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La caravane des bailleurs visite le Mali au carrefour de réformes et réalités

Après le Niger, la caravane des bailleurs de fonds du Partenariat de Ouagadougou a visité le Mali les 29 et 30 Avril 2019, pour les mêmes concertations sur les progrès, les défis et perspectives dans la mise en œuvre du Plan d’Action National Budgétisé (PANB) du pays.

Le Mali a l’un des taux de fécondité les plus élevés au monde avec environ 6 enfants par femme. Aussi, 48% de sa population a moins de 15 ans. Le taux de prévalence contraceptive moderne (TPCm) est passé de 9,5% en 2012 à 13.5% en 2018 selon les données de Track20. Il est à noter que le PANB 2019-2023 présente un TPCm à 16% en 2019 et un objectif de 30% en 2023. Le Mali a ajouté 113 000 femmes additionnelles durant les 3 dernières années, sur 161 000 attendues en 2018 au compte de la phase d’accélération du Partenariat de Ouagadougou.

Parmi les difficultés que rencontre le Mali dans la mise en œuvre de son PANB, on peut noter: la sécurisation de la chaine d’approvisionnement des produits contraceptifs, la mauvaise répartition du personnel résultant de la crise sécuritaire, l’insuffisance du suivi et de coordination des acteurs et des interventions, la faible implication des jeunes, les occasions manquées d’offre de la planification familiale (PF) dont la faible utilisation de la PF postpartum, l’insuffisance des financements de la PF à travers des ressources nationales, la non-fiabilité des données, et la faiblesse de la création de la demande.

Une annonce potentiellement révolutionnaire de la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans a été faite en début d’année 2019 par le Président Ibrahim Boubacar Keita, afin de lutter contre la mortalité maternelle et juvéno-infantile. Cette mesure inclut la gratuité de la contraception et l’introduction de dizaines de milliers d’agents de santé communautaire sur toute l’entendue du territoire malien.

C’est dans ce contexte que la caravane des partenaires et bailleurs de fonds du Partenariat de Ouagadougou comprenant l’USAID, le Canada, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, le Children’s Investment Fund Foundation (CIFF), l’Agence Française pour le Développement (AFD), l’UNFPA, l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS), FP2020 et l’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou a effectué une visite de travail de deux (2) jours au Mali. La caravane a eu des rencontres très variées. Le pays n’ayant pas un gouvernement en place pendant la visite, la délégation des bailleurs a rencontré les cadres de différents ministères. Elle a également rencontré les bailleurs présents au Mali, la société civile, des diplomates, et toutes les parties prenantes dans le repositionnement de la planification familiale au Mali. Les membres de la caravane ont effectué deux (2) visites de terrain pour constater ce qui est fait en matière d’offre et de création de la demande. Le premier groupe a visité l’Association Malienne pour la Protection et la Promotion de la Famille (AMPPF) qui œuvre pour l’amélioration des conditions de vie des populations à travers des services de qualité en matière de Santé de la Reproduction et Planification Familiale (SR/PF) aux adolescents, jeunes et femmes. Le second groupe des bailleurs s’est, quant à lui, rendu au centre de santé ASACOBA à Bamako qui offre également plusieurs services de SR/PF.

Un désir de réforme tempéré par des impératifs sécuritaires

Une présentation sur la réforme du système de santé a été faite lors de la rencontre des bailleurs avec les officiels du Ministère de la Santé. L’initiative présidentielle comprenant la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants âgés de moins de 5 ans et la gratuité des services de contraception moderne a été annoncée, soulevant beaucoup d’espoir. Cette réforme, devant être mise en œuvre sur une période de 4 ans, inclut une augmentation du budget de la santé d’ici 2022. Cette augmentation est en dessous de l’objectif de 15% prévu dans la déclaration d’Abuja. Cependant, le budget de la défense nationale en hausse, en raison de la crise sécuritaire, rend improbable la cible des 15%.

