« Les temps sont difficiles. Nous en avons eu un rappel la semaine dernière, lorsque l’ONU a adopté la résolution 2467 sur les violences sexuelles en période de conflit », a déclaré Margot Wallström, qui était la conférencière invitée de la Conférence commémorative Rafael Salas, à l’occasion du 50eme anniversaire de l’UNFPA, l’agence onusienne qui œuvre depuis 1969 en faveur des droits reproductifs à travers la planète.
Elle s’est félicitée de l’adoption par le Conseil de sécurité de cette résolution, qui « fait progresser la question en mettant l’accent sur les victimes, y compris les enfants conçus à partir d’un viol ».
Une résolution qui témoigne des temps difficiles
Mme Wallström a toutefois regretté que la santé et les droits sexuels et reproductifs ne soient pas inclus dans le texte, ce langage ayant été bloqué par les États-Unis et d’autres pays.
« En d’autres termes, la communauté internationale n’a pas pu s’accorder sur la nécessité de garantir des droits fondamentaux à la santé en matière de sexualité et de procréation et aux droits des victimes de violences sexuelles en période de conflit. Devons-nous priver ces victimes des contraceptifs d’urgence ? Des avortements sans dangers ? Du droit de connaître leur corps, le VIH et le sida ? Avec toutes nos connaissances, avec tout ce que nous savons et dont nous sommes capables : est-ce là où nous voulons être ? », a demandé la Ministre, appelant à renverser la tendance.
L’ancienne Représentante spéciale de l’ONU pour les violences sexuelles et les conflits armés a confié qu’elle n’oubliait point « la fillette terrifiée de 15 ans, torturée et abattue, absolument pas prête à avoir son propre enfant dans la société où les enfants nés d’un viol sont appelés bébés-serpents ».
Neuf dollars par jour pour sauver des centaines de milliers de vies
« Le corps féminin est devenu un champ de bataille », a souligné Mme Wallström.
Selon le dernier rapport sur l’état de la population mondiale, quelques 214 millions de femmes veulent éviter une grossesse, mais n’utilisent pas les méthodes modernes de contraception ; 1 naissance sur 5 a lieu sans l’assistance d’un personnel de santé qualifié ; et chaque jour, plus de 800 femmes meurent de causes évitables au cours de la grossesse et de l’accouchement.
« Neuf dollars par an et par personne [pour payer les contraceptifs et les services de santé nécessaires] permettraient de sauver des centaines de milliers de vies, d’améliorer la santé et le bien-être ainsi que d’accroître la productivité et le revenu des ménages », a fait valoir l’ancienne fonctionnaire onusienne.
Pourtant, ce droit humain fondamental de décider de son propre corps, de sa sexualité et de sa reproduction est tellement controversé, a-t-elle ajouté.
Nous vivons une polarisation autour de la question de l’égalité des sexes
Selon la ministre, ces luttes contre l’égalité des sexes et les droits des femmes « interviennent en même temps que nous assistons à un déclin de la démocratie dans le monde ».
« Cette année, pour la première fois depuis des décennies, plus de personnes vivent dans des pays à tendance autoritaire que dans des pays en progrès démocratique », a déclaré Margot Wallström, précisant que « partout où l’autoritarisme gagne du terrain, les femmes semblent toujours être les premières à en subir les conséquences ».
La diplomate suédoise a néanmoins souligné qu’il existe également des régions du monde où la démocratie et l’égalité des sexes progressent fortement, citant l’évolution de la démocratie en Tunisie depuis 8 ans et le gouvernement d’Éthiopie dont la moitié des ministres sont des femmes.
Les institutions soulignent aussi de plus en plus le rôle de l’égalité des sexes dans la croissance économique, à l’instar de la Banque mondiale qui a récemment affirmé que l’accès limité à l’éducation pour les filles coûtent de 15.000 à 30.000 milliards de dollars en pertes de productivité et de gains au cours de la vie.
Une politique étrangère féministe pour le bien de tous
Face à cette polarisation, la Ministre des affaires étrangères suédoise a mis en place une diplomatie « féministe » structurée autour des droits, de la représentation et des ressources.
« Cela signifie que les femmes ont le même droit à l’éducation, au travail, au divorce, à la gestion d’entreprise, à l’ouverture de comptes bancaires, etc. Les femmes sont-elles représentées là où sont prises les décisions qui les concernent (gouvernement, parlement, assemblées locales, entreprises et pourparlers de paix) ? Les intérêts des femmes et des filles reçoivent-ils les mêmes ressources – dans les budgets, dans la coopération au développement ? », a expliqué la ministre.
« Nous montrons aussi aux sceptiques et aux opposants à l’égalité des sexes qu’il n’y a rien de mystérieux à cela, qu’il s’agit simplement de supprimer les obstacles qui empêchent les femmes d’avoir les mêmes droits, responsabilités et chances que les hommes », a affirmé Mme Wallström, se félicitant que cette politique connaisse une adhésion grandissante.
L’égalité des sexes doit être atteintes avec les hommes
L’ancienne Représentante spéciale de l’ONU pour les violences sexuelles et les conflits armés a mentionné le Prix Nobel Denis Mukwegue, en tant que « modèle pour les hommes et les garçons ».
L’égalité des sexes ne peut être atteinte sans les hommes a signalé Mme Wallström, soulignant leur rôle intégral dans la responsabilité parentale partagée, les opportunités économiques, l’éducation et la rémunération.
Si les sociétés égalitaires sont plus prospères, en meilleure santé, leurs économies plus fortes, et leur peuple mieux éduqué, ce n’est pas que les femmes sont « meilleures que les hommes » mais qu’elles apportent des expériences et connaissances différentes, a ajouté l’ancienne Représentante onusienne.
Mme Wallström a appelé tous ceux présents à unir les forces et lutter pour l’égalité des sexes « malgré ces temps sombres, malgré les revers, les défis et les vents contraires ».
Publié le 30-04-2019 dans UN