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Burkina: « Je viens voir les problèmes, les solutions et poser des questions », Melinda Gates

Le Burkina Faso accueille, ce lundi 22 janvier 2018, la co-présidente de la Fondation Bill & Melinda Gates. La première fois qu’elle a mis pied en Afrique, c’était à sa partie Est, il y a une vingtaine d’années où elle dit avoir rencontré l’extrême pauvreté et qui a été à la base de la création de la Fondation. Présente au pays des Hommes intègres, pour la première fois, Mme Melinda Gates, vient constater de visu les activités de développement financées par sa Fondation. Elle évoque, entre autres, dans cette interview exclusive accordée à Sidwaya, les programmes gérés par ses partenaires dans les domaines de la planification familiale ; de la nutrition et de sa motivation pour le social. Mais avant, elle  précise l’objet de sa visite au Burkina.

C’est ma première visite au Burkina Faso. Je suis ici pour apprendre plus sur les progrès réalisés par le pays dans l’amélioration de la santé et du bien-être de ses citoyens. Madame Melinda Gates (M.G.)

Depuis que Bill et moi avons commencé notre Fondation, il y a près de 20 ans, je voyage chaque année dans les pays où nous travaillons pour voir les problèmes, les solutions et poser beaucoup de questions. C’est la meilleure partie du travail, entendre les histoires des gens, être invité chez eux et en apprendre plus sur leur vie. Je suis convaincue que la partie la plus importante de mon travail est l’écoute.

Sidwaya (S.) : Quels sont vos domaines d’intervention au Burkina Faso?

M.G: Je vais visiter des programmes gérés par nos partenaires dans les domaines de la planification familiale et de la nutrition. Si l’objectif du Burkina Faso est de s’assurer que les femmes et les enfants ont la possibilité de réaliser leur plein potentiel, ces domaines sont deux des priorités les plus importantes. La planification familiale permet aux femmes de prendre des décisions concernant leur avenir et l’avenir de leur famille, et les programmes nutrition aident leurs enfants à atteindre leur potentiel de développement physique et cognitif afin qu’ils puissent s’épanouir pleinement.

Je crois que la génération qui va transformer le Burkina Faso est déjà née. Tant que les jeunes sont en bonne santé et ont des opportunités économiques, ils stimuleront la prospérité pour toute la nation.

S. : Quel est l’état de vos investissements au Burkina depuis la création de la Fondation en 2000?

M.G. : Notre fondation a fait des investissements dans 45 pays d’Afrique depuis sa création en 2000. Au Burkina Faso, nous nous sommes concentrés sur des programmes visant à améliorer l’agriculture, la nutrition, la planification familiale, l’assainissement et l’hygiène de l’eau. Nous travaillons également à endiguer les maladies diarrhéiques et le paludisme. Avec tout notre travail, nous essayons de compléter les investissements que le gouvernement réalise déjà, et nous investissons toujours dans des organisations locales qui ont une perspective sur les problèmes et les solutions auxquels les Burkinabés sont confrontés et que nous n’aurons jamais.

S.: En termes de reproduction, de santé et de planification familiale, que pensez-vous des progrès réalisés par le Burkina Faso et les autres pays membres du Partenariat de Ouagadougou?

M.G. : C’est exceptionnel ! En 2011, les neuf pays membres du Partenariat de Ouagadougou se sont engagés à fournir un accès à des contraceptifs modernes à un million de femmes de plus d’ici 2015. Lorsque cet objectif a été atteint, vous avez revu vos ambitions et vous vous êtes fixés pour objectif d’atteindre 2,2 millions d’utilisatrices supplémentaires d’ici 2020. Depuis 2011, le Burkina Faso a donné accès à des contraceptifs modernes à 400 000 femmes. Lorsque vous atteignez ces objectifs, vous aidez les femmes à transformer leur vie. Pour de nombreuses femmes, l’accès aux contraceptifs est une question de vie ou de mort. Pour beaucoup d’autres, c’est une opportunité de briser le cycle de la pauvreté.

Lorsqu’une femme peut planifier et espacer ses grossesses, elle est en meilleure santé, ses enfants sont en meilleure santé et les perspectives économiques de sa famille s’améliorent. Autrement dit, les contraceptifs sont l’une des meilleures innovations contre la pauvreté que le monde n’ait jamais connu.

S. : Que pourrait-on faire pour accélérer ce progrès, notamment au Burkina?

M.G. : Une chose sur laquelle il faut se concentrer est de s’assurer que les cliniques disposent d’une gamme complète d’options contraceptives. Différentes femmes ont des besoins contraceptifs différents à différents moments de leur vie, il est donc crucial que nous puissions permettre aux femmes de choisir un contraceptif qui leur convient le mieux.

Une autre grande priorité est l’accès aux jeunes hommes et femmes. Le taux de natalité des adolescents au Burkina Faso est plus du triple de la moyenne mondiale. La maternité précoce force les filles à abandonner l’école, ce qui restreint considérablement leurs opportunités économiques. Mais quand les femmes peuvent attendre d’être prêtes pour avoir des enfants, non seulement elles prospèrent, mais aussi leurs enfants et les enfants de leurs enfants.

S.: Comment les pays francophones peuvent-ils apprendre des pays anglophones en matière de la planification familiale?

