7 septembre 2020
Le taux de pauvreté des femmes était censé baisser de 2,7 % entre 2019 et 2021, mais des projections pointent désormais une augmentation de 9,1 % due à la pandémie et à ses conséquences.
Réalisées par le Pardee Center for International Futures de l’Université de Denver à la demande d’ONU Femmes et du PNUD, ces projections montrent que la pandémie aura certes un impact sur la pauvreté mondiale en général, mais les femmes seront touchées de manière disproportionnée, en particulier celles en âge de procréer. D’ici 2021, pour 100 hommes âgés de 25 à 34 ans vivant dans l’extrême pauvreté (disposant de 1,90 dollar ou moins par jour pour vivre), on comptera 118 femmes, un écart qui devrait se creuser davantage à 121 femmes pour 100 hommes à l’horizon 2030.
L’augmentation de l’extrême pauvreté chez les femmes, en particulier à ces deux stades de leur vie, pointe clairement du doigt les lacunes profondes qui existent dans le modèle que nous avons choisi pour bâtir nos sociétés et nos économies. Nous savons que ce sont les femmes qui s’occupent principalement de la famille ; elles gagnent moins, épargnent moins et occupent des emplois beaucoup plus précaires – en fait, dans l’ensemble, l’emploi des femmes est à 19 % moins sûr que celui des hommes. Les éléments factuels dont nous disposons ici, qui attestent de nombreuses inégalités, sont essentiels pour prendre rapidement des mesures correctives qui placent les femmes au cœur de l’effort de relèvement à la suite de la pandémie, a déploré la Directrice exécutive d’ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Ngcuka.
Les données, résumées dans le rapport d’ONU Femmes intitulé From Insights to Action: Gender Equality in the wake of COVID-19, montrent également que la pandémie fera basculer 96 millions de personnes dans l’extrême pauvreté d’ici 2021, dont 47 millions de femmes et de filles. Ce qui portera à 435 millions le nombre total de femmes et de filles vivant dans l’extrême pauvreté, les projections montrant que ce chiffre ne retrouvera pas son niveau d’avant la pandémie avant 2030.
La pandémie compromet sérieusement les perspectives d’élimination de l’extrême pauvreté d’ici la fin de la décennie en cours. Et la réalité pourrait être encore plus sombre, car ces projections faisant état d’une augmentation des taux de pauvreté chez les femmes et les filles ne prennent en compte que la révision à la baisse du produit intérieur brut (PIB), à l’exclusion d’autres facteurs – tels que le fait pour certaines femmes de quitter le marché du travail pour s’occuper des enfants – qui pourraient également influer sur la répartition par sexe de la pauvreté.
Plus de 100 millions de femmes et de filles pourraient échapper à la pauvreté si les pouvoirs publics mettent en œuvre une stratégie globale visant à améliorer l’accès à l’éducation et à la planification familiale, à promouvoir l’équité et l’égalité salariales et à élargir la couverture des transferts sociaux. Les femmes sont les plus touchées par la crise de la COVID-19, car elles sont plus susceptibles de perdre leur source de revenus et moins susceptibles d’être couvertes par les mesures de protection sociale. Investir dans la réduction des inégalités entre les sexes est donc une démarche non seulement intelligente et d’un coût abordable, mais aussi un choix urgent que les gouvernements peuvent faire pour inverser l’impact de la pandémie sur la réduction de la pauvreté, a rappelé Achim Steiner, Administrateur du PNUD.
Les effets de la pandémie pousseront à revoir les prévisions de l’extrême pauvreté d’une région à l’autre. Comptant 59 % des femmes pauvres de la planète, la région de l’Afrique subsaharienne continuera d’abriter le plus grand nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde. D’autre part, après avoir réalisé des progrès considérables dans la réduction de la pauvreté ces dernières années, l’Asie du Sud devrait connaître une résurgence de l’extrême pauvreté. D’ici 2030, pour 100 hommes âgés de 25 à 34 ans vivant dans la pauvreté dans cette région, on comptera 129 femmes pauvres, contre 118 en 2021.
Ces chiffres sont certes alarmants, mais l’étude estime qu’il ne faudrait que 0,14 % du PIB mondial (soit 2 000 milliards de dollars) pour éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde d’ici 2030, et 48 milliards de dollars pour réduire l’écart de pauvreté entre les hommes et les femmes. Toutefois, le nombre réel de pauvres pourrait être beaucoup plus élevé au final, surtout si les pouvoirs publics n’agissent pas – ou le font trop tardivement.
La hausse constante d’autres inégalités préexistantes entre les sexes aura également un impact sur ces chiffres. Les femmes sont employées dans certains des secteurs les plus touchés, dont l’hébergement, la restauration et le travail domestique. Elles ont été particulièrement vulnérables aux licenciements et à la perte de sources de revenus. Selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT), en juin 2020, 72 % des travailleurs domestiques dans le monde avaient perdu leur emploi à cause de la COVID-19. Femmes et hommes s’occupent plus des tâches ménagères et de la garde des enfants et des membres de la famille pendant la période de confinement, mais la plus grande part du travail revient toujours aux femmes et aux filles.
Un recul des progrès n’est pas inévitable. Les mesures recommandées pour empêcher que les femmes restent en permanence à la traîne du fait de la pandémie incluent la lutte contre la ségrégation professionnelle, les écarts de rémunération entre les sexes et l’insuffisance de l’accès à des services abordables de garde d’enfants ; l’adoption de programmes de soutien économique aux femmes vulnérables dans les pays ; le renforcement des mesures de protection sociale ciblant les femmes et les filles ; et le développement de la recherche et la mise à disponibilité de données sur les effets sexospécifiques de la COVID-19.
Publié le 05-09-2020 dans Pages Afrik
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