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Soutenir la santé et l’hygiène menstruelle afin d’améliorer le bien-être des femmes et des jeunes filles

La moitié de la population mondiale passera la moitié de sa vie à avoir des règles. 500 millions de femmes et de filles à travers le monde n’ont pourtant pas accès à du matériel d’hygiène menstruelle ni à des installations sûres et propres. Cette “précarité menstruelle” est préjudiciable à leur santé physique, mentale et émotionnelle. Nous devons insister sur l’importance d’inclure la santé et les droits menstruels dans le cadre global de la santé et des droits sexuels et reproductifs, et appeler à plus d’action, de politiques et de ressources en appui à la santé menstruelle.

La santé menstruelle passe par l’information sur la menstruation et les soins personnels, l’accès au matériel d’hygiène menstruelle, le diagnostic et le traitement des troubles du cycle menstruel et la possibilité de ne pas être stigmatisé ou discriminé en raison de la menstruation. Elle est de plus en plus conceptualisée comme faisant partie du domaine de la santé sexuelle et reproductive et est également souvent incluse dans les programmes relatifs à l’eau et à l’assainissement, ainsi que dans l’aide humanitaire. 

La Commission Guttmacher-Lancet sur la santé et les droits sexuels et reproductifs définit la santé reproductive comme étant “un état de bien-être physique, affectif, mental et social, concernant tous les aspects de la sexualité et de la reproduction, et pas seulement l’absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité, pour tout ce qui concerne le système de reproduction, ses fonctions et processus”. Elle affirme, en outre, que chaque personne devrait pouvoir “gérer ses menstruations de manière hygiénique, dans l’intimité et la dignité”. Cette inclusion est vitale car la santé menstruelle est inextricablement liée à de nombreux autres aspects de la santé sexuelle et reproductive et doit donc être soutenue pour faire du droit à la santé une réalité pour tout le monde.

La menstruation continue d’être un sujet tabou à l’école; certaines adolescentes en ont honte. Elles manquent en moyenne cinq jours d’école par mois à cause de leurs menstruations.

Koné Aby
ONG Arc en Ciel du Bonheur, Côte d’Ivoire

Il peut arriver que les femmes et les jeunes filles à travers le monde sacrifient d’autres aspects de leur santé et de leur vie pour protéger leur santé menstruelle. Par exemple, certaines adolescentes peuvent s’adonner à des relations sexuelles transactionnelles pour acheter des produits hygiéniques , ce qui est susceptible de mettre en péril leur vie et leur santé en augmentant le risque de grossesse, d’infection et de violence. L’absence de Gestion de l’Hygiène Menstruelle (GHM), notamment l’indisponibilité de points d’eau et d’installations sanitaires sûres, dans les écoles, associée à la stigmatisation entourant la menstruation, pousse les filles à rester à la maison et à manquer l’école. 

Lorsqu’elles doivent choisir entre s’occuper de leur santé menstruelle et subir la honte et l’humiliation à l’école, les filles préfèrent sacrifier leur éducation. En outre, lorsque les femmes et les jeunes filles ont leurs règles, il arrive qu’elles soient empêchées de participer à de grands événements, de se baigner ou de cuisiner parce qu’elles sont considérées comme impures. Isolées des autres et privées de leur dignité humaine fondamentale, les femmes et les jeunes filles sont souvent mises à l’écart de la société, et ce à plus d’un titre. Faire face au problème de la santé et des droits menstruels n’est pas seulement une question de SDSR, mais aussi de droits de l’homme.

La santé menstruelle doit être abordée de manière holistique ; les décideurs politiques, les prestataires de soins de santé, les éducateurs, les responsables communautaires et les individus peuvent entreprendre des actions pour protéger la santé menstruelle. Au niveau politique et gouvernemental, quelques pays accordent un congé menstruel qui consiste à permettre un arrêt de travail pour des raisons de dysménorrhée (règles douloureuses). D’autres pays ont cessé de taxer les produits de gestion des menstruations, reconnaissant le caractère discriminatoires de ces taxes à l’égard des femmes et des jeunes filles.

Les institutions, notamment le système de santé, les écoles et les établissements pénitentiaires, peuvent soutenir la GHM des femmes et des filles ainsi que d’autres aspects de la santé menstruelle. Dans les établissements de santé, les prestataires de soins doivent être prêts à donner des conseils sur la prise en charge des douleurs menstruelles et à proposer (ou à orienter les cas vers) un dépistage des causes des douleurs sévères ou des irrégularités.