M.G. : Le Partenariat de Ouagadougou est un excellent exemple de coordination entre pays qui permet d’accélérer les progrès en matière de planification familiale. Je sais que des représentants de pays d’Afrique de l’Est ont visité des pays de cette région pour bénéficier de leur expérience en la matière.

S. : A deux ans de la fin du FP2020, êtes-vous inquiète en tant que donatrice, quant à l’atteindre des objectifs fixés?

M.G. : L’objectif FP2020 a toujours été conçu pour être ambitieux. Notre vision ultime est l’accès universel aux contraceptifs et l’objectif devait être une étape importante en cours de route. Nous faisons des progrès, et j’en suis heureuse. J’aimerais que nous fassions des progrès encore plus rapides. Mais nous avons beaucoup appris au cours des cinq dernières années sur ce qu’il faut pour toucher les femmes et les filles et leur transmettre ce dont elles ont besoin.

S.: Afin d’éradiquer la pauvreté, en particulier chez les femmes et les jeunes, nous devons leur fournir des outils financiers. Que fait la Fondation Bill et Melinda Gates pour lutter contre la pauvreté au Burkina Faso?

M.G. : Nous pensons que nos investissements en matière de santé sont des investissements dans la lutte contre la pauvreté. Prenons l’exemple de la planification familiale. Lorsque les parents peuvent planifier leur famille, ils sont mieux en mesure de fournir à leurs enfants de la nourriture nutritive, des soins médicaux, de l’eau potable et de l’éducation. Multipliez cela par des millions de familles, et vous commencez à comprendre comment les contraceptifs peuvent aussi aider à transformer les économies.

La nutrition ! Actuellement, un tiers des enfants burkinabé souffrent d’un retard de croissance, ce qui signifie qu’ils sont plus vulnérables aux maladies et aux problèmes de développement qui pourraient limiter leur capacité d’apprentissage à l’école et affecter leur revenu potentiel en tant qu’adultes. On estime que le Burkina Faso perd annuellement plus de 7% de son PIB en raison de la malnutrition. Nous travaillons avec des partenaires au Burkina Faso pour nous attaquer au problème de la malnutrition, et par conséquent, à la pauvreté.

S.: Cette année au Burkina Faso, les récoltes ne sont pas bonnes et il y a un déficit céréalier. Les femmes et les enfants, encore une fois, en souffriront. Quelles sont vos actions au Burkina Faso en matière de nutrition?

M.G. : Je suis très préoccupée par ce défi supplémentaire auquel vous faites face. Le Burkina Faso connaît déjà l’un des pires taux de famine et de malnutrition au monde. Cependant, je suis rassurée de constater que le gouvernement burkinabè a travaillé dur pour lutter contre cela avec une politique multisectorielle qui vise à réduire de moitié d’ici 2020 les taux de retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans. Et cela s’ajoute aux résultats déjà impressionnants des dernières années, incluant une baisse des taux de retard de croissance de 43% en 2006 à 27% en 2017, l’un des plus rapides de la région. Notre fondation travaillera en partenariat avec le Burkina Faso au cours des cinq prochaines années pour vous aider à atteindre cet objectif.

S.: Êtes-vous prêts à augmenter votre investissement dans ce secteur, sachant que la situation alimentaire n’est pas bonne cette année?

M.G. : Le Burkina Faso est une priorité pour la stratégie nutritionnelle de la Fondation. Nous continuerons à faire des investissements cette année, l’année prochaine et au-delà.

S.:Sur votre site internet, il est écrit « Toutes les vies ont la même valeur, nous sommes impatients, les optimistes travaillent pour réduire les inégalités ». Est-ce votre leitmotiv?

M.G. : Absolument! Nous croyons que tous les enfants méritent d’avoir accès aux mêmes opportunités, peu importe où ils sont nés, qui sont leurs parents, ou qu’ils soient nés fille ou garçon. C’est pourquoi nous affirmons que toutes les vies ont la même valeur. Nous clamons que nous sommes des optimistes impatients parce que nous croyons que beaucoup de gens peuvent œuvrer pour donner plus d’opportunités à plus d’enfants. Nous constatons que la vie s’améliore pour les enfants ici au Burkina Faso et partout dans le monde. Nous continuerons de faire des investissements pour essayer d’accélérer ce processus.

S.: Quelles sont vos motivations principales derrière votre travail social, particulièrement en Afrique?

M.G. : Quand nous nous sommes fiancés, Bill et moi avons fait un safari en Afrique. Nous avons été impressionnés par la beauté, mais nous avons aussi été saisis par les gens. Notre séjour en Afrique de l’Est a été ma première véritable rencontre avec l’extrême pauvreté. C’était à la fois révélateur et déchirant. Je garde des souvenirs vifs de femmes marchant dans la rue, des bébés sur le dos et je me demandais comment était leur vie. Qu’espéraient-elles et de quoi s’inquiétaient-elles? Quels remparts pourraient les empêcher de se retrouver prises au piège de la pauvreté?

A la fin du voyage, nous avons décidé que les ressources de Microsoft retourneraient au monde grâce à la fondation. Cela a vraiment été une décision facile pour nous. A ce jour, l’une de mes motivations principales reste de rencontrer des femmes et des jeunes filles du monde entier. Je suis beaucoup plus informée aujourd’hui qu’à l’époque, mais le courage et la détermination des gens que je rencontre m’inspirent à chaque fois.

Interview réalisée par Boureima SANGA

Publié le 21-01-2018 dans Sidwaya

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