Assise sur un banc en fer, le regard sombre, la tête légèrement baissée, Aicha Issoufou tient un petit carnet vert dans les mains. Le regard pensif, elle porte au dos, un petit bébé de huit (8) jours. Aicha est, elle âgée de 20 ans. Mariée à Aguié dans la région de Maradi, elle est venue ce jeudi 30 janvier au CSI pour choisir une méthode de planification familiale. C’est la première fois qu’elle va pratiquer la contraception pour, dit-elle, se reposer un peu. C’est aussi dans ce CSI qu’elle a beaucoup appris sur la PF et ses avantages avec les sages-femmes, mais aussi avec les autres femmes qui en font un sujet de causerie.
Malgré tout cela, Aicha a d’abord attendu et obtenu l’autorisation de son mari avant de mettre les pieds au CSI pour demander une méthode de contraception. « Comme j’ai l’autorisation, je vais choisir une méthode qui me permettra de me reposer au moins deux à trois ans» dit-elle. Ainsi, elle aura peut être la chance d’avoir 22 ou 23 ans avant de donner naissance à un autre bébé. C’est son souhait et elle a déjà une petite idée de la méthode qu’elle compte choisir. À Aguié, les sages-femmes sensibilisent les femmes sur la contraception et ses avantages sur la santé de la mère et de l’enfant. Elles sont aidées dans leur travail par les relais qui vont trouver les femmes dans leur maison pour les sensibiliser.
C’est cette activité que Saadé Djigo, 54 ans, a choisi volontairement de mener à Aguié précisément dans son quartier kan djiwa depuis 7 ans. « Dès qu’il y a un message à transmettre, on fait appel à nous pour sensibiliser les populations. Nous sommes pleinement impliquées dans toutes les activités du CSI d’Aguié ». La stratégie de Saadé est toute simple : il s’agit d’aller vers les femmes au lieu d’attendre qu’elles viennent vers elle. « Si tu dois convoquer une réunion pour avoir beaucoup de femmes, ça ne marchera pas parce que les femmes ne vont pas sortir. Moi, je fais le porte-à-porte ». Connaissant parfaitement les us et coutumes de cette localité d’où elle est ressortissante, Saadé a sa manière pour d’abord instaurer la confiance. « Quand j’arrive devant une porte, je fais d’abord le salam et j’enchaine avec l’objet de ma visite. Aussitôt, je suis accueillie dans la joie et on m’invite à rentrer dans la maison. En causant avec les femmes, je transmets le message et je prends congé d’elles ».
L’exercice semble plus difficile lorsqu’elle trouve un homme devant la porte. Là aussi, Saadé ne manque pas d’astuces pour accéder aux femmes de la maison. « Si je trouve un homme devant sa porte, c’est à lui que j’adresse le salam et je lui explique l’objet de ma visite. Si c’est sur la PF, je commence d’abord par lui expliquer l’intérêt de la pratique et l’importance de laisser les femmes venir aux CSI. Les conseils sont les mêmes en ce qui concerne les consultations prénatales », affirme-t-elle.
Dans cette localité où beaucoup de femmes sont souvent cloitrées, elle a sa manière pour surmonter tous les obstacles. « Depuis que j’ai commencé cette activité, je n’ai jamais eu de problèmes ni avec les hommes, ni avec les femmes. Je ne suis pas non plus rémunérée » précise Saadé qui rend visite aux femmes d’une maison à une autre, d’un quartier à un autre. « L’important est que le message à transmettre soit compris et accepté par toutes les femmes d’Aguié ».
Mahamane Labi aussi se bat pour la même cause du côté des hommes. Il a 40 ans, habite le village de Dankéri (Aguié) qu’il quitte tous les matins pour venir au CSI. « J’ai décidé d’être relais pour sensibiliser surtout les hommes sur l’importance et la nécessité de permettre aux femmes de fréquenter les centres de santé et de pratiquer la PF pour leur bien-être et celui des enfants. Comment Mahamane s’y prend pour faire son travail ? Plus précisément, moi, je m’occupe des hommes. C’est pourquoi je les réunis régulièrement par groupe de cinq sur leur lieu de causeries pour les entretenir par exemple sur la PF. Et je leur demande de permettre à leur femme de fréquenter les centres de santé, de pratiquer la planification familiale afin d’espacer les naissances pour le bien-être des enfants. Cela évitera aux enfants de tomber toujours malades donc aux parents de dépenser beaucoup d’argent pour acheter des produits ». Mahamane Labi mène cette activité depuis plus de quinze (15) ans. «
Quand je transmets le message aux hommes lors des séances de causeries, ils applaudissent parce que je leur dis toute la vérité et ils sont contents. Ils prennent la parole pour montrer leur approbation et leur adhésion à la pratique. Certains hommes ont véritablement compris aujourd’hui ce qu’est la PF et n’hésitent pas à envoyer leurs femmes au Centre de santé pour sa pratique ».
Mais Mahamane continue de garder le souvenir d’un homme farouchement contre la PF. Donc pas question que sa femme la pratique. « Je lui ai donné beaucoup d’informations lors des séances de causeries, mais en vain ». Par la suite, affirme Mahamane, je l’ai appelé au village pour lui expliquer clairement pourquoi la PF et il a finalement compris. « Dans mon travail, j’approche également les chefs religieux même si certains s’opposent encore. Je rappelle surtout aux hommes l’adage qui dit : aide toi et le ciel t’aidera».
Tout comme Saadé, Mahamane aussi n’est pas rémunéré. « C’est un travail volontaire, je travaille pour mon village afin qu’il se développe. Souvent, je bénéficie de petite formation et c’est important». S’agissant de la rémunération, Mahamane Labi, qui travaille avec d’autres relais à Aguié est convaincu que : «si tu ne gagnes pas aujourd’hui, tu gagneras un autre jour».
En tous cas, les messages qu’ils transmettent semblent passer au niveau des populations comme lettre à la poste.
Selon en effet Mme Idi Amina Sage-femme à Aguié, le CSI enregistre près de 90 nouvelles utilisatrices chaque mois. Dans ce centre où on dénombre « 80 accouchements par mois, 30 à 40 femmes acceptent de se mettre sous contraception immédiatement après l’accouchement », affirme la sage-femme. Mme Idi Amina précise que certaines d’entre elles demandent les méthodes de longue durée et d’autres, la voie orale. Elle relève toutefois des cas d’abandon et les cas des femmes qui adhèrent par exemple aux méthodes de longue durée, 3, 4, 5 ans mais qui, au bout seulement d’un an et même de quelques mois, veulent changer de méthodes. La sage-femme et ses collègues, qui apprécient la collaboration des relais communautaires, travaillent pour sensibiliser davantage les femmes sur les méthodes contraceptives. A Aguié, selon Mme Idi Amina, « les femmes viennent à tout moment au CSI et acceptent la PF à cent pour cent ».
Dans la perspective de la capture du dividende démographique au Niger peuplé de plus de 21 millions d’âmes en 2018, selon les dernières données de l’INS, l’accent est notamment mis sur la PF du Post partum. Selon un responsable du ministère de la Santé Publique, l’objectif est que toute femme qui accouche dans une formation sanitaire, bénéficie d’une méthode contraceptive.
Fatoumata Idé
Publie le 07-02-2020 dans lesahel