L’implication des chefs religieux dans les activités en matière de santé de la reproduction des femmes est une réalité tangible au Niger. Bien écoutés et beaucoup sollicités par les populations, les chefs religieux ont un rôle important dans la société. « Même si nous n’avons pas un cadre formel avec ces chefs, nous avons de très bons rapports avec eux » affirme Dr Ibrahim Souley, Directeur général de la santé de la reproduction au Ministère de la santé publique qui précise que son institution sollicite beaucoup les chefs religieux. «Récemment nous avons tenu à Bangoula village située à la périphérie de Niamey, un atelier sur l’argumentaire religieux en matière de santé de la reproduction et du genre. Donc, nous travaillons ensemble au niveau central, régional, départemental et au niveau communautaire. Nous les impliquons, nous discutons toujours avec eux et nous finissons toujours par avoir un consensus sur les questions qui engagent la santé de la reproduction de la femme et de l’homme d’une manière générale.
Pour lui, il est important que ce cadre de concertation soit formalisé. «Il faudra qu’au niveau du gouvernement qu’il y ait une structure formelle entre les chefs religieux et les ministères sectoriels. Ce cadre est incontournable et doit être irréversible si nous voulons répondre aux questions sociétales au centre desquelles il y a la femme » a soutenu le directeur général de la Santé de la Reproduction.
Selon Dr Ibrahim Souley, du fait de plusieurs facteurs dont des barrières socio-culturelles, «la santé de la mère, de l’enfant et de l’adolescent ont encore du chemin au Niger surtout dans un contexte où l’analphabétisme est très élevé, la scolarisation de la fille et son maintien à l’école qui sont des vecteurs qui devraient leur permettre à ces filles de s’auto-déterminer, de prendre leurs propres décisions, sont généralement interrompus. Les adolescentes se marient précocement à moins de 18 ans, ce que nous appelons le mariage précoce, le mariage d’enfants suivi de la grossesse précoce, la grossesse des enfants, ce qui n’est pas bien pour la population et la santé de la femme», explique t-il.
Parlant des moyens financiers pour mener des activités en faveur d’une bonne santé reproductive de la femme, Dr Ibrahim a indiqué que le financement de la demande est un défi pour le Niger. « Depuis que nous avons lancé le plan d’action sur la planification familiale 2013-2020, une des questions prioritaires sur laquelle nous discutons avec les bailleurs, c’est le financement de la demande. Si aujourd’hui, La planification est gratuite à cause de la disponibilité des produits et des méthodes contraceptives, tel n’est pas le cas du financement des actions de sensibilisation, de plaidoyer pour que les femmes aient le chemin, la décision d’aller au centre de santé ».
Or, selon le Directeur général de la santé de la reproduction, cela a un coût et ce coût doit être investi dans les campagnes de mobilisation sociale, les campagnes de sensibilisation, les campagnes de changement des comportements de l’homme, de la femme elle-même pour qu’elle comprenne avant tout que c’est sa santé qui est en jeu. Il faut que la femme soit porteuse de ce changement là.
Ensuite, Dr Ibrahim Souley évoque un problème d’investissement dans la transformation des comportements des leaders à tous les niveaux. « Leaders communautaires, religieux, traditionnels. Toute cette plateforme des acteurs communautaires qui voient les défis auxquels la femme est confrontée et qui doivent l’aider. Et ça demande un financement. C’est ça que j’appelle le défi du financement de la demande» affirme t-il. Tant que nous ne faisons pas de campagnes massives de sensibilisation pour un changement social radical de comportement, nous avons encore du chemin, précise le DG de la santé de la reproduction qui ajoute qu’il s’agit de créer un environnement favorable à ce que les utilisatrices qui sont les femmes, puissent accéder à un service de prestation de planification familiale. « Et cet environnement est créé par notre société. Il faut parvenir à créer un environnement pour que chaque femme aie accès sans barrière financière, culturelle, religieuse à la santé de la reproduction si on veut promouvoir la santé de la femme et de l’enfant au Niger.
Fatouma Idé
Publié le 16-08-2019 dans aniamey