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Interview

Huguette Bokpe Gnacadja : Avocate, défenseure des droits de femmes

Maitre Huguette Bokpè Gnacadja est Avocate au Barreau du Bénin depuis 32 ans, défenseure des droits des femmes et activiste sociale depuis 1999. Elle est Consultante internationale avec une vaste expérience et Secrétaire Exécutive de l’Institut National de la Femme du Bénin.

Q : Qui est Me Huguette Bokpè Gnacadja ?

Avocate bilingue inscrite au Barreau du Bénin depuis 32 ans, Me Huguette Bokpè Gnacadja est née le 13 Mars 1965.  Mariée, elle est mère de trois (3) enfants. Elle est dotée d’une expérience nationale comme défenseure des droits des femmes. En effet, activiste sociale depuis 1999, Me Bokpè Gnacadja passe de Secrétaire Générale Adjointe des Femmes Juristes du Bénin, à la tête du Réseau WILDAF-Bénin depuis cinq ans et demi après un passage comme Vice-coordonnatrice du Réseau Social Watch à sa naissance.

Munie d’une expertise avérée en matière des droits de femmes au niveau international, Me Bokpè a été durant 4 ans, non seulement Experte au sein du Comité des Nations Unies pour l’élimination des formes de discrimination à l’égard des femmes, mais également consultante internationale en genre et très sollicitée par plusieurs institutions internationales dont notamment : le département des Affaires sociales des Nations Unies (UN DESA) ; l’Union inter- Parlementaire (UIP) ; l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) ; ONU Femmes ; l’Institut Démocratique National pour les Affaires internationales des USA (NDI) ; le Parlement panafricain (PAP) ; etc…

Experte chevronnée en matière des droits humains, aujourd’hui elle est la Secrétaire Exécutive de l’Institut National de la Femme du Bénin.

Q :  Qu’est-ce qui vous pousse à être une si grande activiste des droits des femmes ?

Je crois que c’est dans mes gènes, parce que depuis que j’étais toute petite, je voulais être avocate, je voulais être journaliste. C’était les deux choses qui revenaient tout le temps quand on me posait la question. J’ai commencé par être avocate et juste après avocate d’affaires. D’avocate d’affaires, je suis très rapidement devenue avocate en matière de droit de la famille, si je puis ainsi dire, et progressivement aussi vers les droits de l’homme en général, mais avec une passion particulière pour les femmes et pour les enfants. Et progressivement, je me suis rendue compte que je ne pouvais pas non plus tout faire. Donc ça s’est concentré davantage vers les femmes et les filles.

Je dis que c’est dans mes gènes parce que pour moi, c’est comme une raison d’être. Arriver à mettre le sourire sur le visage d’une femme parce qu’elle a retrouvé sa place, peut-être, dans les héritiers d’un patrimoine, alors qu’elle avait été rejetée en tant que femme. Permettre à une veuve de recueillir la pension de son époux. Vraiment, c’est mettre de la joie dans le cœur des femmes qui sont en difficulté, qui sont accusées faussement, qui sont mises à la rue parce que le mari est fâché, qui sont battues, etc. C’est dans mes tripes, mes dossiers qui me donnent le plus de bonheur et dont j’ai le plus grand souvenir ne sont pas ceux qui m’ont fait engranger de l’argent, mais sont plutôt ceux qui font que quelqu’un me regardait plaider en me buvant des yeux, en me regardant un peu comme son sauveur. Même si la personne ne comprenait pas français et ne comprenait pas ce que je disais. Je voyais que la personne avait confiance en moi, qu’elle était convaincue que ce que je disais, c’est exactement ce qu’elle avait besoin qu’on dise pour elle. Pour moi, c’est vraiment une raison d’être.

Q : Vous êtes depuis quelques mois la Secrétaire Exécutive de l’Institut Nationale de la Femme au Bénin. Quels sont les axes sur lesquels reposent vos actions? 

