Un million de femmes additionnelles, utilisatrices de la planification familiale d’ici à 2015. C’est l’un des objectifs majeurs du « Partenariat de Ouagadougou ». Une initiative lancée en 2011 pour améliorer les faibles prévalences contraceptives enregistrées dans les pays de l’Afrique de l’Ouest francophone.
Avec seulement 13 %, les pays de l’Afrique de l’Ouest francophone détiennent les plus faibles taux de prévalence contraceptive dans le monde. Au nombre de 9 (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo), ils se caractérisent aussi par un Indice synthétique de fécondité (nombre moyen d’enfant par femme) élevé estimé à 5,5. De plus, trois femmes y perdent, chaque jour, la vie pour des causes liées à la grossesse ou à l’accouchement. La mortalité des enfants est également très marquée dans ces pays : un enfant de moins de 5 ans y meurt toutes les minutes. Ce sinistre tableau a motivé la tenue, en février 2011, à Ouagadougou (Burkina Faso), de la conférence axée sur « Population, développement et planification familiale en Afrique de l’Ouest : l’urgence d’agir ». Cette rencontre a enregistré la participation de 8 pays, exceptée celle de la Côte d’Ivoire qui s’est jointe plus tard à l’initiative. C’est lors de cette réunion qu’est né le « Partenariat de Ouagadougou » qui vise à élever la place de la planification familiale dans le paysage économique et social des pays concernés, à accélérer la mise en œuvre des stratégies et à coordonner les efforts, au minimum jusqu’en 2015. Dans ce cadre, les Etats en question se sont accordés sur la nécessité de prendre des mesures concrètes pour que les méthodes et les produits contraceptifs soient partout disponibles et accessibles dans leurs pays respectifs. Un engagement similaire a été pris par les Partenaires techniques et financiers (Ptf) pour soutenir la planification familiale en Afrique de l’Ouest. Car la réduction des décès maternels et infantiles est intrinsèquement liée à celle des grossesses non planifiées par le biais de la contraception.
Des pesanteurs en défaveur de la planification familiale
Près de 3 ans après le lancement du « Partenariat de Ouagadougou », des experts se sont réunis, en marge de la troisième Conférence internationale sur la planification familiale (Addis-Abeba, 12-15 Novembre 2013), pour statuer sur l’évolution de cette initiative dans les différents pays concernés.
Pour Fatoumata Sy, responsable de l’Unité de coordination du « Partenariat de Ouagadougou » au Bureau Intrahealth international de Dakar, cette initiative, « c’est pour le repositionnement de la planification familiale qui est à la traîne en Afrique de l’Ouest francophone. Nous sommes dans une sous-région où nous avons des pesanteurs qui ne sont pas en faveur de la planification familiale ». De ce fait, les femmes qui expriment le souhait d’espacer la naissance de leurs enfants ne sont pas souvent atteintes. Ce qui explique l’ampleur des besoins non couverts en planification familiale dans les 9 pays francophones de l’Afrique de l’Ouest (27 %).
Pourtant, il est attesté que si l’on investit dans la planification familiale pour répondre aux besoins exprimés par les femmes d’espacer ou de limiter les naissances, 7.400 décès maternels et 500.000 décès d’enfants dans les 10 prochaines années seraient évités. Raison pour laquelle, estime Fatoumata Sy, qu’« on veut créer, à travers ce partenariat, un sursaut, voire un mouvement, avec l’objectif d’engager les pays dans le processus de planification familiale ». D’ailleurs, souligne Modibo Maïga, représentant régional de « Futures group » en Afrique de l’Ouest, depuis le lancement du « Partenariat de Ouagadougou », qui vise, entre autres, à recruter un million de nouvelles femmes qui acceptent la planification familiale d’ici à 2015, il y a un « regain d’intérêt pour la planification familiale ».
Des plans novateurs
Il est même convaincu que « la planification familiale n’a jamais eu autant d’élan et autant d’enthousiasme ». Cela s’est matérialisé en dehors des Conférences internationales sur la planification familiale (2009, Kampala en Ouganda, et 2011, Dakar au Sénégal) et de la rencontre de Ouagadougou (2011), par l’organisation, sur la même thématique, du Sommet de Londres en juillet 2012.
