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Dr Moctar Diallo affirme : « Le recul du VIH et la maîtrise de la PF sont la clé de l’atteinte du dividende démographique »

Dr Moctar Diallo est le coordonnateur du projet Civil Society for Family Planning (CS4FP). Un projet de l’ONG IntraHealth International Mali. A la faveur de la rencontre de mise à niveau des journalistes venus des pays membres du partenariat de Ouagadougou pour la Planification familiale qui a eu lieu en septembre dernier à Bamako, il s’est confié à Notre Voie.

Notre Voie : Vous avez dit dans votre exposé que la clé de l’atteinte du dividende démographique passe par la lutte contre le sida et la promotion de la planification familiale. Voudriez-vous expliquer comment la lutte contre le sida et la promotion de la planification familiale peuvent influencer l’atteinte du dividende démographique ?

Dr. Moctar Diallo : Absolument, vous savez, le sida est un tueur silencieux. Il fait beaucoup de ravage et qui affecte profondément et durablement la force vive et la capacité de productivité de nos pays. Ceci est un point peu intégré qu’il faille prendre en compte pour pouvoir arriver à intégrer les aspects de développement sociaux économiques aux questions de santé. Quand on fait l’historique des ravages provoqués par le Vih/Sida, on se rend compte que beaucoup de communautés en ont été fortement affectée et les forces vives s’en sont trouvées réduites sinon exterminées dans certains pays. Si on prend en compte cet aspect, il est clair et évident qu’on maintiendra un cap dans les programmes développement suivis et nous parviendrons à atteindre nos objectifs. C’est tout simplement une question de mécanisme à adapter à cette question.

Pour ce qui est de la planification familiale (PF), c’est une question de maîtrise liée à l’individu. Il faut que la PF soit ramenée d’abord à l’individu. Si on le fait, la capture du dividende démographique dont on parle, on le ramène aussi à l’individu. Ainsi, on pourra arriver aux questionnements suivants : comment moi, individu, je peux au mieux maîtriser mes dépenses de santé, de nutrition et d’alimentation dans ma famille ? D’agrandissement des infrastructures et de la logistique pour ma famille ? Les besoins croissent en fonction des moyens. Si vous avez sept gosses et que vous devez vous acheter une voiture, vous serez obligé de vous acheter une voiture à sept places et non une voiture à cinq places. Ce qui veut dire que vous serez obligé de planifier pour faire plus de dépenses. Mais, encore faut-il pouvoir mieux contribuer à la santé et à l’éducation de ces enfants ainsi que de les vêtir. Il est clair qu’en nombre d’enfants réduit, ce que vous pouvez mettre au profit de deux ou trois enfants vous ne pourrez pas le mettre au profit de sept ou huit enfants. Ce qui est sûr, la distribution de la richesse interne en famille est réduite. C’est une question encore une fois, mécanique. Comme j’aime à le dire souvent, 1+1 peuvent valoir 3 à condition de trouver où est le 1 caché. Mais, il n’est pas évident pour tout le monde de pouvoir trouver le 1 dans 1+1 égale 3. C’est là où quand on va sur les évidences qui sont claires pour nous à savoir que 1+1 = 2, il faut que les gens soient réalistes.

Dans ce réalisme, il est important de pouvoir arrêter de maintenir les gens dans la désinformation. On ne demande pas aux gens de ne pas faire d’enfants. On ne demande pas aux gens de diminuer leur nombre d’enfants. Ce qu’on demande aux gens, c’est de mettre au monde le nombre d’enfants dont ils sont sûrs de leur assurer un avenir. C’est-à-dire, une bonne éducation, une bonne santé. Je crois que si on se réfère aux textes religieux, musulman, je le suis, je dirais simplement que notre responsabilité est engagée dans le bien être de nos familles. C’est dire que le musulman a une obligation de bien être à l’égard de sa famille. Donc, il doit être sûr du chemin qu’il va prendre pour cela. Pour moi donc, la clé de l’atteinte du dividende démographique dans nos pays passe par la mise en œuvre de politique de recule du Vih/Sida et de l’effectivité de la PF dans nos communautés.

N.V : Comment vous arrivez avec les jeunes à travers votre ONG à développer des stratégies pour faire la promotion de l’éducation sexuelle qui est un sujet difficile dans la sous région ouest-africaine ?

