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La croissance démographique : une chance pour le Niger et l’Afrique

17 septembre 2021

En matière de réduction des naissances, les mentalités « changent trop lentement », estimait fin août dans « Jeune Afrique » un responsable des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, Mabingué Ngom. Mais l’Universitaire nigérien Gado Alzouma voit les choses autrement.

L’augmentation rapide de la population est sans doute la meilleure chose qui soit arrivée au continent depuis au moins cinq siècles. Cette forte croissance démographique doit être soutenue et maintenue au cours des décennies à venir, car elle conditionnera le rang de l’Afrique dans le monde de demain et, surtout, son développement économique.

Paradoxe

Les chiffres le prouvent: contrairement à ce qu’on raconte souvent, la croissance économique du continent et en particulier l’espérance de vie des Africains n’ont jamais progressé autant que depuis que la population augmente à un rythme soutenu. L’exemple du Niger, pays dont on dit que la croissance démographique et le taux de fécondité sont les plus élevés au monde, le prouve amplement.

En effet, le Niger a un taux de fécondité qui frôle les 7 enfants par femme en âge de procréer et un taux de croissance démographique de 3,8 %. C’est aussi le pays le plus pauvre au monde selon l’indice de développement humain (IDH 2020 : dernier des 189 pays classés) et certains ont tôt fait de lier cette pauvreté à la croissance démographique en soutenant que si nous sommes pauvres, c’est parce que nous faisons trop d’enfants. Or, c’est tout le contraire que les chiffres montrent.

Bien souvent, toute hypothèse contre-intuitive se heurte au mur du sens commun

Ce paradoxe provient sans doute du fait que l’assertion selon laquelle la pauvreté est due à la natalité élevée est presque toujours émise sans examen préalable. Elle semble évidente, se suffit à elle-même, et comme bien souvent en science, toute hypothèse contre-intuitive se heurte au mur du sens commun.

Quant aux analystes, ils ne fournissent en général, au mieux, que les chiffres d’augmentation de la population (presque toujours extrapolés sur des décennies) sans les confronter aux autres chiffres, ceux qui donnent une idée de l’amélioration, au cours du temps, des conditions de vie des populations africaines, par exemple l’espérance de vie, la mortalité infantile ou le taux de scolarisation.

Mieux nourris et éduqués

Or, quoi qu’en disent ces observateurs apparemment bien intentionnés, les Africains en général et les Nigériens d’aujourd’hui en particulier sont mieux éduqués, vivent plus longtemps, sont en meilleure santé, sont mieux nourris, etc. que les Africains ou les Nigériens d’hier. Quel que soit l’indicateur que nous prenons aujourd’hui, il est de loin meilleur que ce qu’il était en 1960 ou en 1980 ou même en 1990 relativement aux chiffres de la population de l’époque et ce, au fur et à mesure que la population augmentait.

Pour donner une idée de la rapidité de la croissance démographique au Niger, comparons-la à celle de la France entre 1960 et 2020. En 1960, la France comptait un peu plus de 46 millions d’habitants et le Niger un peu plus de 3 millions d’habitants. La population française était donc à l’époque plus de 15 fois plus élevée que celle du Niger. Or en 2020, la population française (66 millions d’habitants) était seulement un peu plus de 2,5 fois plus élevée que celle du Niger (24 millions d’habitants).

Voyons maintenant ce qu’il en est de l’augmentation de l’espérance de vie. En 1970, l’espérance de vie au Niger était de 35,88 ans et la population d’un peu plus 4,5 millions d’habitants. En 2018, la première était passée à 61,6 ans et la seconde représentait 22,4 millions de personnes. On voit donc qu’en l’espace de 48 ans, l’espérance de vie s’est étendue au Niger de près de 26 ans alors même que sa population a augmenté de près de 18 millions d’individus.

L’évolution de l’espérance de vie est donc remarquable au Niger, et ce, quoi qu’on puisse dire de la rapidité de la croissance démographique. On le voit notamment lorsqu’on se réfère à l’espérance de vie attendue en 2030 (dans bientôt 9 ans) quand on fait des projections sur la base des taux de croissance actuels : 69,8 ans. Dans ce laps de temps, le pays gagnera donc plus de 8 ans.

On observe aussi que cette augmentation s’accélère à mesure qu’on avance dans le temps. Alors qu’entre 1970 et 2018, la progression de l’espérance de vie aura été en moyenne de 5,4 ans tous les 10 ans, elle sera d’environ 7 ans tous les 10 ans entre 2018 et 2030.

