4 juin 2025
L’évaluation de l’efficacité de la phase pilote de la politique a consisté à une comparaison entre le district pilote d’Agboville et celui de Yamoussokro (pris comme district contrôle). La figure ci-dessous montre l’évolution du nombre de nouvelles utilisatrices PF dans les deux (2) districts de 2019 à 2023.
Les résultats ont montré une tendance à la baisse pour les deux (2) districts de 2019 à octobre 2021, date à partir de laquelle le district d’Agboville a enregistré une augmentation du nombre de nouvelles utilisatrices de PF. Il y a eu :
une baisse de tendance significative d’environ 11 utilisatrices de méthodes modernes par mois dans le DS d’Agboville avant le démarrage de la gratuité de la PF (p=0,025), en utilisant Yamoussoukro comme contrôle ;
une augmentation très significative d’environ 556 utilisatrices de méthodes modernes dans le DS d’Agboville immédiatement après le démarrage de la gratuité de la PF (p<0,001), en utilisant Yamoussoukro comme contrôle ;
dans le même sens, pour l’ensemble des districts d’intervention, les résultats ont démontré une augmentation très significative d’environ 1 132 utilisatrices de méthodes modernes dans les autres DS d’intervention immédiatement après le démarrage de la gratuité de la PF (p<0,001), en utilisant d’autres DS comme contrôle.
Cependant, lorsque la CPN4 est prise comme contrôle, l’effet n’est plus significatif, d’où la possibilité que l’augmentation du nombre de nouvelles utilisatrices dans les districts d’intervention soit imputable à d’autres facteurs contextuels, et pas uniquement à la politique de gratuité. Par ailleurs, la période post-intervention n’est pas assez longue (15 mois) pour conclure sans équivoque à l’effet réel de la politique.
Il n’y a pas de différence nette d’opinions au sein des groupes de population interviewés (femmes, leaders religieux, prestataires de santé). La recherche a mis en exergue autant d’avis favorables que défavorables dans chacun de ces groupes.
Elles ont été exprimées en ces termes :
« Gratuit là, c’est bon, tout le monde a le même avis. » (RCI, FG, femme, 35-49 ans)
« Dans notre vie d’aujourd’hui, c’est une bonne chose. » (RCI, EI, leader religieux 4)
« La politique de gratuité permet d’augmenter le nombre de femmes bénéficiant des produits contraceptifs pour diminuer la mortalité des mères. » (RCI, EI, prestataire 10)
Elles proviennent des mêmes groupes et traduisent une opposition totale à la PF en général et à la politique de gratuité en particulier.
« Quand tout est gratuit comme ça, ce n’est pas bon. Les gens vont utiliser les méthodes à souhait pour réduire les naissances parce qu’elles seront espacées et vivre dans le péché. » (RCI, EI, leader religieux 7)
Certains avis sont plus nuancés et plaident pour une gratuité partielle :
« La gratuité, oui, seulement il faut une petite contribution de la part des clientes, afin qu’elles comprennent l’importance de ce qu’elles vont appliquer. Comme l’exemple des SRO pour la diarrhée. » (RCI, EI, prestataire 5)
La force de l’intervention réside dans le fait qu’elle constitue une réponse à l’enjeu d’accessibilité financière aux produits contraceptifs. Pour la majorité des participants, la gratuité de la PF permet de répondre aux besoins des populations en matière d’accès.
La politique répond aux besoins des patient·e·s en supprimant les barrières financières, tout en augmentant l’afflux de bénéficiaires.
En interne, l’inaccessibilité géographique des centres, le manque d’équipements et les ruptures de stock compromettent la qualité des services. Les résultats montrent que la gratuité des services de PF n’est pas effective dans toutes les formations sanitaires censées en bénéficier. Plus d’un client sur quatre a payé la méthode contraceptive reçue dans les formations sanitaires d’intervention.
Les barrières externes observées incluent les effets indésirables des contraceptifs, les fausses rumeurs et des obstacles socio-culturels limitant l’utilisation des services gratuits.
Deux modes ont été proposés par les acteurs de la PF interviewés :
un passage à l’échelle horizontale progressif (majorité)
un passage à l’échelle vertical (minorité)
Peu convaincue de la capacité financière du gouvernement à appliquer la gratuité sur tout le territoire, la majorité des acteurs propose une approche progressive.
« Avec les ruptures que nous observons actuellement, je suis un peu dubitative et je me demande si l’État sera en mesure de faire face financièrement à un passage à l’échelle verticale. Un passage à l’échelle progressif serait l’idéal. » (RCI, EI, informateur 4, PTF)
Les partisans de cette option s’alignent avec la vision gouvernementale d’offrir la gratuité à toutes et tous, sans discrimination, dans un souci d’équité. Cette vision est traduite dans le plan de passage à l’échelle.
« Si les méthodes sont gratuites dans un district et payantes dans le district juste à côté, ce n’est pas équitable, et cela va conduire à une fuite des produits vers les zones où c’est payant. » (RCI, EI, informateur 5, niveau central)
Ces résultats constituent une base de réflexion pour le ministère de la Santé et ses partenaires afin d’assurer l’efficacité attendue de la gratuité. Ils orientent également les interventions spécifiques à mettre en place, ou à améliorer, pour chaque acteur impliqué dans la mise en œuvre de la PF et de la politique de gratuité.