présence dans les réseaux sociaux, notre structure ne désemplit pas », soutient Mame Thierno Sèye qui estime que la salle est un lieu de débats et d’échanges entre jeunes sur une de leurs préoccupations : la santé sexuelle et reproductive.

Le thème de ce premier mercredi du mois de décembre 2018 est réservé à «l’accès des jeunes à la contraception.» Un thème qui intéresse une trentaine de jeunes venus prendre part aux débats.  Ainsi, de 15h à 18h, toutes les questions relatives à la santé sexuelle et reproductive sont exposées sans détours. Le Président est formel : « en tant que jeunes responsables, nous prônons l’abstinence jusqu’au mariage. Toutefois, nous savons qu’il y a certains jeunes qui sont sexuellement actifs et qui ne peuvent pas respecter ces conseils. A ceux-là, on leur demande de se protéger pour éviter de mauvaises surprises. »

Au cours des débats, un jeune, habillé d’un maillot d’une équipe de football de la ligue professionnelle d’Espagne, casquette bien vissée sur la tête, interpelle l’assistance en ces termes.

« Les garçons qui ne peuvent pas s’abstenir, dit-il, n’ont pas un grand problème pour se procurer une méthode contraceptive. Les préservatifs masculins sont disponibles un peu partout et même gratuits dans certaines structures, mais on ne va jamais dans les structures de santé pour en chercher. Personnellement, il m’arrive d’avoir « un besoin », si je n’ai pas d’argent pour en acheter, je suis bloqué parce que tous les agents qui sont dans le poste de santé du quartier me connaissent bien et j’ai honte d’y aller.»

Même préoccupation de cette jeune fille du nom de Daba, élève en terminale dans un lycée à Pikine : « Pour des conseils relatifs à mes règles douloureuses, j’étais allée voir la sage-femme de la maternité du coin. J’avais porté ma blouse (tenue de notre école). Dans la salle d’attente, toutes les femmes avaient l’air étonnées et s’interrogeaient certainement sur le motif de ma présence dans un centre de planning familial. J’étais très gênée surtout quand une voisine m’a reconnue et saluée. Je n’ai plus jamais remis les pieds dans cette structure».

Une situation fréquente, dit Mame Thierno Sèye qui estime que « l’accès aux méthodes contraceptives n’est pas toujours facile pour les jeunes ;  le droit de santé sexuelle et reproductive n’est pas respecté. Nos besoins en matière de services de santé de la reproduction restent largement non satisfaits ; souvent, un environnement social et institutionnel favorable fait défaut car nous sommes victimes de stigmatisation. Certains prestataires ont aussi une attitude hostile envers nous. »

Pourtant, les prestataires – du moins certains – disent coopérer avec les jeunes pour satisfaire leurs besoins en matière de PF. C’est le cas de Mme Diack Dieynaba Barry, sage- femme au poste de santé municipal N°1 de Pikine, « Les jeunes et adolescentes fréquentent notre structure sans problème ; elles bénéficient de tous les services dont elles ont besoin». Pour étayer ses propos, elle avance quelques chiffres : « au mois de septembre dernier, nous avons reçu 66 personnes dont 17 ados et 49 jeunes. Ici, ce qui nous intéresse, c’est la préoccupation des patients, qu’ils soient jeunes ou adultes. On est là pour satisfaire leurs besoins ». Toujours est-il que les adolescents et les jeunes sollicitent un environnement plus favorable pour un accès facile aux méthodes contraceptives.

Mame Mbagnick DIOUF

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