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Rapport entre Zakat, santé reproductive et autonomisation des femmes : les érudits et imams se prononcent à Kiffa

Kiffa, Capitale de l’Assaba, a abrité le 5 juillet 2022 pour deux jours, un atelier d’échanges avec les imams sur la Zakat comme ressources pour renforcer l’accès à la santé de la reproduction et l’autonomisation des femmes et filles vulnérables. Rencontre organisée par le Ministère des Affaires Islamiques avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

Une trentaine d’imams de mosquées venus de six régions de la Mauritanie se sont réunis à Kiffa pour assister au lancement, le 5 juillet 2022, d’un atelier d’échanges sur la Zakat et son apport dans la santé reproductive et l’autonomisation des femmes. Plusieurs directeurs centraux et régionaux du Ministère des Affaires Islamiques et de l’Enseignement Originel ont assisté aux travaux qui ont été ouverts par le Wali de l’Assaba, Mohamed Ould Ahmed Maouloud, accompagné du préfet de Kiffa et des chefs des corps constitués, en présence du staff de l’UNFPA.

Le Wali de l’Assaba, ouvrant les travaux de la rencontre, a mis l’accent sur l’importance de l’atelier qui porte sur l’apport de la Zakat dans la vie des femmes et des filles en milieu défavorisé, d’autant plus, selon lui, que cette source considérable de revenus constitue dans plusieurs pays musulmans un facteur non négligeable de développement et de solidarité. Il a mis l’accent sur la priorité que l’Etat mauritanien, notamment le président de la République, accorde aux franges défavorisées, en particulier les femmes et les jeunes filles. D’où le rôle attendu, d’après lui, des érudits et imams, en tant que leaders religieux, dans la prise de conscience collective par rapport à l’importance de la Zakat et de la place à accorder à la femme.

Le Conseiller du Ministre des Affaires Islamiques chargé de la Coopération, Ahmed Ould Tah, avait quant à lui évoqué les droits et les obligations de la femme dans l’islam, notamment le rôle que la religion lui a assigné après le statut malfamé qui était le sien dans la période antéislamique (Jahilya). Il a comparé dans ce cadre la place de la femme du temps du Prophète (PSL), celui des Califes éclairés, puis durant la période de décadence au cours de laquelle la femme fut victime d’idéologies destructrices. Il a cité parmi les droits que l’Islam lui a conféré, le droit à la vie alors que sous la Jahilya, les filles étaient enterrées vivantes, le droit à la propriété et au commerce, le droit de succession et le droit à participer à la vie sociale et politique, entre autres.

Dr. Mohamed Kory Boutou, s’exprimant au nom du Représentant de l’UNFPA en Mauritanie, a rappelé les chiffres alarmants de la mortalité maternelle, 424 pour 100.000 naissances vivantes malgré des efforts par rapport au taux de 2013 (582), mais qui restent parmi les plus élevés en Afrique de l’ouest. Il a souligné que « l’accès aux services de la santé maternelle de qualité permet de réduire de plus de 30% le taux de mortalité maternelle ».

Selon Dr. Boutou, l’institutionnalisation de la Zakat permettra de libérer son potentiel de transformation en mettant à la disposition de la collectivité des ressources supplémentaires à son développement. Pour lui, c’est le lieu de déployer « un plaidoyer fort auprès des autorités en faveur de l’allocation de ressources de la ZAKAT afin d’introduire durablement une politique affirmée de financement de programmes d’autonomisation des femmes ». Il a rappelé dans ce cadre le rôle des imams et érudits dans le portage de ce plaidoyer pour briser le cercle vicieux de la pauvreté.

Zakat, SR et autonomisation des femmes

Plusieurs communications ont été présentées au cours de l’atelier, comme celle sur la SR du Dr. Sid’Ahmed Abidine du Ministère des Affaires Islamiques, mais aussi celle relative à l’Intérêt lié à l’institutionnalisation de la Zakat au profit de la santé reproductive et l’autonomisation de la femme.. Thème développé par le consultant et modérateur de l’atelier, l’ancien ministre Isselmou Ould Abdel Kader.