Dr. M.D : Civil society for family planning accompagne les organisations de la société civile qui se sont structurées en coalition où se trouvent des organisations qui s’adressent aux jeunes. Au lieu d’avoir une multitude d’interventions, nous avons décidé de mettre en place cette stratégie « jeune ambassadeur » dans la santé de la reproduction et de la planification familiale (SRPF). Ces jeunes ambassadeurs qui sont des pairs éducateurs sont choisis parmi d’autres. C’est l’élite de ces pairs éducateurs. Ils sont formés à l’utilisation des Tic et des médias sociaux. Ils sont dans l’air du temps. Ce sont ces jeunes qui vont mener des actions planifiées accompagnées par des adultes qui répondent aux stratégies nationales des plans d’actions nationaux budgétisés de la PF. Quand ils sont formés, ils ont la bonne information et ils savent quel message faire passer. Et surtout en tenant compte des réalités socioculturelles parce qu’il ne faut pas perdre de vue, nos valeurs sociétales. Ainsi, le premier message à apporter que ce soit du point de vue de la lutte contre le sida ou de la promotion de la PF, c’est l’abstinence jusqu’au mariage. Parce qu’elle constitue un moyen de prévention des IST et du Vih/Sida mais également de planification familiale.

N.V : C’est un moyen de contraception…

Dr. M.D : Absolument ! C’est un moyen de contraception. On est absolument d’accord. Ensuite, il s’agit de dire que si vous ne pouvez pas vous abstenir, sachez qu’il y a des moyens pour éviter de tomber en grossesse pour les jeunes filles. Parce qu’après, le jeune garçon va à l’école. Lui, il continue sa scolarité et c’est la jeune fille qui se retrouve en déperdition. Alors comment réduire tout ces dangers ? C’est pourquoi, nous utilisons ces jeunes qui parlent le même langage que les autres jeunes. Ils ont des codes auxquels les parents n’y comprennent rien.

N.V : Vous avez parlé d’éducation complète à la sexualité. Comment les parents peuvent parler de sexualité avec leurs enfants ? C’est un gros problème!

Dr. M.D : Oui, absolument. Mais, permettez-moi cette digression. Quand nous étions plus jeunes, Ma mère qui est agent de santé, nous posait la question pour se rassurer, « j’espère que vous ne faites pas de bêtise ? » On lui répondait « de quel bêtise tu parle ? » « Bêtise, tout court », répliquait-elle. Voyez ! Ça ne se discute pas. Elle avait une autre mesure qui était que quand nous allions à une soirée dansante, elle nous disait « ne dansez pas avec les filles. C’est dangereux ». Pourtant, elle est sage-femme. Voilà toute la difficulté pour un agent de santé qui était en plus chef de l’unité PF. Et qui ne parvenait même pas à discuter avec ses enfants. A Abidjan, je discutais avec une professionnelle de la santé qui me disait qu’elle ne savait pas répondre aux questions de son fils concernant ces aspects. Voilà, la grande difficulté. Il faut discuter avec les parents pour leur expliquer les tenants et aboutissants de la question. Les mots peuvent choquer. Il y a moins de deux ans au Sénégal, quand on a parlé d’éducation complète à la sexualité, les gens se sont accrochés au mot sexualité. Or, il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’apprendre à un enfant d’avoir des rapports sexuels. Mais, c’est de lui apprendre à comprendre son corps afin cet enfant puisse éviter les écueils de la vie. Donc, dans le mot complet, il faut entendre « la compréhension ». Il y a certainement un problème de traduction. En anglais, on dit « compressive sexual education » qu’on pourrait littéralement traduire par « éducation à la compréhension sexuelle ». Nous sommes en train de conduire une étude sur la question que nous allons bientôt restituer à Abidjan. Cette étude va nous permettre de mieux doter les pays de la sous-région d’outils mieux acceptables non seulement pour les parents mais plus digeste pour les enfants pour qu’ils comprennent qu’il ne s’agit pas de faire la promotion des déperditions de mœurs mais plutôt de cadrage et de compréhension de la vie elle-même.

Interview réalisée à Bamako

Par Coulibaly Zié Oumar

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