La mission de l’Institut National de la Femme, c’est assurer la promotion du leadership des femmes dans tous les domaines, dans les sphères publique, privée, sociale, économique, artistique, et politique. C’est également de l’assistance aux victimes de violences faites aux femmes et aux filles. En effet, l’Institut a le pouvoir de saisir la justice comme une partie civile, même s’il n’est pas accompagné par la victime, particulièrement dans le cas aussi où la victime a succombé à la violence qui a été exercée contre elle. Il aide les victimes à acquérir de l’autonomie financière et celle psychologique. Un autre axe, c’est l’axe de la sensibilisation. Une sensibilisation qui a pour objectif final un dialogue communautaire et qui va s’exercer avec beaucoup de jeunes pour parler aux jeunes. Cette méthodologie est efficace car elle permet de créer de réels consensus.

L’Institut National de la Femme est déclaré, selon ses statuts, cadre de concertation nationale pour une mobilisation sociale autour de la lutte contre les violences faites aux femmes. Et c’est là que va s’asseoir le dialogue communautaire, parce qu’on a compris que l’application des lois ne suffira pas. En effet, avoir de bonnes lois ne suffira pas pour les appliquer. Il faut qu’on convienne tous de ce que ce qui se passe n’est pas normal. Et là, ça va s’ancrer sur nos valeurs africaines, nos valeurs traditionnelles, parce que nous sommes convaincus que nos valeurs traditionnelles, nos valeurs africaines ne permettent pas qu’un Béninois de 30 ans, un Burkinabé de 30 ans, ou même un Ivoirien de 30 ans, décide de violer une fillette de six ans. Ça n’existe dans aucune culture africaine. Nos avocats sont déjà devant les juridictions pour défendre les victimes. Donc, c’est vraiment une machine, un laboratoire et aussi un bras opérationnel.

Q : L’USAID à travers Wildaf-Bénin, a ouvert à Cotonou, un Centre Intégré de Prise en Charge des victimes de violences dont vous êtes la coordonnatrice. Quel est l’intérêt de ce centre en faveur de la lutte contre les violences ?

Effectivement, la période de mon mandat correspond à la période au cours de laquelle seuls deux de ces trois CIPEC ont été installés et que nous avons géré. Je peux vous dire qu’à l’heure actuelle, les CIPEC-VBG, bien qu’ils connaissent quelques difficultés, constitue le modèle réussi d’une prise en charge intégrée où au même endroit on trouve la prise en charge médicale psychologique, la prise en charge sociale, la prise en charge juridique et judiciaire. Les CIPEC sont gérés par une assistance sociale et sont installés à l’intérieur des hôpitaux de zone. La prise en charge médicale est immédiate. La prise en charge juridique et judiciaire, c’est vrai qu’elle ne se fait pas sur place, mais elle est organisée dans le sens où des substituts du Procureur de la République sont en charge de recevoir les dossiers qui sont transmis par la CIPEC. De plus, les points focaux de l’Institut National de la Femme et les Centres de Promotion Sociale établissent des relations étroites avec les CIPEC-VBG.  Il n’y en a que trois. L’objectif est d’en faire plusieurs et d’y ajouter la possibilité d’héberger des femmes qui pourraient avoir dit non à la violence et ne peuvent plus retourner chez elles.

Q : Regardant vers l’avenir, quel est votre plus grand souhait pour la vie des femmes en Afrique de l’Ouest ? 

Je rêve d’une Afrique de l’Ouest où les femmes pourront déployer tout leur potentiel pour la croissance économique de nos États, de nos pays. Je le dis parce que nous sommes une Afrique dont la population est jeune. S’occuper des femmes et des filles dans nos pays, c’est contribuer à une stratégie, qui a pour but de mettre ensemble l’intelligence, le potentiel, la sensibilité, la diversité des femmes et des hommes. Il faut vraiment l’intelligence des deux pour construire des politiques cohérentes et stratégiques pour nous amener à nous développer et à nous développer de façon inclusive. Mon souhait est qu’on se souvienne que les femmes constituent la moitié du capital humain de notre monde, de tous nos Etats, et qu’elles sont la vraie et première ressource. En outre, les jeunes filles d’aujourd’hui sont les femmes de demain, et donc, en s’occupant de ce monde-là, c’est de demain qu’on s’occupe ensemble.

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