D’ailleurs, si l’on se réfère au passé, on constate qu’entre 1950 et 1960, le Niger n’est passé que de 34,29 ans à 35,01 ans. Ce qui veut dire qu’en 10 ans le Niger n’avait même pas gagné un an d’espérance de vie à l’époque. Il en est de même pour les décennies qui suivent puisque le pays n’a ensuite gagné que quelques mois entre 1960 et 1970 et seulement un peu moins de 3 ans entre 1970 et 1980. En comparaison, on notera que le nombre moyen d’années qu’un enfant né au Niger en 2019 peut espérer vivre est de 62,16 ans, ce qui représente un gain de plus d’une demi-année rien que sur 2018. Dans le passé, il nous aurait fallu presque 10 ans pour faire une progression comparable.

Baisse du taux de mortalité

Mieux encore, ceci est vrai non seulement de l’espérance de vie, mais aussi de tout autre indicateur relatif aux conditions de vie des Nigériens. C’est le cas par exemple du taux de mortalité. Au cours de la période 1990-2012, le taux de mortalité est passé de 22,6 pour mille à 11,2 pour mille. Ce qui veut dire que la mortalité a diminué de moitié alors même qu’au cours de la même période, la population passait de 7,523 millions à 17,073 millions d’individus, augmentant ainsi de presque de 10 millions d’habitants. Contrairement à ce qu’aurait laissé entendre le discours catastrophiste sur la population, l’amélioration du taux de mortalité a été concomitante avec l’augmentation de la population.

On peut en dire tout autant de la production agricole, par exemple celle du mil, aliment essentiel au Niger, qui a été multipliée par 3 entre 1990 et 2014 alors même que la population a été multipliée par plus de deux durant la même période. Il en est de même pour la pauvreté, dont l’incidence était de 63 % en 1993 et 48,2 % en 2011. Entre 2011 et 2020, elle a encore continué à reculer pour s’établir à 42,9 %, un chiffre sans doute encore trop élevé mais tout de même significatif si l’on considère le long terme et si les tendances se maintiennent.

L’augmentation de la population est allée de pair avec l’amélioration du taux de scolarisation

Prenons un autre indicateur important : le taux de scolarisation. L’augmentation de la population n’a pas entrainé une réduction des moyens de l’État et un effondrement du taux de scolarisation. Bien au contraire ! Non seulement l’État a été capable de faire face à l’augmentation constante de la population et du nombre d’enfants en âge d’être scolarisés, mais ici aussi, plus on avance dans le temps, plus le taux de scolarisation s’est amélioré. En d’autres termes, l’augmentation de la population est allée de pair avec l’amélioration du taux de scolarisation.

Ainsi par exemple, entre 2003 et 2014, le taux de scolarisation est passé en 10 ans de 43,3 % à 70,6 % alors même que la population passait de 11,834 millions à 19,148 millions de personnes. Pour ce qui est de la période 2012-2020, voici ce qu’écrit l’Unicef: « À la suite d’importants investissements depuis 2012, le nombre d’enfants inscrits à l’école primaire a augmenté de 35 %. L’inscription dans le premier cycle du secondaire a presque doublé depuis 2012. » Encore une fois, entre-temps, la population est passée de près de 18 millions à plus de 24 millions d’habitants. Comme on le voit, ici encore, l’augmentation de la population s’est accompagnée d’une amélioration des indicateurs.

Cette pauvreté s’explique d’abord et avant tout par la corruption généralisée

Il n’en demeure pas moins vrai que ces améliorations sont encore trop lentes et que le Niger, comparé aux autres, est un pays pauvre, le pays le plus pauvre du monde, mais je pense qu’il faut en chercher les raisons ailleurs que dans la croissance démographique. Pour moi, cette pauvreté s’explique d’abord et avant tout par la corruption généralisée, le mauvais choix des politiques nationales de développement, l’insécurité, l’incompétence des dirigeants et le fait que les richesses (abondantes) tirées du sous-sol ne profitent pas au pays et aux populations. La croissance démographique, qui est presque toujours la seule raison mentionnée pour expliquer la pauvreté, n’est qu’un écran de fumée commode derrière lequel on se réfugie pour se refuser à examiner ces réalités.

Gado Alzouma

Publié le 05-09-2021 dans jeuneafrique

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