La situation sanitaire liée à la COVID-19 et son impact sur les droits et la santé sexuelle et reproductive reste préoccupante dans nos pays d’Afrique de l’Ouest Francophone. La fréquentation des centres de santé reste en baisse : un mois après le début de la pandémie au Sénégal, les statistiques font état de 600 décès maternels additionnels dus à la COVID-19. Il existe indéniablement une évolution dans les mentalités sur la réalité même de la maladie et son existence au vu des cas en croissance plutôt que de la voir comme un mythe comme par le passé. Les consignes de nos leaders étant de devoir vivre ou en tout cas apprendre à vivre avec la maladie dans une certaine mesure, nous espérons que cela encouragera les femmes et jeunes filles à reprendre le chemin des centres de santé avec toutes les précautions et protections nécessaires bien entendu.
Un des bienfaits, si je puis m’exprimer ainsi, de cette pandémie et du confinement qu’elle a entraîné est la libération de la parole autour des violences faites aux femmes. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques à cet instant sur son augmentation, cette libération de la parole a bel et bien eu lieu et encouragée même si tous les cas ne sont pas signalés. Il y’a donc toujours des efforts à faire dans ce sens et cela a également permis de réfléchir à comment anticiper sur les violences conjugales et les mesures à prendre en amont afin de garantir aux femmes qui en sont victimes refuges et moyens de dénonciation. La Côte d’Ivoire par exemple a mis en place au niveau national 62 plateformes de lutte contre les violences basées sur le genre.
Avec l’évolution de cette pandémie dans la durée, les esprits se tournent à présent vers son impact sur l’économie. Il y a lieu pour nous donc de questionner et revendiquer le rôle et la place des femmes dans cette économie au vu des récessions vers lesquelles la plupart de nos pays se dirigent. La relance ne prend pas assez en compte les femmes ni la part importante qu’elles jouent dans ce secteur surtout au vu de la part majoritairement informelle et tertiaire de nos économies dans lesquelles les femmes sont extrêmement nombreuses et qui sont les socles des économies dans nos pays d’Afrique de l’Ouest francophone. Nous savons par exemple que les femmes occupent les marchés et jouent un rôle central dans les activités agricoles, commerce agricole et autres activités génératrices de revenus qui ont été fortement impactés par les mesures de confinement. Le ralentissement de nos économies a malencontreusement un impact sur leurs moyens de subsistance et donc sur leur famille et enfants si l’on reconnait la force de travail que représente les femmes et qu’elles sont très souvent chefs de ménage.
Dans cette même lancée, étant donné la durée de ces confinements, nous nous inquiétons de son impact préoccupant sur l’éducation des jeunes filles en particulier. Les jeunes élèves reprennent à peine le chemin de l’école (la semaine dernière pour ce qui est des élèves en classe d’examen au Sénégal par exemple) et ceci à quelques mois de leur fermeture préalablement programmée. Nous craignons ainsi une recrudescence des mariages précoces ainsi que le choix des parents de garder les jeunes filles à la maison pour les travaux domestiques afin de subvenir aux besoins de la famille qui aura certainement été impacté par une perte d’emplois ou de revenus des parents.
En définitive, la pandémie continue d’exacerber la vulnérabilité des jeunes filles et des femmes d’Afrique de l’Ouest et dans le monde avec un impact non négligeable sur leur éducation, leurs emplois, leurs droits et leur santé sexuelle et reproductive.
Nous espérons vivement et plaidons pour l’inclusion des aspects genre dans les plans de relance économique mais également que les reconstructions et restructuration des systèmes sanitaires, économiques, judiciaires puissent permettre de rééquilibrer le biais évident dont ils faisaient déjà preuve à l’encontre des femmes.
Marie Ba, Directrice de l’UCPO
Nous interpelons nos gouvernements sur le besoin que ces plans fassent une place plus importante pour les droits des femmes de façon générale et la meilleure façon serait de les inclure dans ces reconstructions afin de mieux prendre en compte nos préoccupations.
Marie Ba
Marie Ba est Directrice de l’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou. Cet article constitue la version détaillée de sa contribution à l’évènement « Notre Génération Égalité » co-organisé par les gouvernements de la France et du Mexique. Le Forum précédemment prévu le 7 juillet est repoussé au 1er trimestre 2021.
Le Forum Génération Égalité est un rassemblement mondial pour l’égalité entre les femmes et les hommes, organisé par ONU Femmes et co-présidé par la France et le Mexique, en partenariat avec la société civile et sous son impulsion. Reporté en raison de la crise de la COVID-19, l’événement, qui devait se tenir en juillet 2020, aura lieu au cours du premier semestre 2021, à Mexico puis Paris.
Le 7 juillet 2020, date initiale d’ouverture du Forum à Paris, un évènement numérique « Notre Génération Égalité » a célébré symboliquement la mobilisation redoublée en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et des droits des femmes.