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Le rôle des sages-femmes dans l’amélioration des indicateurs de la santé maternelle au cœur d’un entretien avec un Inspecteur régional de la Santé

27 mai 2022

Dans le but de rapprocher les communautés de leurs structures de santé, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, appuyé par l’UNFPA à travers un financement de la Banque Mondiale, pilote dans les régions administratives de Kankan et Kindia, un projet dénommé : « Continuité des services SRMNIA-N dans le contexte de COVID 19 ». C’est un projet qui promeut en ces temps de COVID19, le rétablissement de la confiance entre les structures de santé et les communautés à travers le recrutement, la formation et le déploiement des sages-femmes. 

Rencontré dans la soirée de ce mardi 24 mai 2022, dans son bureau sis au quartier Dalakô dans la commune urbaine de Kankan, le Dr Thierno Ibrahima Kourouma, Inspecteur Régional de la Santé à Kankan, nous a accordé un entretien exclusif au cours duquel, il fait le point sur la mise en œuvre dudit projet dans sa zone de juridiction, notamment sur le rôle primordial joué par les sages-femmes dans la continuité des services de santé maternelle en période de COVID 19. Lisez !

 Guineenews : Bonjour monsieur l’Inspecteur. Au début de l’épidémie de COVID 19, des études ont prouvé une baisse de l’utilisation des services de santé maternelle et néonatale. Cette situation a- t- elle gravement affecté les indicateurs de la santé maternelle ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : Bonjour et oui bien sûr. Comme vous le savez, l’épidémie du Coronavirus a entraîné une baisse de l’utilisation des services dans toutes les structures du pays. C’est vrai qu’il y avait déjà des difficultés au niveau des structures. L’un des problèmes majeurs, c’est l’insuffisance des ressources humaines en quantité et en qualité. Il va sans dire, qu’avec les rumeurs, les réseaux sociaux, il y a eu un impact négatif au début. Il y a eu une baisse drastique. Mais au fil du temps avec l’appui des partenaires techniques et l’Etat à travers des activités de sensibilisation aussi de recrutement de certaines ressources humaines et le renforcement de capacité en termes de qualité et de prestation de service de ces ressources humaines, je pense que ça a permis de remonter la pente petit à petit.

Guineenews : Pour ramener les communautés vers les structures de santé, vous avez engagé 36 sages – femmes déployées dans les structures de santé de la région. En quoi consistait leur travail ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : Okay, comme vous le savez, l’action des sages femmes est connue de tous dans les structures de santé surtout dans un centre de santé. Vous conviendrez avec moi que pour faire un accouchement propre assisté sans danger, il nous faut des agents de santé, qualifiés. Et l’agent de santé qualifié pour cela, c’est une sage-femme. Une sage-femme qui permet de suivre la femme depuis le début de la conception jusqu’à l’accouchement tout en identifiant les facteurs de risques et faire la référence quant il faut et assuré la prise en charge ainsi que d’autres paquets tel que la planification familiale. Je pense que cette collaboration a permis de remonter un peu les indicateurs liés à la santé de la reproduction notamment les consultations prénatales ont connu une augmentation. Mais comme vous le savez, dans la continuité des consultations, il y a beaucoup de facteurs qui interviennent entres autres, les infrastructures et le relief. Pendant la saison des pluies, il y a des difficultés en termes de route et d’accès. S’il y a le recrutement d’une sage-femme qualifiée ça peut réduire certaines références, et permettre aussi que les cas compliqués qui peuvent être gérés par une sage-femme, puissent être gérés localement et ne pas engendrer des cas de mort au niveau des trajets entre ces localités à accès difficile et les hôpitaux de référence. C’est vrai qu’on n’a pas encore atteint encore les couvertures souhaitées mais nous espérons que la tendance est bonne et qu’en amplifiant et assurant le suivi des sages-femmes sur le terrain, on peut maintenir ces acquis et améliorer les couvertures au fil des ans. Puisqu’on ne peut pas régler tout ça en 2 ou 4 mois. Grâce à la multiplicité des partenaires au niveau du terrain notamment le lead avec l’UNFPA, je pense qu’on pourra arriver à juguler cette problématique liée à la couverture des indicateurs de la santé de la reproduction.

Guineenews : Les sages-femmes ont établi une relation de travail avec les relais communautaires (301) afin de mieux toucher les femmes et filles dans leurs communautés. Comment se faisait cette  collaboration ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : Dans le contrat de performance établi entre la sage-femme et la structure de santé, entre la structure et les agents de santé communautaire, entre la structure et les relais, il est écrit clairement que le relais assure la promotion des pratiques familiales essentielles qui sont le soubassement même de la santé de la reproduction. Quand les gens ne sont pas sensibilisés sur l’importance des consultations prénatales, de l’accouchement dans une structure de santé, ils ne comprendront pas la nécessité d’utiliser les services de santé. Il va sans dire qu’on va avoir beaucoup de complications. Donc la présence du RECO est un lien fort entre la communauté et la structure de santé et le lien devient encore plus fort lors des stratégies avancées qui permettent à la sage-femme de quitter au niveau du centre de santé pour aller dans les localités les plus éloignées au niveau poste de santé, ce qui va permettre aux femmes de bénéficier des soins de qualité par exemple dans le cadre de la prévention du paludisme chez la femme enceinte, de la prévention des cas d’anémie à travers les consultations prénatales et aussi les CPM. Je pense que ce lien est extrêmement important parce que sans le RECO, les stratégies dans les villages peuvent en souffrir.

