L’accès des femmes et des jeunes filles à des produits et services de planification familiale est un droit fondamental et un levier déterminant pour le développement.
En 2012, l’initiative Family Planning 2020 (FP2020) a été lancée pour permettre qu’avant 2020, dans les pays les plus pauvres du monde, 120 millions de femmes et de jeunes filles supplémentaires puissent avoir recours à des méthodes contraceptives modernes.
Un an avant, en 2011, la création du Partenariat de Ouagadougou avait permis de réunir 9 gouvernements et leurs partenaires techniques et financiers pour accélérer les progrès dans l’utilisation des services de planification familiale dans les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest. Dès le départ, la France s’est positionnée comme une actrice majeure de cette dynamique.
Depuis plusieurs années, la France mène une diplomatie des droits des femmes ambitieuse, qui met l’accent sur les besoins en matière de droits et santé sexuels et reproductifs. Aujourd’hui, il est indispensable de capitaliser sur l’élan impulsé, et de traduire ces tendances en engagements financiers concrets en faveur des femmes et des jeunes filles d’Afrique de l’Ouest. Même dans un contexte de contrainte budgétaire, la planification familiale doit rester une priorité de l’aide au développement française, alors que nous arrivons à mi-parcours de l’initiative FP2020 lancée à Londres en 2012 et que le Partenariat de Ouagadougou entame sa seconde phase.
Pour porter ce message, Equilibres & Populations en partenariat avec l’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou a décidé d’organiser la venue à Paris de spécialistes et de personnalités africaines investies sur ces enjeux. La démarche repose sur trois axes :
- Donner la parole aux acteurs et actrices africains,
- Promouvoir les initiatives existantes,
- Mettre en valeur la transversalité des enjeux liés à l’empowerment des femmes, la planification familiale et la démographie afin de mobiliser des décideurs d’horizons différents.
Cette délégation ouest-africaine pour la planification familiale participe à de nombreuses rencontres de haut niveau avec les parties prenantes de l’aide au développement française aux niveaux politique, technique et scientifique. En complément de ces rencontres bilatérales, une conférence organisée avec le soutien de l’Académie des Sciences se tient le 8 juin 2016.
Les membres du collectif Countdown 2015 Europe, auquel appartient Equilibres & Populations, organisent à travers l’Europe des évènements similaires pour marquer la mi-parcours de l’initiative FP2020.
Les organisateurs
Equilibres & Populations ONG créée en 1993 et basée à Paris et à Ouagadougou, Equilibres & Populations agit en faveur de la santé et des droits des femmes et des jeunes filles. Permettre aux femmes d’avoir accès à différentes méthodes contraceptives si elles le souhaitent fait partie de son plaidoyer à la fois en Afrique de l’Ouest francophone et vis-à-vis de la politique de développement française. Le développement des capacités des acteurs et actrices locaux est au cœur de sa méthodologie d’intervention.
Le Partenariat de Ouagadougou constitue un mouvement prometteur lancé lors de la Conférence Régionale sur la Population, le Développement et la Planification Familiale tenue à Ouagadougou au Burkina Faso, en février 2011. Il réunit 9 gouvernements des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest et leurs partenaires techniques et financiers pour accélérer les progrès dans l’utilisation des services de planification familiale.
Avec le soutien de :
L’Académie des Sciences, créée en 1666, se consacre au développement des sciences et conseille les autorités gouvernementales en ce domaine. Indépendante et pérenne, placée sous la protection du président de la République, elle est l’une des cinq académies siégeant à l’Institut de France.
Composition de la délégation ouest-africaine pour la planification familiale
Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou
- Fatimata Sy, Directrice
- Rodrigue Ngouana, Chargé de coordination nationale
Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS)
- Laurent Aholofon Assogba, Directeur général adjoint
- Aissa Bouwaye, Directrice de l’unité de Santé Maternelle et Néonatale
- Abaché Ranaou, Assistant exécutif du Directeur général
Représentants ministérielsl
- Idrissa Maiga, Secrétaire général du Ministère de la Santé Publique, Niger
Société civile
- Elsa Burzynski, Chargée d’accompagnement plaidoyer Alliance Droits et Santé, Equilibres & Populations
- Fatou Ndiaye Turpin, Coordinatrice nationale du Réseau Siggil Jiggéen, Sénégal Romaric Ouitona, Jeune ambassadeur pour la santé reproductive et la planification familiale, Bénin
- Aurélie Gal-Régniez, Directrice exécutive d’Équilibres & Populations
Institut de Recherche pour le Développement (IRD)
- Jean-Pierre Guengant, Directeur de recherche émérite, démographe et économiste
Enjeux et messages-clé
Un constat : des besoins encore immenses
Aujourd’hui dans le monde, 225 millions de femmes ont un besoin non satisfait en contraception. Comparativement aux pays anglophones et lusophones, les pays francophones présentent les plus forts taux de mortalité maternelle et infanto-juvénile, les plus forts indices de fécondité, les plus faibles taux de prévalence contraceptive. En Afrique de l’Ouest, 225 femmes meurent tous les jours en donnant la vie. Pour chaque décès, on compte environ 30 autres cas d’infirmité. Plus spécifiquement, les taux de natalité chez les adolescentes y sont parmi les plus élevés au monde, et l’on y enregistre les progrès les plus faibles concernant le niveau de grossesses précoces, avec 116 naissances pour 1000 adolescentes en 2015 1 . L’Afrique de l’Ouest rassemble une majorité des pays identifiés comme prioritaires par la politique de développement de la France.
