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Docteur Issoufa Harou, Directeur de la Planification familiale au Ministère de la Santé Publique

Monsieur le Directeur, à l’instar des autres pays du monde, le Niger est touché par la COVID-19. Quels sont les effets de cette pandémie sur les services de la planification familiale au Niger ?

Merci Madame, permettez-moi de remercier également le Sahel Dimanche pour ses activités de sensibilisation du public dans le domaine de la santé en général et la santé de la reproduction en particulier.

En effet, la COVID-19 a impacté le système de santé y compris le service de la planification familiale tout comme dans d’autres pays. Il y a eu quelques perturbations. Comme vous le savez il y a eu, dans le cadre de la gestion de crise liée à la pandémie des mesures de restriction des services, une réorientation de certains agents dans la prise en charge, une réduction du paquet d’activités à offrir et même les horaires dans les services. Aussi, « l’infodémie » (flux important d’informations diverses) qui a suivie et surtout les informations à travers les réseaux sociaux ont freiné un moment la fréquentation de certains services de santé souvent par peur d’être contaminé.

« Il est indispensable de protéger l’accès aux services de planification familiale même en situation de crise humanitaire que nous vivons actuellement », Docteur Issoufa Harou, Directeur de la Planification familiale au Ministère de la Santé Publique

Cependant nous avons aussi beaucoup appris de la COVID-19 : nous avons travaillé avec les technologies de l’information et de communication pour assurer les services essentiels de la santé de la reproduction dont la planification familiale (webinaire, vidéoconférence, formation en ligne, à travers la plateforme whatsapp, les messages de sensibilisation à travers la téléphonie mobile, communication de masse à travers les radios communautaires….).

Du 19 mars 2020 (date d’enregistrement du premier cas au Niger) à aujourd’hui, quelle est la situation de la demande PF au Niger ?

Au cours de cette année 2020 globalement la demande de services de planification familiale n’a pas baissé comme on s’attendait avec les projections sur la base des leçons tirées de l’épidémie du virus Ebola et la modélisation, bien au contraire elle a augmenté. Nous avons eu plus de 20 000 nouvelles utilisatrices des services de planification familiale par rapport à 2019 année sans COVID-19 (A titre illustratif, 470 943 nouvelles utilisatrices ont été enregistrées dans nos services en 2019 contre 491 595 nouvelles utilisatrices en 2020 malgré qu’on n’a pas fini la saisie des données dans notre plateforme de gestion des données).

La crainte d’être contaminé n’est pas encore écartée chez beaucoup de nigériens. Quelles sont les mesures que vous avez prises pour permettre à vos services de continuer à bien fonctionner pendant cette période de COVID?

Le Ministère de la Santé Publique a défini ce qu’on appelle les services essentiels qui ont la priorité dans les dispositions prises pour garantir la continuité des services et a procédé à des réorientations stratégiques pour que la population retire un maximum de bénéfices des ressources de plus en plus limitées. Parmi les services dits essentiels il y a, entre autres, les services de santé de la reproduction y compris la planification familiale qui constitue pour les femmes un soin de santé de base essentiel et une priorité pour l’Etat.

Il est donc indispensable de protéger l’accès aux services de planification familiale même en situation de crise humanitaire que nous vivons actuellement. C’est ainsi que nous avons élaboré un plan de continuité de service de planification familiale dans le contexte de la COVID-19 avec des actions pratiques innovantes.

Bien évidemment, il y a le respect des mesures édictées par le gouvernement dans le cadre de la prévention et du contrôle de cette pandémie. Ce sont les mesures d’hygiène, le dispositif de lavage des mains, le gel hydroalcoolique, les gestes barrières, les équipements de protection individuelle (bavette, gant, blouse, tablier) la distanciation, les séances de désinfection des services de santé et la disponibilisation des autres matériels de prise en charge. Tout ceci a permis de rassurer la population et de maintenir et même améliorer la fréquentation de nos services essentiels.

Monsieur le Directeur, l’achat des produits contraceptifs est l’œuvre de l’Etat et de ses partenaires. La lutte contre la COVID qui est aujourd’hui une priorité n’a-t-elle pas eu des impacts sur cet aspect important ?