Les écoles jouent un rôle particulièrement important en informant les filles sur leurs règles et en veillant à ce que tous les jeunes comprennent que la menstruation est un processus normal et sain. La déstigmatisation de la menstruation et des produits menstruels, ainsi que la disponibilité, dans les établissements tels que les écoles et les structures de santé, d’installations et de produits pour les personnes qui en ont besoin, permettront d’améliorer l’accès aux soins de santé et à l’éducation.

Par exemple, en 2022, dans le cadre du programme d’EngenderHealth intitulé A Rights-Based Approach for Enhancing SRHR in Ethiopia (Approche fondée sur les droits), nous avons formé les communautés scolaires à la gestion de l’hygiène menstruelle. Cette formation a permis de renforcer les capacités des participants en vue d’équiper et de soutenir les adolescentes par des informations de base sur les menstruations et leur gestion hygiénique, notamment sur la préparation de serviettes hygiéniques réutilisables. Les participants ont partagé les connaissances et compétences nouvellement acquises en formant d’autres personnes à la gestion des menstruations et en apprenant à 294 filles, dans huit écoles, à fabriquer leurs propres produits menstruels à l’aide de tissus en coton.

Les établissements correctionnels, tels que les prisons et les pénitenciers, font partie des autres structures importantes où la santé menstruelle est souvent ignorée, ce qui est très préjudiciable. Les organisations partenaires ivoiriennes “Soutien aux Mères et aux Enfants en Détresse de Côte d’Ivoire (SMED-CI)” et “Actuelles” estiment que chaque femme a droit à la dignité pendant sa période menstruelle, en particulier celles qui sont incarcérées. Ces organisations mènent des actions dans les établissements correctionnels ainsi que dans les écoles afin d’apporter aux femmes et aux jeunes filles, là où elles se trouvent, les informations et le matériel dont elles ont besoin.

Au niveau communautaire, les organisations peuvent apporter un soutien aux membres de leur communauté. Par exemple, dans le cadre du projet “Approche fondée sur les droits” mentionné ci-dessus, EngenderHealth a acheté des serviettes hygiéniques qu’elle a distribuées dans les centres de quarantaine et d’isolement du COVID-19, ce qui a permis de satisfaire les besoins menstruels de plus de 36 000 femmes et filles. Depuis 2018, l’organisation Actuelles a touché plus de 20 000 femmes et jeunes filles avec la distribution de serviettes menstruelles, notamment en créant des “banques de serviettes” dans les lycées et les collèges. Arc en Ciel du Bonheur, une autre organisation partenaire ivoirienne engagée dans l’élimination de la stigmatisation liée à la menstruation a, en 2022, fourni gratuitement 50 000 serviettes hygiéniques à des femmes et à des jeunes filles. Dans le cadre d’un projet d’EngenderHealth à Bihar, en Inde, des agents de santé communautaires ont identifié et formé des  éducateurs pairs adolescents sur une série de sujets de santé prioritaires, dont l’hygiène menstruelle.

Au niveau interpersonnel, nous pouvons encourager les proches, les amis, les enseignants, les entraîneurs sportifs et les autres membres de la communauté à parler de la menstruation comme étant un processus normal et à aider tout le monde à comprendre comment gérer les règles. Avant tout, nous devons aider les femmes et les jeunes filles à se sentir fortes, informées et à ne pas avoir honte de cette fonction physiologique tout à fait normale. Plus elles seront informées et préparées, et plus nous déstigmatiserons la menstruation, plus elles pourront se défendre et protéger leur santé.

La communauté a un rôle important à jouer dans cette lutte, car c’est dans cet espace que les discussions doivent commencer.

Salimatou Baldé
ONG Actuelles, Côte d’Ivoire

Nous plaidons pour une approche à plusieurs niveaux consistant à créer des forteresses systémiques afin de garantir le droit à la santé menstruelle pour toutes. Nous appelons les individus, les organisations communautaires, les institutions et les décideurs politiques à se joindre à l’effort de promotion de la santé menstruelle et de la santé et des droits sexuels et reproductifs à travers les actions suivantes :