Guineenews : Que faisaient ces sages-femmes de différent par rapport aux autres personnels de santé qui étaient déjà dans les structures de santé et qui étaient au front contre la COVID et pour assurer la continuité des soins ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : La première des choses, c’est d’abord la motivation. Nous avons un besoin énorme en sage-femme. Malheureusement, il n’y a pas assez de sage-femme dans nos structures. Donc quand on la chance qu’un partenaire nous aide dans le cadre du renforcement des ressources humaines, la présence de la sage-femme, fait la différence avec les autres agents qui font office de sage de femme mais qui ne le sont pas. Donc cette compétence permet d’assurer et d’améliorer la qualité des prestations et aussi d’améliorer l’utilisation des services. Parce que plus la sage-femme est présente, plus les indicateurs s’améliorent. Je pense que la différence c’est leur motivation et leur qualification.

Guineenews : Que disent aujourd’hui les indicateurs sur l’utilisation des services de santé maternelle ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : Le dernier comité technique régional de la santé, nous a permis de voir la tendance des indicateurs de la santé de la reproduction. Globalement, il n’y a pas de problème d’accessibilité. Le problème c’est au niveau de la continuité des services liés à la santé de reproduction. L’accès est là, les gens viennent pour la première consultation prénatale. Mais quand on compare le taux d’abandon entre la première consultation prénatale et la quatrième, il y a des gaps importants. Cela est lié au manque d’information et au contexte socioculturel qui empêchent les indicateurs à bouger comme nous le souhaitons. Mais cela est en train d’être résolu, car il y a des sages femmes, qui ont été contractualisées, et qui à la fin de leur projet, ont le désir de rester. Je pense que les structures doivent reprendre le relais pour assurer leur motivation pour qu’il y ait une continuité de service. Mais je pense qu’il faut globalement résoudre les problèmes en recrutant suffisamment de personnel de santé notamment de sage-femmes dans les structures.

Guineenews : Peut-on dire que la confiance a été rétablie entre la communauté et les structures de santé ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : Bien Sûr, la confiance a été rétablie. Tout dernièrement j’ai fait une visite inopinée pour aller voir si les agents de santé sont à leur poste de travail. C’est vrai que les femmes par endroit ont des problèmes de familles, d’enfants qui sont malades et autres…, mais globalement, elles sont présentes sur le terrain. Cela est un sentiment de satisfaction pour moi. On a aussi constaté qu’il y a le minimum d’équipements qui permettent aux gens de travailler dignement et d’assurer les accouchements et les consultations selon les normes de procédure.

Guineenews : Avez-vous quand même rencontré des zones de réticences ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : C’est vrai parfois, il y a des petites incompréhensions. Mais ma foi, je pense que ce qui est important, c’est que les élus et les autorités accompagnent les structures de santé. Avec le dialogue communautaire, les assises, les communications des radios de proximité… On arrive tant bien que mal à infléchir et à dénoncer les comportements non favorables à la santé des populations. Cette dynamique est en cours, la société civile intervient, les ONG interviennent pour donner l’importance des activités liées aux pratiques familiales essentielles c’est-à-dire la vaccination des enfants, des femmes, l’allaitement maternel exclusif au sein pendant les six premiers mois, les consultations prénatales, les accouchements, la prévention du paludisme… Cela va encourager les équipes à améliorer leur dynamique sur le terrain surtout avec la synergie des partenaires.

Guineenews : Nous sommes aux termes de notre entretien, avez-vous un dernier mot M l’inspecteur ?

Dr Thierno Ibrahima Kourouma : Mon dernier mot, c’est par rapport au recrutement de ces sages femmes qui ont eu des contrats avec les structures de santé. Quand une sage-femme pour des raisons X ou y a été contractualisé pendant 3 ou 4 ans, je pense que l’Etat devrait faire en sorte qu’on ne perde pas ces ressources, parce que ces 3 ou 4 ans, ont été consacrés à l’investissement pour leur formation et le renforcement de leur capacité et autre…Comme l’Etat a signé des conventions avec certains partenaires pour le recrutement après un certain nombre d’année, nous sollicitons que ces agents qui sont sur place, puissent être priorisés pour d’éventuel recrutement au niveau de la fonction publique. Puisqu’ elles n’ont pas besoin de se déplacer, elles sont déjà présentes sur place et elles se sont déjà acclimatées. Donc c’est ce plaidoyer que je fais au niveau de notre Ministère de la Santé.

Publié le 26-05-2022 dans Guineenews

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