Sur ce, Modibo Maïga s’interroge : « Comment nos pays peuvent tirer profit des opportunités offertes pour la planification familiale ? Selon lui, c’est dans cette optique que des bailleurs et partenaires techniques ont soutenu le processus d’affinement des Plans d’actions nationaux budgétisés (Panb). « Ce sont des plans novateurs, faits dans un processus participatif impliquant tous les acteurs de la Santé de la reproduction », juge le représentant régional de « Futures group » en Afrique de l’Ouest, soulignant que 6 pays (Sénégal, Burkina Faso, Niger, Togo, Mauritanie et Guinée) ont déjà finalisé leurs plans d’actions. Celui du Bénin étant en cours d’élaboration, il ne reste, sur les 9 pays concernés par le « Partenariat de Ouagadougou », que la Côte d’Ivoire et le Mali. Mais l’exécution de ces Panb se heurte à la lancinante question des ressources, surtout celles financières.
FINANCEMENT : Les Etats africains peu engagés à assurer la sécurité contraceptive
Les pays ne s’engagent pas pour assurer la sécurité contraceptive. C’est le constat de différents acteurs qui estiment que les Etats doivent fournir la majeure partie des ressources. Les partenaires ne devant intervenir que pour les appuyer.
La mise en œuvre des Plans d’actions élaborés dans le cadre du « Partenariat de Ouagadougou » nécessite des moyens conséquents. C’est ainsi que les pays concernés et les partenaires au développement se sont engagés à assurer les financements nécessaires pour rehausser la place de la planification familiale dans le dispositif général. « Les Etats ont dit qu’ils vont augmenter régulièrement la ligne budgétaire pour l’achat des contraceptifs. C’est un bon engagement. Car, c’est une question de souveraineté. De la même manière, les partenaires ont dit qu’ils vont s’aligner sur les priorités nationales », se réjouit la directrice de l’Unité de coordination du « Partenariat de Ouagadougou » qui relève une différence entre l’aide qui va aux pays francophones et celle destinée aux Etats anglophones. La tendance est largement en faveur des seconds : 1,25 contre 0,5 par tête d’habitant, explique Fatoumata Sy. Les promesses tenues par les uns et les autres sont-elles respectées ? Tel ne semble pas être le cas si l’on se fie aux propos de certains acteurs parties prenantes du processus interrogés à Addis-Abeba. « Il faut que les partenaires nous disent ce qu’ils vont faire d’ici à 2020 », soutient Dr Balla Moussa Diédhiou, directeur exécutif de l’Association sénégalaise pour le bien-être familial (Asbef).
Concernant les gouvernements, Dr Diédhiou constate que « la cadence n’est pas accélérée ». A lui en croire « les pays ne s’engagent pas pour assurer la sécurité contraceptive, alors que le temps nous est compté ».
Dans le même sillage, note, le représentant régional de « Futures group » en Afrique de l’Ouest, « les pays doivent mettre la main à la poche. Mon cri du cœur, c’est qu’après 50 ans d’indépendance, on demande à l’Occident de s’occuper de la santé sexuelle et reproductive qui est une question de souveraineté ». Selon lui, les pays attendent toujours plus d’engagement financier des partenaires, alors que ce sont eux qui doivent fournir plus de 90 % des ressources. « On doit changer les tendances ! » s’exclame Modibo Maïga. Faisant la comparaison avec les moyens destinés à la lutte contre le Vih/Sida, il fait savoir que « ce sont des milliards qui sont mobilisés par les Etats pour financer la réponse à l’épidémie ». Alors, « pourquoi pas pour la planification familiale ? » s’interroge-t-il.
Le Sénégal et le Burkina Faso sur la bonne voie
Selon M. Maïga, certains Etats, comme le Sénégal et le Burkina Faso, sont sur la bonne voie dans la mobilisation des ressources. Le premier pays cité s’est « engagé à doubler sa ligne budgétaire pour l’achat de produits contraceptifs » et le second a mis d’importants fonds pour les mêmes motifs. Malgré tout, le représentant régional de « Futures group » en Afrique de l’Ouest trouve « la contribution des Etats extrêmement faible », alors « qu’investir dans la planification familiale, c’est investir dans le développement ». Dr Bocar Daff, patron de la Direction de la santé de la reproduction et de la Survie de l’enfant (Dsr/Se) au ministère sénégalais de la Santé et de l’Action sociale, estime, qu’il faut que les partenaires appuient les Etats. « Certains ont même commencé à mettre d’importantes ressources, mais il reste des gaps à combler. C’est en ce sens que le partenariat est intéressant », explique-t-il, soulignant que « d’autres partenaires sont en train de s’intéresser au modèle que nous sommes en train de mettre en œuvre ».
Source: Le Soleil (Maïmouna GUEYE)