  • Engager des discussions visant à déstigmatiser la santé menstruelle : mettre fin à la stigmatisation de la santé menstruelle est la première étape vers la normalisation de la menstruation et le soutien en matière de santé et de droits.
  • Former les prestataires de soins de santé à interroger les patientes au sujet de leurs menstruations et à assurer le dépistage, l’orientation ou le traitement des causes médicales de la dysménorrhée.
  • Prévoir des arrêts de travail pour les employées souffrant de douleurs menstruelles sévères.
  • Fournir des produits de santé menstruelle dans les écoles, sur les lieux de travail, dans les centres communautaires, dans les établissements pénitentiaires et dans d’autres lieux afin de s’assurer qu’ils sont accessibles aux personnes qui en ont besoin.
  • S’assurer que les toilettes des écoles, des centres de santé, des lieux de travail et d’autres lieux offrent de l’intimité et un accès à de l’eau propre afin de faciliter la gestion de la santé menstruelle.
  • Élaborer des politiques centrées sur l’accès aux produits et soins menstruels. Que ce soit au niveau local ou national, les politiques et les procédures doivent donner la priorité à la gestion de la santé menstruelle afin de garantir le droit à la santé menstruelle et reproductive. Les politiques peuvent aller de la non-taxation des produits menstruels à l’octroi d’un congé menstruel pour les personnes souffrant de douleurs menstruelles sévères.
  • Soutenir les organisations communautaires qui promeuvent la santé menstruelle au sein de leurs communautés. Les donateurs institutionnels et individuels peuvent amplifier leur impact en finançant des groupes engagés dans la sensibilisation, la fourniture de produits et la défense de la santé menstruelle.

Pour garantir la santé et les droits de tous, il est essentiel de reconnaître les défis auxquels sont confrontés les personnes en matière de menstruation et d’intégrer la santé menstruelle dans l’éducation, les programmes de distribution de produits, les services et les interventions de plaidoyer. Nous sommes fiers de travailler en partenariat avec des organisations engagées sur cette importante question de santé et de droits, et leur rendons hommage à l’occasion de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle.

Des organisations communautaires en Côte d’Ivoire s’occupent de la santé menstruelle

EngenderHealth est fière de travailler en partenariat avec plusieurs organisations communautaires en Côte d’Ivoire, qui soutiennent la santé menstruelle de plusieurs manières notables.

  • Le Collectif des Activistes contre les Violences Basées sur le Genre a publié des recommandations politiques visant à réduire les absences scolaires dues aux menstruations. Au nombre de ces recommandations se trouvent l’éducation à l’hygiène menstruelle dans les écoles, l’amélioration de l’accès aux produits d’hygiène menstruelle, l’implication des chefs religieux dans les campagnes de sensibilisation et l’intégration de conseils sur l’hygiène menstruelle dans les soins prodigués aux victimes de violences basées sur le genre.
  • Le Mouvement Femme & Paroles organise “La Menstru’Elle”, une semaine dédiée à la sensibilisation sur la santé menstruelle. Ils organisent des panels, des tables rondes et des ateliers, et distribuent des produits d’hygiène menstruelle aux jeunes filles, dans la poursuite de leur objectif d’autonomisation des jeunes filles ivoiriennes.
  • Arc en Ciel du Bonheur met en avant les droits de l’homme et l’éducation, y compris le droit à la santé reproductive pour les femmes et les jeunes filles. L’un de leurs plus grands projets, Mes Menstrues & Moi, vise à accroître la capacité des filles à rester à l’école, à améliorer l’hygiène menstruelle et à normaliser et déstigmatiser la santé menstruelle en milieu scolaire. Ils ont lancé plusieurs campagnes visant à briser les tabous liés aux menstruations et au corps de la femme, afin d’aider les parents à assumer leur rôle pendant la puberté de leurs enfants et de mettre en lumière l’importance d’une bonne hygiène.
  • Jeunesse Féminine Active, qui vise à réduire les inégalités entre les sexes et à promouvoir l’accès à l’éducation pour tous, a transmis des connaissances essentielles sur la GHM à plus de 24 000 filles et 4 500 femmes dans plus de 57 communautés en Côte d’Ivoire au cours des huit dernières années.
  • Actuelles a créé plus d’une douzaine de “banques de serviettes” dans les lycées et collèges et intervient également dans les prisons, en fournissant des produits d’hygiène menstruelle aux femmes de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan.
  • L’organisation Soutien aux Mères et aux Enfants en Détresse de Côte d’Ivoire (SMED-CI) distribue des produits d’hygiène menstruelle et sensibilise les femmes incarcérées sur la menstruation, leur apportant ainsi un soutien dont elles ne bénéficient pas souvent.

Publié le 26-05-2023 dans EngenderHealth

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