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Dr Edwige Adékambi Domingo, Représentante-résidente de l’UNFPA au Burkina : « il est difficile d’avoir des statistiques fiables sur les cancers dans nos pays »

Dr Edwige Adékambi Domingo, médecin épidémiologiste de formation et représentante-résidente du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) au Burkina-Faso, a dégagé les pistes qui peuvent aider les pays de l’espace UEMOA à réduire la flambée des cancers. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé en marge de la rencontre technique sur le cancer organisé par la Première dame du Faso et sa Fondation, Mme Domingo a établi un parallèle entre les cancers et la santé de la reproduction. Elle a affirmé que cette maladie affecte les fonctions reproductives de la femme.

Pourquoi l’UNFPA, connu dans le plaidoyer des questions liées à la santé de la reproduction, a soutenu l’organisation de la rencontre technique des pays de l’espace UEMOA sur la lutte contre le cancer ?

Je vais commencer par rappeler le contexte de travail du Fonds des Nations unies pour la population, notamment dans le domaine de la santé de la reproduction dont vous avez fait cas. Ce travail a été recadré par la Conférence internationale sur la population et le développement. Lorsque vous prenez le plan d’action de cette conférence, les cancers génitaux figurent en bonne place dans la santé et les droits en matière de reproduction. C’est pour cela que le Fonds des Nations unies qui œuvre pour l’autonomisation des femmes accompagne aussi les gouvernements africains et les organisations non gouvernementales pour un passage à l’échelle dans tous les pays avec la mise en place des mesures. Il s’agit du diagnostic, de la prévention et du traitement des cancers. Nous mettons particulièrement l’accent sur les cancers génitaux à l’UNFPA. A ce titre, nous faisons partie d’un programme conjoint du Système des Nations unies aux côtés des autres agences comme l’OMS, Onu-Femme et ONU SIDA, pour accompagner les pays dans la mise en place des systèmes de santé capables de répondre aux besoins des populations, en particulier ceux des femmes.

Est-ce que vous pouvez revenir sur les liens entre la santé de la reproduction et les maladies liées aux cancers ?

Les cancers génitaux font partie intégrantes de la santé et des droits en matière de reproduction. Il y a plusieurs types de cancers et tous les organes peuvent malheureusement être atteints par cette maladie. L’UNFPA, dans le cadre de la santé de la reproduction, met l’accent sur les cancers génitaux. Nous sommes conscients que, chez la femme, le cancer peut être attribué aux infections sexuellement transmissibles. En le disant, je pense aux HPV (Human Papilloma Virus). Mais, le fait que ce soit une infection sexuellement transmissible peut avoir des conséquences sur la fonction reproductive de la femme. Nous avons observé qu’avec les données scientifiques il y a des femmes enceintes atteintes du cancer du col de l’utérus ; ce qui constitue un problème pour l’accouchement. Pour nous, le cancer est lié à la santé de la reproduction, car il affecte les fonctions reproductives de la femme.

Le cancer peut constituer un handicap pour la jouissance de la femme en matière de santé sexuelle. En revenant sur le cancer du col de l’utérus, il est évitable parce que pouvant être traité. Il existe un vaccin anti-HPV. Et dans le cadre des activités que nous menons aux côtés des autres agences pour ce qui concerne le Programme conjoint du Système des Nations unies, l’UNFPA participe à une couverture nationale en matière de vaccination des adolescentes pour prévenir le cancer du col de l’utérus. Nous prévenons les adolescentes contre tous ce qui peut affecter leur santé sexuelle et reproductive y compris les aspects liés aux grossesses non désirées.

Des centaines de milliers de cas de cancers sont enregistrés annuellement en Afrique au sud du Sahara. Qu’est-ce qu’il faut pour réduire la flambée ?

Au Burkina Faso, les structures dénombrent annuellement 5.000 cas. Malheureusement, nous avons encore des difficultés pour avoir une idée réelle sur des statistiques sur le cancer au niveau de nos pays. L’itinéraire thérapeutique en Afrique n’est pas encore efficace. Les malades passent par plusieurs systèmes avant d’intégrer une structure de santé. Il est difficile, dans ces conditions, d’avoir des statistiques fiables. Dans les Etats à revenus intermédiaires, c’est seulement dans un pays sur cinq que nous n’avons pu établir les statistiques par rapport aux cancers. Lorsque je me projette dans ce que nous observons pour les cancers du col de l’utérus et du sein, nous constatons que le chiffre 5000 cas évoqués lors de la rencontre technique des pays de l’espace UEMOA est faible par rapport à la réalité. C’est pourquoi la perspective est de mettre l’accent sur la prévention. Il faut mettre plus de ressources dans ce domaine parce qu’il est possible de prévenir les cancers si les populations font régulièrement des examens et bénéficient des traitements appropriés très tôt. Cette prévention permettrait aux malades de ne pas aller à l’hôpital à un stade de non retour. A titre illustratif, l’UNFPA, dans sa croisade contre les cancers génitaux et du sein, est en train d’accompagner le ministère de la Santé avec les autres agences du Système des Nations unies, notamment l’Organisation mondiale de la santé, pour mettre en place un mécanisme de collecte de données fiables. Ce que nous faisons ne vise pas seulement la collecte des données mais aussi le renforcement des systèmes de santé à prévenir, à diagnostiquer de manière précoce et à accompagner les soins palliatifs. Par ailleurs, nous travaillons à avoir une bonne couverture nationale du vaccin anti-HPV.

Dans nos pays, il n’est pas malheureusement possible de vacciner les femmes qui ont dépassé l’âge de l’adolescence. Nous accompagnons ces femmes en les sensibilisant sur l’importance du diagnostic précoce et de prise en charge des lésions précancéreuses.

Quel est le but visé ?

L’objectif, après plusieurs passages, est que l’on puisse couvrir un certain nombre de femmes en termes de diagnostics et s’assurer qu’elles n’ont pas les cancers du col de l’utérus et du sein. C’est que nous apportons dans la lutte contre les cancers au Burkina Faso et dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Je dois insister sur cet accompagnement, car on ne doit pas avoir des programmes verticaux. C’est dans cette perspective que les activités ou les interventions qui visent le développement des capacités des prestataires par rapport à la prise en charge du cancer sont recentrées sur la femme dans toutes ses dimensions. En principe, lorsqu’une femme est en consultation, même si elle a des maux de tête, on doit parcourir toutes les mesures de diagnostic aussi bien du cancer du sein que celui du col de l’utérus pour s’assurer qu’elle n’est pas malade. Si tel est le cas, de la prendre aussitôt en charge afin d’éviter que son traitement soit cher parce que lorsqu’on annonce le cancer dans une famille, les gens sont dans le désarroi à cause de la cherté de la prise en charge.

Eugène KALY

Publié le 16 Déc 2017 dans Le Soleil  

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