L’approche multisectorielle est globalement absente et la planification familiale est toujours perçue comme l’affaire du Ministère de la Santé. En 2019, seulement 4,3% du budget national est alloué à la santé et seulement 5% de ce budget est prévu pour la santé primaire.
Pour atteindre l’objectif de 30% de TPCm d’ici 2023, il faudra des agents de santé bien formés et en nombre suffisant. Les 1,2 million de consultations faites par les agents de santé communautaires en 2018 démontrent de leur importance pour l’atteinte des résultats.

Les pesanteurs culturelles et religieuses continuent de représenter un réel frein

D’entrée de jeu, la question de l’Éducation Complète à la Sexualité (ECS) est apparue dans les discussions et a été présente pendant toutes les rencontres. Il ressort des échanges que le processus est actuellement au point mort, en raison de l’opposition farouche de certains prédicateurs religieux qui font un raccourci opportuniste entre ECS et incitation à la débauche. Par conséquent, certains bailleurs ont dû suspendre leur financement de projets d’ECS comme par exemple à l’AMPPF.
La partie nationale, que ce soient les officiels ou la société civile, préfère adopter une approche de repli stratégique pour une meilleure information et éducation des religieux et de la population en général. Il ressort néanmoins des échanges, que les questions de sexualité demeurent taboues dans la société malienne.

La contribution de la société civile et des jeunes

La rencontre des bailleurs avec la société civile et les jeunes a permis de faire le point sur leurs contributions respectives dans le processus de repositionnement de la planification familiale au Mali. La présentation des Organisations de la Société Civile (OSC) a mentionné des activités de création de la demande et d’offres de services mais aucune donnée précise sur la portée ou l’incidence sur le nombre de femmes additionnelles ou l’augmentation du TPCm n’a été fournie. Les OSC ont aussi fait du plaidoyer pour l’intégration de l’ECS dans les programmes scolaires, la gratuité des services de SR/PF pour les jeunes et l’application de la loi sur la santé de la reproduction. Les défis relevés par la société civile comprennent le retard dans la mise en œuvre du motion tracker, la faible mobilisation de ressources financières nationales pour l’achat des produits, et la non-satisfaction des besoins des personnes déplacées.

Les jeunes du Mali ont impressionné les participants par la qualité du panel qu’ils ont présenté, tant sur la forme que sur le fond. En effet, ce panel composé exclusivement de femmes, comprenait une personne handicapée, des activistes, et des prestataires. Les sujets débattus comprenaient la gratuité et l’accessibilité des services de SR/PF à toutes les couches de la population, et le besoin de renforcement des capacités des jeunes notamment le développement et la gestion de budget et de projets.

Recommandations des bailleurs

Les recommandations suivantes ont été faites par la délégation des bailleurs.
Dans le cadre de la réforme annoncée dans le secteur de la santé et de l’introduction de la gratuité de la planification familiale, les bailleurs encouragent un leadership fort du Ministère de la Santé suivi d’une collaboration soutenue avec le Ministère des Finances. Ils recommandent le renforcement de la coordination et de la gouvernance à travers la fonctionnalité effective des comités de coordination aux niveaux national et régional pour que la multisectorialité devienne une réalité. La délégation encourage l’État à mettre en place une ligne budgétaire sur les fonds domestiques pour l’achat des produits contraceptifs, la poursuite des efforts et du dialogue pour une compréhension acceptable du concept de Santé de la Reproduction des Adolescents et des Jeunes, une meilleure politique de communication visant les populations tant urbaines que rurales, avec un focus particulier sur les jeunes de 15 à 19 ans scolarisés et non scolarisés, eu égard à leur forte contribution à la fécondité, et prenant en compte les personnes vivant avec un handicap. Finalement, les bailleurs recommandent le renforcement de la collecte, la remontée et l’analyse des données en prenant en compte des données du secteur privé aux niveaux national et régional et une analyse secondaire de l’EDS.

Photos de l’étape du Mali

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