Vous avez raison Madame, la COVID-19 n’est pas encore derrière nous, au contraire nous vivons actuellement la deuxième vague qui pour l’instant est plus meurtrière puisque nous avons déjà le nombre de cas qui est pratiquement multiplié par 3 et le nombre de décès par 2.

Effectivement, il y a cette préoccupation majeure des plus hautes autorités pour contrôler cette maladie et un plan d’action a été élaboré à cet effet avec un budget conséquent financé grâce à la collaboration Etat et partenaires techniques et financiers. Cependant, je puis vous dire que malgré tous les défis en lien avec l’insécurité, les inondations et la COVID-19 l’Etat a débloqué 198 millions pour l’achat de produits contraceptifs et les partenaires l’ont accompagné dans l’approvisionnement régulier des intrants pour la planification familiale. Je peux le dire nous n’avons pas connu cette année de difficultés dans la disponibilité des produits contraceptifs dans notre pays.

Est-ce que vos services sont aujourd’hui en mesure de satisfaire toutes les demandes en produits contraceptifs ? N’y a-t-il pas un risque de rupture ?

Le Niger est l’un des pays de la communauté de pratique de la planification dans le cadre du Partenariat de Ouagadougou qui n’a pas connu de rupture en produits contraceptifs grâce à l’analyse continue et la visibilité de notre pipeline mais aussi le suivi de notre plan d’approvisionnement par notre équipe. J’ajoute que grâce à l’efficacité dans la gestion de notre chaine d’approvisionnement nous n’avons connu aucune rupture au niveau Pays.

Nous venons de terminer la quantification (du 17 au 23 décembre 2020) des besoins nationaux en produits contraceptifs et je puis vous dire que nous avons un stock pour tous les 9 produits dont le plus faible est de 2 mois sans compter les produits déjà arrivés non encore réceptionnés et les commandes qui sont en cours de livraison dans le pipeline. Nous avons déjà couvert les besoins nationaux en produits contraceptifs pour l’année 2021 qui vient de commencer. Rassurez-vous, nous avons pris toutes les dispositions idoines pour éviter une rupture.

Monsieur le Directeur, la faiblesse du budget alloué à la PF au Niger a pourtant fait couler beaucoup de salive. Est-ce que cela peut expliquer le fait que pays n’a pas pu atteindre les 50% de taux de prévalence contraceptive prévu pour 2020 ?

C’est vrai que le budget alloué à la santé en général est en deçà de nos attentes et la part de la planification familiale l’est encore moins. En effet, les défis sécuritaires ont impacté beaucoup dans le financement des ministères sectoriels dont celui de la santé. Il faut dire aussi que le budget prévu pour financer le plan PF 2013-2020 n’a pas connu une mobilisation de ressources conséquentes surtout les deux premières années y compris par les partenaires techniques et financiers.

Pour atteindre les objectifs, il faut une mobilisation des ressources conséquentes et une bonne coordination. Cependant il faut préciser que l’objectif de 50% a aussi été très ambitieux. Je voudrais noter que nous sommes actuellement en train d’évaluer le plan PF et nous avons enregistré quand bien même des progrès puisque nous étions à un taux de 12% de prévalence contraceptive de méthodes modernes selon l’EDS de 2012 contre 20,1% en 2020 selon les projections de Track 20. Nous avons tiré assez de leçons et je pense que nous allons être plus efficaces dans la mise en œuvre du nouveau plan PF 2021-2025 qui est en cours d’élaboration.

Comment comptez-vous relever ce défi et hisser le Niger au rang des pays du Partenariat de Ouagadougou qui ont beaucoup évolué dans ce domaine ?

Effectivement il y a des défis mais nous avons déjà décliné nos priorités en termes de perspectives. Nous nous sommes attelés dès notre prise de service à l’élaboration des documents normatifs et textes règlementaires pour rendre favorable l’environnement.

Pour relever les défis actuels nous allons mettre en œuvre nos priorités qui sont le passage à grande échelle de la délégation des tâches, de la planification familiale du post-partum, l’augmentation de la demande à travers la communication, la prise en compte des besoins spécifiques des jeunes, la consolidation des pratiques à haut impact comme le tutorat et les cliniques mobiles et l’assurance du produit jusqu’au dernier kilomètre c’est-à-dire jusqu’au niveau communautaire.

Fatouma Idé

Publié le 22-01-2021 dans Niamey.com

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