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Pour une lutte efficace contre la COVID-19 tous les aspects de la santé doivent être pris en compte, y compris la santé sexuelle et reproductive

11 septembre 2020

Depuis son apparition en Chine, la COVID-19 a contaminé plus de 10 millions de personnes et causé plus de 500 000 décès à travers le monde. Avec une population estimée à 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique est touchée par la pandémie à un moment où plusieurs de ses pays, malgré les défis du sous-développement, étaient sur une trajectoire d’émergence.

Au Sénégal, la COVID-19 sévit officiellement depuis le 2 mars. À ce jour, près de 7 000 personnes ont été contaminées dont 116 décès et plus de 4 500 personnes déclarées guéries. Des décisions importantes ont été prises par les autorités pour faire face à la pandémie, avec notamment la mise en place d’un Fonds de riposte et de solidarité (Force-Covid-19) pour atténuer les effets sur l’économie nationale et pour venir en aide aux plus démunis.

La COVID-19 freine ainsi l’élan des uns, aggrave la situation des autres et remet en cause les efforts de tous. Elle soumet à rude épreuve les systèmes nationaux de santé publique déjà vulnérables.

Ce bouleversement aura également un impact profond sur la santé sexuelle et reproductive en général et plus précisément sur l’accès aux informations et aux services de planification familiale. Pourtant, ces dernières années, le Sénégal avait très bien avancé sur ces défis. En effet, la prévalence contraceptive moderne a augmenté de manière continue, passant de 16 % en 2012-2013 à 26 % en 2017.

Malheureusement, tous ces acquis risquent d’être perdus à cause de facteurs liés à la COVID- 19 :

  • Peur des individus de se rendre dans les structures de santé pour recourir à des services de santé reproductive ou de planification familiale
  • Indisponibilité des méthodes contraceptives liée à la fermeture des frontières
  • Ruptures de stock
  • Ressources de la planification familiale redirigées vers la riposte contre la COVID-19.

La COVID-19 a aussi eu comme conséquences dans nos régions une explosion des violences basées sur le genre et des grossesses précoces. La mortalité maternelle qui était de 236 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2018 semble aussi avoir augmenté.

En tant que jeunes, nous avions espoir qu’avec cette nouvelle décennie, tous les maux auxquels nous sommes confrontés allaient disparaitre. Les Objectifs du développement Durable (ODD) ont en effet offert un très bon cadre de lutte contre la pauvreté, les inégalités et le changement climatique, promettant ainsi aux jeunes un avenir plus radieux. Malheureusement, la COVID- 19 est apparue comme un frein, en particulier pour les ODD 3 et 4.

L’ODD 3, relatif à la santé et au bien-être, est très menacé par la COVID-19. En effet, même si les personnes âgées sont plus à risque, les jeunes sont aussi très touchés. Aussi, la COVID-19 a amplifié d’autres problèmes pré-existants pour les adolescents et les jeunes comme les questions liées à la santé sexuelle et reproductive. Aujourd’hui, il est fait état d’une multiplication des cas de grossesses précoces. Les services de santé de la reproduction deviennent de moins en moins accessibles. Les budgets qui devaient être destinés à la promotion de la santé sexuelle et reproductive et à la planification familiale des adolescents et des jeunes sont en train d’être redistribués pour la lutte contre la COVID-19.

Concernant l’ODD 4 relatif à l’éducation, les élèves étant restés plus de trois mois sans aller à l’école, l’avenir de l’année académique est incertain. Cette fermeture des écoles ne sera pas sans conséquences.

Aujourd’hui, afin de préserver les acquis, il est plus que jamais nécessaire de maintenir, voire renforcer les programmes existants de santé sexuelle et reproductive et de planification familiale. L’Alliance Nationale des jeunes pour la Santé de la Reproduction et la Planification familiale (ANJSR/PF), consciente de l’enjeu de la situation, a lancé, deux semaines après l’apparition de la COVID-19 au Sénégal, un appel à action sur les réseaux sociaux. L’objectif était d’interpeler aussi bien la société civile, l’État et ses partenaires techniques et financiers, sur l’importance de continuer la lutte pour les droits en matière de santé sexuelle et reproductive en cette période de pandémie.

Aujourd’hui plus que jamais, il faut prendre conscience que l’on devra vivre sous la menace du virus pendant encore quelques temps. Nous ne pouvons pas négliger toute une part essentielle de la santé plus longtemps. Il faut dès maintenant reprendre les bonnes habitudes. Les femmes peuvent reprendre leurs consultations prénatales ou de planification familiale et retourner dans les centres de santé en toute sécurité, sans risque d’y être contaminées. Afin que cela soit effectif, il faudra :

  • Faciliter l’accès aux méthodes à longue durée d’action
  • Intégrer la planification familiale aux soins postnataux
  • Encourager et fournir les méthodes de planification familiale auto-soins
  • Transférer les compétences
  • Utiliser les médias sociaux pour sensibiliser et donner accès à la télémédecine
  • Mettre en place des stratégies d’atténuation pour assurer l’approvisionnement jusqu’au dernier Km
  • Protéger le personnel sanitaire en fournissant le matériel nécessaire de manière régulière
  • Appuyer les organisations de jeunes dans leurs programmes en matière de santé sexuelle et reproductive

Avec sa population jeune, la structure démographique du Sénégal est très favorable pour booster notre économie. Nous devons profiter de la situation et faire l’investissement nécessaire pour en tirer pleinement profit.

C’est le moment de replacer la capture du dividende démographique dans les priorités nationales. Pour cela, la prise en charge de la santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale chez les jeunes est plus que jamais nécessaire dans cette période de crise.

Fatou Diop Sambe

Publié le 11-09-2020 dans Enquête+

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