Répondre aux besoins en termes de droits et santé sexuels et reproductifs a un impact direct sur l’amélioration des conditions de vie :
“Le changement commence par le choix de vie d’une femme. Avec l’accès à la contraception moderne, une femme ou une jeune fille peut elle-même décider si et quand elle est physiquement, psychologiquement et financièrement prête à porter un enfant. Elle peut se concentrer sur l’achèvement de ses études ou l’épanouissement de sa carrière professionnelle et décider le moment venu de planifier et espacer ses grossesses afin que ses enfants et ellemême soient en bonne santé. Elle peut offrir à ses enfants plus de choses essentielles à leur réussite dans la vie (alimentation saine, soins médicaux, éducation) et les voir devenir des adultes en bonne santé et instruits qui contribueront à leur tour à la société par leur productivité. Ce cercle vertueux qui commence par l’émancipation d’une femme peut permettre à des familles, voire à des communautés entières de sortir de la pauvreté.” Dr. Babatunde Osotimehin, directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la Population et Dr. Chris Elias, Président du Programme de développement mondial, Fondation Bill & Melinda Gates
Une nécessité : soutenir les initiatives au pouvoir transformatif
Les progrès obtenus par différentes récentes initiatives en matière de planification familiale sont incontestables. Cependant, leur rythme demeure trop lent. Pour apporter des réponses concrètes à la hauteur des besoins des populations, il convient de soutenir des approches qui détiennent un réel pouvoir de transformation à la fois à court et long terme :
- Les jeunes doivent être au cœur des programmes. C’est à l’adolescence que les informations et les services dont les jeunes peuvent bénéficier impacteront le plus significativement leur parcours de vie. Les jeunes filles en particulier souffrent d’une double discrimination, liée au sexe et à l’âge. Elles ont été particulièrement oubliées des programmes de développement jusqu’à présent, alors même qu’elles détiennent un fort potentiel de changement durable,
- La qualité des services et des produits de planification familiale est fondamentale. Les prestataires doivent être formé-e-s et les femmes et les couples doivent avoir accès à une gamme variée de produits qui leur garantit une liberté de choix,
- Le travail lié à l’offre de produits et services doit s’accompagner d’efforts équivalents pour stimuler la demande. La force des tabous liés à la sexualité tout comme les rapports inégalitaires entre femmes et hommes doivent être pris en compte,
- Les organisations de la société civile locales doivent être systématiquement renforcées. Elles doivent pouvoir jouer un rôle important, à travers le contrôle des engagements politiques, la communication pour le changement social, et la mise en œuvre des politiques et programmes en partenariat avec les Etats.
Le rôle crucial de la France
La France déploie depuis plusieurs années une diplomatie des droits des femmes très marquée. Cet effort porte notamment sur les droits sexuels, pierre angulaire des droits des femmes. La France a tenu des discours forts dans de nombreuses instances internationales, à l’exemple du discours de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes à la tribune de l’ONU lors de la 58ème CSW :
“Nous devons l’affirmer haut et fort dans cette enceinte : les droits sexuels et reproductifs doivent être protégés partout. […] La liberté de disposer de soi est un droit humain fondamental”
La loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale de 2014 stipule : “Dans les domaines du renforcement des systèmes de santé et de protection sociale, [l’action de la France] se concentrera sur les trois grands enjeux suivants : l’amélioration de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale et infantile, ainsi que les politiques de population dans les pays prioritaires d’Afrique subsaharienne […]”.
Au-delà des différents cadres de sa politique d’aide au développement (cadre d’intervention sectoriel Santé et Protection sociale, document d’orientation stratégique Genre & Développement, etc.), la France s’apprête à lancer un document d’orientation stratégique portant sur l’action extérieure de la France sur les enjeux de population, de santé et droits sexuels et reproductifs.
Cependant, malgré ce fort engagement politique, le gouvernement français n’a pas annoncé, à l’heure actuelle, d’engagement financier clair en faveur de la planification familiale.
Entre 2010 et 2015, la France s’était engagée à dépenser 100 millions d’euros par an pendant 5 ans dans le cadre de l’initiative dite de Muskoka, consacrée à la santé materno-infantile. Les décaissements ayant été retardés au-delà de la date théorique de clôture de la contribution française, des sommes sont réengagés en 2016. Ainsi, 10 millions d’euros ont été annoncés pour un travail commun avec 4 agences onusiennes (UNFPA, UN Women, UNICEF et OMS), projets qui avant 2015 atteignaient entre 18 et 20 millions par an.
Dans quelques semaines, la France publiera le document d’orientation stratégique “L’action extérieure de la France sur les enjeux de population, de santé et droits sexuels et reproductifs”. Les objectifs de cette stratégie ne seront atteints que si cette annonce s’accompagne d’un nouvel engagement financier substantiel, au moins équivalent aux efforts fournis pendant cinq ans. Cela permettrait de maximiser l’impact des projets déjà conduits. C’est aussi une question de crédibilité diplomatique pour la France, très vocale dans les instances internationales sur ces thématiques. C’est enfin, et surtout, une nécessité pour proposer une action à la hauteur des enjeux en Afrique de l’Ouest.