«Les étudiants ne vont pas vers l’information. Ils ne trouvent pas le temps de s’informer». Ces propos d’un étudiant de l’Ucad traduisent à suffisance le faible niveau de connaissance de cette couche de la population. Surtout pour les questions relatives à la santé sexuelle et reproductive.
Un reportage à l’Ucad a permis de lever un coin du voile sur cette problématique encore perçue comme un tabou en milieu universitaire.
Emmanuel, Daba, Clarisse, entre autres étudiants, font des va-et-vient incessants dans l’enceinte de l’université. En cette matinée, des prospectus à la main, ils invitent leurs camarades étudiants à la séance d’information et d’offre de produits de santé de la reproduction dans l’espace universitaire. Les plus réceptifs aux messages délivrés par leurs pairs se dirigent immédiatement vers l’endroit indiqué. Tandis que les autres, plus ou moins sceptiques, poursuivent leur chemin, promettant de passer après ou une autre fois. A l’entrée de cet espace spécialement dédié à l’information des étudiants sur les questions relatives à la santé de la reproduction et à l’offre de services, deux filles font leur apparition. Sans hésiter, l’une d’elle lance aux personnes qu’elle croise : « Je suis venue faire un dépistage ! » On lui indique l’endroit où sont assis, sur des chaises, d’autres étudiants attendant leur tour pour accéder à la salle de consultations. Elle s’avance et s’installe avec son amie à ses côtés. En réalité, la plupart de ces jeunes universitaires assimilent la santé de la reproduction uniquement au dépistage du Vih. D’où les propos de l’étudiante précédemment citée. Ils en savent peu sur l’état de bien-être général, tant physique que mental et social, que renferme le concept de santé de la reproduction.
Christina, une étudiante de 21 ans à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Ucad, est même formelle. « Je n’en sais pas grand-chose, je dirais même que je ne connais rien de la santé de la reproduction », déclare-t-elle, ajoutant qu’elle n’a pas d’informations exactes sur la santé sexuelle et reproductive. Lui emboitant le pas, Ndèye Maguette, une étudiante de 20 ans en Sociologie, éprouve même de la gêne à évoquer ce sujet.Après un long moment d’hésitation, avec un sourire traduisant sa peur d’aborder cette thématique, elle consent à confier : « Humm ! Je ne connais pas tellement la santé de la reproduction. Je ne sais même pas ce que c’est. Je ne me suis jamais renseignée.D’ailleurs, ça ne m’intéresse même pas », lâche-t-elle, avant d’ajouter : « Ça me gêne de discuter de ces questions. On n’en parle même pas entre étudiants, car c’est considéré comme un tabou ». Cette opinion de Ndèye Maguette est partagée par Sana Diouf, un étudiant de 28 ans selon qui, « par négligence, les universitaires ne s’intéressent pas à la santé de la reproduction ». L’équation de l’accès à l’information Pour Aboubacry Dia, un étudiant de 21 ans, c’est rarissime qu’ils débattent de « questions relatives à la santé de la reproduction, parce qu’il y a des jeunes qui ne veulent pas en entendre parler ».
Des propos confirmés par Faty Mbaye qui pense que la santé de la reproduction relève encore d’un tabou à l’Université de Dakar où « les étudiants n’abordent quasiment pas ce sujet dans leurs discussions ». Suffisant pour qu’Oumar Siby, 22 ans, avoue que « les étudiants ne vont pas vers l’information. Ils ne trouvent pas le temps de s’informer. Seules les études préoccupent la plupart d’entre nous ». Sana Diouf juge même « absurde » le fait que les étudiants considèrent les questions relatives à la santé de la reproduction comme un tabou. Ainsi, il s’attend à ce que des informations lui soient livrées au service d’offre de services de santé de la reproduction de l’Ucad. Cette opinion est partagée par les étudiantes P.K.N. et Christina qui ad- mettent voir des fois des affiches, entendre souvent la publicité à la radio. « Mais on ne nous dit pas exactement ce qu’il faut faire, quelles sont clairement les conséquences des actes qu’on pose, des erreurs qu’on peut commettre », lance P.K.N. Ainsi, Christina « juge insuffisantes les informations qu’on livre aux jeunes pour leur permettre de comprendre la santé de la reproduction, le planning familial, afin de pouvoir se protéger ». Cependant, elle fait savoir qu’elle en- tend parler de « lutte contre les grossesses non désirées, de méthodes contraceptives, surtout les préservatifs masculins.
« Ça s’arrête là ; on n’a pas d’informations supplémentaires sur la santé de la reproduction », lâche-t-elle, fustigeant l’attitude de certains étudiants qui ignorent presque tout de cette question, « mais qui font semblant de tout maîtriser, alors que les Infections sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées sont fréquentes dans notre milieu », fait remarquer Christina. Tout comme cette dernière, Faty Mbaye admet ne pas disposer, elle aussi, de beaucoup de connaissances sur la contraception. Contrairement au Vih/Sida qu’elle connait parfaitement bien pour avoir plusieurs fois été sensibilisée sur cette pandémie. D’ailleurs, cela l’a poussé à faire plusieurs fois le test de dépistage du Vih. Pour cette raison, elle avance qu’il n’y a pas beaucoup de structures ou d’associations qui parlent de la santé de la reproduction et de la planification familiale, comparé aux programmes de lutte contre le Sida. Elle pense même que la contraception constitue un tabou en milieu universitaire « Nous ne parlons même pas de ce sujet entre nous. C’est pourquoi j’aimerais qu’on nous sensibilise davantage sur ces questions. Car on n’est pas informé ou bien informé sur ces thématiques », argumente-t-elle.
Réalisé par Maïmouna GUEYE