4 juin 2025
L’évaluation de l’effet de la politique a porté sur l’évolution du nombre de nouvelles utilisatrices de PF par mois pendant la phase pilote et après le passage à l’échelle. Elle a démontré :
Une baisse significative du nombre d’utilisatrices de PF dans les deux régions pilotes en juin 2019, et une baisse non significative immédiatement après le début de la gratuité.
Un effet positif de la politique après une comparaison entre les deux (2) districts pilotes et deux (2) districts témoins.
Un effet positif de la politique a été observé après le passage à l’échelle en juillet 2020, à travers :
une baisse de tendance significative d’environ 380 utilisatrices de méthodes modernes de PF par mois avant le démarrage de la gratuité de la PF (p<0,001) dans les six (6) régions ;
une augmentation très significative de 13 886 utilisatrices de méthodes modernes de PF dans les régions sanitaires immédiatement après le démarrage de la gratuité de la PF, en utilisant la CPN4 comme contrôle (p<0,001).
En outre, la comparaison post-intervention et pré-intervention a démontré une augmentation de 237 utilisatrices de méthodes modernes (p<0,001).
La recherche a évalué la pérennité de la politique sous différentes composantes, dont trois (3) sont présentées ici : le soutien politique, la stabilité du financement et l’adaptabilité de la politique aux changements.
Le soutien politique est clairement affiché. Il se traduit non seulement par l’ancrage institutionnel de la politique au sein du ministère de la Santé, l’apport financier croissant, mais également par différents engagements du gouvernement aux niveaux régional et international (PO, FP2030).
En plus de l’achat des contraceptifs, toutes les prestations facturées par les formations sanitaires pour l’offre de services de PF sont payées à 99 % par le budget de l’État.
Il faut noter que le montant des factures globales payées par l’État a connu une forte augmentation à partir de 2020, passant d’environ trente milliards par an à quarante milliards en 2021. La surfacturation et la fraude, rendues possibles par le mécanisme de facturation groupée des soins par les formations sanitaires, étaient l’une des raisons de cette augmentation.
Par ailleurs, la dépendance à la contribution des PTF reste forte, malgré l’engagement du gouvernement à augmenter d’au moins 10 % chaque année la ligne budgétaire allouée aux produits contraceptifs.
« La contribution des partenaires techniques et financiers, c’est autour de 60 à 70 % pour l’achat des produits contraceptifs. Et le reste, c’est l’État. » (Répondant 4, Niveau central)
« La dépendance primaire à l’égard des ressources des donateurs pour le financement des produits contraceptifs compromet la durabilité et accroît la vulnérabilité aux fluctuations du financement. » (Répondant 3, Niveau central)
Depuis son application, la politique de gratuité a démontré de grandes capacités d’adaptation. Cela s’est traduit par des changements mis en place dans la méthode de remboursement des frais, l’externalisation du contrôle, et la mise en place de la facturation individuelle numérique.
Une partie des fonds de remboursement est dirigée vers la CAMEG depuis 2017 pour pallier les difficultés de gestion rencontrées lorsque les formations sanitaires encaissaient la totalité des fonds. Le contrôle des factures a été externalisé et confié aux ONG. Enfin, la facturation numérique a été instaurée en 2024 pour réduire les risques de fraude et de surfacturation.
« En janvier 2024, un changement majeur a été introduit avec la mise en place d’un système de facturation individuelle numérique [...] Cela a entraîné une diminution significative des montants facturés, de l’ordre de 40 à 50 %. » (BF, EI, Informateur 2, Niveau central)
Le processus d’élaboration inclusif, l’ancrage institutionnel et organisationnel sont les principaux catalyseurs de la politique de gratuité.
S’inscrivant dans la politique plus globale relative à la prise en charge des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans, la gratuité de la PF est simple et facile à mettre en œuvre. Elle n’a pas apporté de changement opérationnel dans l’offre des services, ce qui a réconforté les prestataires.
« Non, la gratuité de la PF n’est pas compliquée à mettre en œuvre parce que ça ne change pas notre manière de faire. C’est comme quand ce n’était pas gratuit aussi. » (BF, EI, Prestataire 34)
La recherche a identifié différentes limites à l’application de la politique de gratuité, tant dans son contenu qu’aux niveaux interne et externe.
Les limites internes sont principalement les ruptures de stock, autant dans les formations sanitaires qu’à la CAMEG. Aucune formation sanitaire n’offrait toutes les méthodes contraceptives au moment de l’enquête. Environ 56,2 % ont connu une rupture d’une méthode moderne au cours des trois derniers mois. Pour 40 % de ces formations sanitaires, la rupture concernait au moins une méthode à longue durée d’action.
« Il arrive que les marques de méthodes contraceptives manquent, notamment Sayana Press et Depo-Provera. Les demandes sont fortes, ça fait que ça manque souvent. Mais ça ne dure pas. » (BF, EI, Prestataire 18)
La rupture de stock a duré plus de sept (07) jours pour 40 % des formations sanitaires.
Les autres limites observées sont : la péremption de lots de produits, la faible capacité de stockage des formations sanitaires et des insuffisances dans le processus d’expression des besoins.
Enfin, les limites liées au contexte externe sont la méconnaissance du contenu de la politique, notamment par les prestataires de santé, ainsi que les retards et insuffisances dans le remboursement des formations sanitaires.
« Je ne suis pas certain que les examens soient couverts par la gratuité. Par exemple, si une femme retire une méthode contraceptive parce qu’elle ne lui convient pas, elle peut se voir prescrire un examen qu’elle devra faire en clinique, probablement à ses frais. Ici, nous n’avons pas les moyens de réaliser ces examens ; nous ne faisons que les prescrire pour qu’ils soient effectués ailleurs. » (BF, EI, Prestataire 43)
Quinze ans après le passage à l’échelle de la gratuité de la PF, les résultats de cette recherche offrent un regard scientifique et robuste sur les progrès réalisés. Dans un contexte de réduction de l’aide au développement des PTF et de crises, ils orienteront le ministère de la Santé, à travers la Direction de la Santé Familiale, à prendre des décisions politiques stratégiques pour continuer à garantir l’accès et l’utilisation de la contraception moderne à chaque utilisatrice dans le besoin.