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La délégation des tâches à l’épreuve des barrières socio-culturelles

La conférence dite « Maquis des sciences » de l’ONG Equilibres et Populations (Equipop), sur la délégation des tâches en planification familiale au Burkina Faso, s’est tenue, ce mercredi 21 février 2018 à l’institut français. Autour d’une même table, des acteurs étatiques, des chercheurs et responsables d’ONG ont exposé sur la problématique de cette approche, expérimentée dans les districts sanitaires de Dandé et de Tougan.

Longtemps, les méthodes contraceptives ont épouvanté les populations africaines notamment en milieu rural où l’accès aux services de planification familiale reste tout de même limité. Jugée « contre nature », la planification familiale se heurte toujours à plusieurs barrières socio culturelles. Pour inverser la tendance et rendre accessibles les méthodes contraceptives, le renforcement des capacités des agents de santé de première ligne (APL) et des agents de santé à base communautaire (ASBC) s’impose comme une nécessité pour le ministère de la santé. C’est pourquoi en collaboration avec Equilibres & Populations (Equipop), Marie Stopes international au Burkina Faso (MSI BF) et l’Association burkinabè pour le Bien-être Familial (ABBEF), il a lancé en octobre 2016 le projet pilote de la délégation des tâches (DT) dans les districts sanitaires de Dandé dans les Hauts-Bassins et de Tougan dans la Boucle du Mouhoun. Un an et demi après, Equipop, responsable de la conduite des actions de plaidoyer et de capitalisation a réuni, mercredi 21 févier, chercheurs, responsables d’ONG et acteurs étatiques pour débattre des questions soulevées par la délégation des tâches.

Deux types de Délégations de tâches

Des différentes interventions, l’on retiendra que la délégation des taches inclue qualité et sécurité des services fournis. Selon le Dr Mathieu Bougouma, le projet pilote comprend deux types de délégations des taches : la délégation des tâches au niveau des formations sanitaires qui a permis à 70 accoucheuses auxiliaires, infirmiers et agents itinérants de santé d’offrir des méthodes contraceptives de longue durée aux femmes ; et le binôme d’agents de santé à base communautaire, au nombre de 230, qui ont permis de donner des méthodes de courte durée telles que les pilules et injectables.

Les rumeurs et la peur collective

A en croire Elisa Blin, chargé de capitalisation à Equilibres Populations, le projet pilote a rencontré quelques difficultés telles que la motivation des agents sur le terrain, la mobilité des agents entrainant une discontinuité des services, la maitrise insuffisante des méthodes contraceptives et surtout la réticence de certains maris, leaders coutumiers et religieux. « Cela va freiner la demande en méthodes contraceptives et engendrer des rumeurs contreproductives pour la demande », a-t-elle fait remarquer.

En ce qui concerne les rumeurs, Elisa Blin explique qu’elles se développent dans les localités où il y a peu ou pas d’informations. « Il y a des rumeurs comme quoi, la planification familiale rend les femmes infidèles, frivoles, stériles et provoque des avortements », déplore-t-elle avant d’avancer que c’est à partir des rumeurs que découlent les peurs collectives des méthodes contraceptives. Sans oublier que les populations rurales y voient « un agenda caché de l’Occident de vouloir empêcher les femmes de faire des enfants ».

La riposte
Elisa Blin, chargé de capitalisation à Equilibres Populations.

Malgré ces barrières, les conférenciers se sont réjouis des stratégies adéquates et innovantes mises en place par les agents de santé de première ligne et les agents de santé à base communautaire pour bloquer et déconstruire ces rumeurs en donnant « l’information simple, compréhensible dans un langage commun ». Enfin, en insistant sur la temporalité des effets secondaires de la contraception pour rassurer les femmes, en s’entourant des leaders coutumiers et religieux pour donner un peu plus de crédit à la stratégie surtout aux yeux des époux et autres leaders, les agents de santé ont apporté un plus dans les deux districts sanitaires.

En attendant la fin de la phase pilote du projet prévue, selon le Dr Mathieu Bougouma, fin 2018, le Dr Georges Guiella, Enseignant-chercheur à l’Institut supérieur des Sciences de la Population (ISSP), a indiqué que la délégation des tâches est en pleine évaluation. La collecte achevée, la semaine dernière, les analyses permettront de situer les acteurs sur le fonctionnement de la stratégie à Dandé et Tougan. Les résultats de cette analyse permettront notamment à Equipop de bien affuter ses armes pour le plaidoyer et faciliter le passage à l’échelle.

Herman Frédéric Bassolé

Publié le 21-02-2018 dans Lefaso.net

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