Il regrettera à ce propos l’absence de données suffisantes sur la ZAKAT en Mauritanie et la faiblesse de son apport dans l’économie sociale, évoquant le peu qui est distribué par des particuliers et autres acteurs indépendants. Il a suggéré à ce propos la création d’un organe central ou décentralisé chargé de la collecte et de la gestion des ressources de la Zakat dans une forme convenue, soit sous les auspices de l’Etat, à travers son intégration dans le Budget, ou de l’Association des Ulémas de Mauritanie ou d’un Bureau indépendant, avec définition des mécanismes de fonctionnement de cet organe et son mode de suivi-évaluation. Plusieurs aspects sont liés selon lui à la Zakat, l’aspect historique, l’aspect linguistique et l’aspect théologique (Fiqh). Il a cité également des expériences de pays musulmans où l’institution de la ZAKAT fonctionne comme au Pakistan, au Yémen et en Arabie Saoudite.

Plusieurs intervenants ont noté cependant la réticence des donneurs de ZAKAT par rapport à la gestion honnête, transparente et équitable de la ZAKAT, la crainte des détournements des fonds et l’assurance que ses ressources aillent vers les cibles légitimes (les pauvres et démunis). Beaucoup ont suggéré que cette institution soit placée sous la tutelle du Ministère des Affaires Islamiques et du Ministère des Finances, avec un comité comprenant les représentants des donneurs de ZAKAT, des magistrats et des imams connus pour leur probité.

Dr. Mohamed Ould Abdi, Directeur régional de la Santé (DRS) de l’Assaba a mis en exergue le coût élevé de la prise en charge de la santé reproductive, malgré l’existence du forfait obstétrical, et les besoins de financement supplémentaire, comme la ZAKAT peut en pourvoir, pour pallier les moyens insuffisants de l’Etat.

Brahim Vall Mohamed Lemine, Chargé de Programme à l’UNFPA, a souligné l’importance des imams et érudits dans l’amélioration de la santé reproductive, la réduction de la mortalité maternelle et l’autonomisation de la femme, à travers l’institution de la ZAKAT. Il trouve inadmissible qu’une femme puisse décéder en donnant la vie dans de nombreux cas où ces décès auraient pu être évités.

Pour Mohamed Lemine Mahfoudh de la FAO, la ZAKAT fait partie des ressources domestiques qu’il faut mobiliser car selon lui les importantes ressources qu’elle peut générer ne demandent qu’une bonne organisation. Selon lui, beaucoup de personnes refusent de donner la ZAKAT alors que c’est un pilier de l’Islam et une recommandation divine. Le rôle des imams et érudits est selon lui de rappeler aux croyants cette obligation et à l’Etat de mettre en place les organes chargés de ses aspects opérationnels. La FAO qui travaille dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage travaille selon lui sur d’autres aspects liés à la SR, soulignant que cet organisme a déjà mené une enquête dans le domaine de la ZAKAT dans les secteurs agropastoraux.

Plusieurs responsables régionaux du Ministère des Affaires Islamiques se sont exprimés. Mohamed Sidi Mahmoud de l’Assaba a posé le problème de la transparence et de l’implication des donneurs de ZAKAT dans tout organe qui sera créé dans ce cadre, soulignant que la SR a d’autres sources de financement autres que la ZAKAT (Etat, partenaires).

Cheikh Ahmed Moustapha, imam de la mosquée Aghchorguit (Brakna) a mis en exergue l’importance de la ZAKAT dans l’économie islamique. Selon lui les deux principales sources de la ZAKAT sont l’élevage et les activités commerciales, soulignant que la SR est bien supportable par la ZAKAT car les bénéficiaires sont des femmes pauvres et démunies qui entrent dans les cibles de la ZAKAT tels que mentionnées par les sources religieuses.

Pour l’imam Béchir Ould Ismaël, des liens étroits existent entre la ZAKAT, la SR et l’autonomisation des femmes, citant le Coran et les Hadiths. Pour lui, la collecte et la gestion de la ZAKAT doivent être du fait du Prince, donc de l’Etat. Avis partagé par plusieurs autres érudits du Guidimagha, des Hodhs et du Brakna notamment, tels que l’imam Cheikh Abderrahmane Aw et l’imam AbdallahI Cissé du Guidimagha, ou encore l’imam Cheikh Brahim Bousso. Il suggère la mise en place d’une Commission nationale chargée de la question de la ZAKAT et des commissions décentralisées au niveau des régions et des départements.

Publié le 06-07-2022 dans Thaqafa

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