Le programme « Badianou Gokh » a été lancé en 2010 par l’ancien président de la République Abdoulaye Wade. Il a valu beaucoup de satisfactions au système sanitaire sénégalais, surtout dans le domaine de la santé de la mère et de l’enfant. Cependant, beaucoup de manquements sont relevés par ces femmes leaders, chargées de mener la sensibilisation dans le cadre de ce programme.
Elles sont plus de 10.000 « Badianou Gokh » (marraines de quartier) recensées au Sénégal. Depuis 2010, le programme qui s’adosse à ces leaders pour sensibiliser les femmes dans le domaine de la santé (mortalité maternelle, néonatale et infantile, vaccination des enfants, consultations prénatales, accouchements assistés par un personnel qualifié, planification familiale, grossesses précoces, etc.) suit son cours. Mieux, il bénéficie de l’engagement du gouvernement du Sénégal pour l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), notamment celui relatif à la santé maternelle, néonatale et infantile.
L’introduction de cette approche communautaire, fondée sur le leadership féminin, dans le système sanitaire est, aujourd’hui, diversement appréciée par les Sénégalais. Aïssatou Ngom est une ménagère rencontrée à Niarry Tally, près du marché Nguélaw. Elle magnifie le rôle de ces dames. « Ma fille avait été soutenue par une « Badianou Gokh » nommée Ndèye Diop. Grâce à elle, ma fille n’a eu aucun problème durant sa grossesse et au moment de l’accouchement. Pourtant on avait très peur, parce qu’elle était trop jeune », partage Mme Ngom.
Non loin de là, une ruelle sableuse est choisie par des jeunes pour jouer au foot cet après-midi. Une nuée de poussière empêche de voir clairement. Pourtant Sophie Thiam est assise devant sa maison, préférant fuir la chaleur des chambres. Cette femme d’âge mur se montre perplexe dès l’évocation des « Badianou Gox ». « Je ne vois pas ce qu’elles peuvent apporter, car culturellement nos familles sont organisées de telle sorte que les femmes enceintes sont soutenues par leurs mamans, tantes maternelles et paternelles. Pourquoi laisser une étrangère s’immiscer dans des affaires familiales internes », questionne-t-elle.
Appui aux femmes vulnérables
Quotidiennement, les « Badianou Gokh » doivent donc intégrer les pesanteurs sociales qui entourent la maternité dans la société sénégalaise. Pour preuve, la « Badianou Gokh » Ndèye Diop, Aïda Traoré de son vrai nom, témoigne de la difficulté pour elle et ses consœurs de réussir leur rôle. « Ce sont des personnes non scolarisées qu’on sensibilise et elles ne sont pas conscientes pour la plupart des enjeux », révèle-t-elle. Pire, certaines personnes se montrent parfois hostiles. « Un père de famille m’a ordonné une fois de quitter sa maison, alors que j’étais venue simplement pour les sensibiliser (lui et sa femme) sur les dangers des grossesses trop rapprochées », confie Mme Traoré.
La soixantaine, cette femme au verbe facile, sourire aux lèvres, est très célèbre dans son quartier. Parallèlement à cette activité bénévole, Ndèye Diop est aide-soignante au centre de santé Gaspard Camara. Ce qui lui permet de négocier fréquemment avec les médecins ou de faire des quêtes au sein de la structure sanitaire pour aider, par exemple, celles qui n’ont pas les moyens d’acheter les médicaments prescrits.
Pour preuve, elle sort une pile d’ordonnances et explique : « Puisque j’ai des relations avec le personnel médical, je les sollicite et il m’aide autant que possible. Imaginez comment font les « Badianou Gokh » qui n’ont pas ces relations ? » Établi à Grand Dakar, près du poste de santé, Nacira, la quarantaine révolue, teint clair, abonde dans le même sens. « On avait été photographié il y a deux ans pour qu’on puisse disposer de cartes d’identification, mais depuis, rien n’est fait », regrette-t-elle, soulignant que la confection de cartes leur permettront d’être reconnues dans toutes les structures sanitaires.
Surtout que cette doléance est même devenue une promesse du ministre de la Santé et de l’Action sociale, rappelle Nacira qui plaide pour que les Badianou Gokh bénéficient des Bourses de sécurité familiale. « On est sollicité pour n’importe quel problème, j’ai l’impression que les gens pensent qu’on est des salariés. Donc, les Bourses de sécurité familiale distribuées par le gouvernement devraient prendre en compte les « Badianou Gokh », dit-elle.
Sokhna Anta NDIAYE (stagiaire)