28 janvier 2019
Malama Ouani est prédicatrice, dans la commune de Maradi, au sud de Niamey, la capitale, plus particulièrement à Dambalbilou où les femmes sont organisées en groupements religieux dans leurs quartiers respectifs. Ces groupements, sont des associations appelées « Madrassa », un mot qui vient de l’arabe et qui signifie école ou lieu d’enseignement. Les « Madrassa », permettent aux femmes de bénéficier d’encadrements sur les différentes recommandations de l’islam, mais aussi d’avoir un cadre de rencontre et de discussion entre elles. Au niveau de ces Madrasse, les femmes sont organisées avec des prédicatrices, plus averties sur les règles de l’islam, chargées d’animer et de délivrer les enseignements; et des sœurs aînées qui relaient souvent les questions des plus jeunes, lorsqu’elles éprouvent une certaine gêne à les poser.
L’une de ces associations s’appelle « Ahloul kitabi wal Souna », littéralement « les gens du livre et de la sunna » pour faire allusion au coran et aux enseignements basés sur la vie du Prophète Mahomet PSL. Lors d’une discussion qui s’est tenue le 21 janvier 2019, les échanges ont porté sur les règles de l’islam à propos des trois thèmes suivants : les violences conjugales et les violences basées sur le genre, la planification familiale, les soins maternels, néonatals et l’islam. Enfin, la fille et l’acquisition du savoir dans l’islam, ce qui a posé indirectement la question de la scolarisation et du maintien des filles à l’école.
Malama Ouani, la prédicatrice du jour a orienté les discussions sur ce sujet en partie à cause d’un fait divers : le cas d’une jeune fille mineure donnée en mariage récemment et qui a subi les violences de son époux, qui lui a infligé de graves blessures. La prédicatrice qui prêche en langue haoussa fait savoir aux femmes que l’islam milite en faveur du bannissement de la violence conjugale car durant toute sa vie le Prophète Mahomet n’a jamais brutalisé une de ses épouses. Selon elle l’époux doit au contraire protéger son épouse être son partenaire et contribuer à son bien être en s’assurant qu’elle soit bien nourrie en bonne santé et bien vêtue.
D’après Malama Ouani les femmes doivent à leur niveau également veiller sur elles et prendre soin de leur santé, en faisant l’effort d’aller vers les centres de soins et de suivi médicalisé. Elle interroge le public venu l’écouter « comment voulez-vous être constantes dans votre pratique religieuse et vos adorations si vous êtes malades tout le temps ? ». Dans cette partie du Niger, la plupart des complications médicales qui affectent les femmes sont causées par des grossesses précoces ou successives, liées au défaut d’espacement des naissances.
Lorsque la question de l’espacement des naissances et de la planification familiale se pose dans les discussions, la prédicatrice répond en invoquant un argumentaire religieux tiré de deux versets du coran : Sourate Al-‘Ahqâf (46) verset 15 « sa gestation et son sevrage durent trente mois », puis Sourate Al Baqara (2) verset 233 « et les mères qui veulent donner un allaitement complet, allaiteront leurs bébés deux ans complets ». L’islam à travers le coran fait appel à un allaitement régulier des nouveaux nés durant deux années au moins pour celles qui le souhaitent, ce qui constitue un moyen naturel d’espacement des naissances d’après la prédicatrice. Cette méthode pouvant avoir des limites, et pour éviter d’avoir des grossesses rapprochées, qui ne favorisent pas un bon développement de l’enfant et qui peuvent affaiblir les mamans, Malama conseille à ses sœurs d’aller vers les professionnels de la santé. Elle affirme : « la plupart des femmes pensaient que l’islam n’était pas en faveur de l’espacement des naissances, alors que c’est tout à fait le contraire ».
« Nous avons demandé aux femmes de prendre soin de leur santé car la religion musulmane banni tout ce qui peut nuire aux fidèles. C’est donc un devoir pour les femmes de se rapprocher des établissements de santé et de s’assurer de bénéficier de conseils et de suivi médical. En particulier lorsqu’elles sont en état de grossesse. Car la grossesse est une étape cruciale de gestation d’une vie humaine et pour leur éviter de se causer du tort et de causer du tort à cet enfant il est fortement recommandé d’aller vers les établissements de santé pour bénéficier de conseils offerts par des professionnels. »
Lorsque dans le public venu l’écouter, certaines femmes expriment leur gêne à aller dans les établissements de santé en raison du fait que la plupart du personnel est composé d’hommes, la réponse de Malama est la suivante : « si vous voulez éviter à vos filles ce sort, alors maintenez les à l’école, elles auront plus de chances de devenir des gynécologues, des sages-femmes ou des infirmières ». En effet, la prédicatrice ne voit pas pourquoi le savoir devrait être la chasse gardée des hommes, surtout que selon elle, le prophète Mahomet a indiqué dans un de ses hadiths et sans distinction de genre que : « la quête du savoir est une obligation pour tout musulman et musulmane ».
Dr. Zalha Assoumana, chargée du programme de lutte contre la fistule et les mutilations génitales féminines à UNFPA Niger, rappelle l’importance des groupements religieux de femmes dans le processus de changement social et comportemental.
Dans la région de Maradi, une grande majorité de femmes fréquentent les écoles coraniques. Elles ne vont pas dans les établissements scolaires et les établissements de santé, encore éloignés de certains villages. Docteur Zalha affirme : « il nous a semblé primordial d’entamer des échanges avec des prédicatrices très proches des populations pour créer une dynamique de changement sociale et comportemental ». Ces prédicatrices, sont très écoutées dans les seuls cercles de rencontre des femmes qui existent quasiment. Grâce à leurs prêches et leurs enseignements, elles contribuent au changement social et comportemental pour améliorer le bien-être des femmes, par un meilleur accès aux soins de santé, le maintien de jeunes filles à l’école et le bannissement des violences basées sur le genre. D’après Docteur Zalha : « les cas de violences sont fréquents, et souvent les époux profitent du niveau d’ignorance de leurs épouses pour les empêcher d’aller dans les centres de soins ». Ainsi la première approche avec les prédicatrices est de souligner l’importante d’être en bonne santé d’abord pour se conformer ensuite aux exigences religieuses.
Les sollicitations multiples des femmes lors des discussions sur les thèmes relatifs à l’espacement des naissances ou au maintien des filles à l’école pour remédier aux mariages précoces, illustrent leur intérêt pour les questions évoquées. « A la fin de certaines séances, nous leur exposons les différents moyens de planning familial et il est même arrivé que des prédicatrices montrent à leurs sœurs leur implant », affirme Zalha Assoumana.
Publié le 25-01-2019 dans Afrique actu daily
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