Les méthodes de contraception sont des moyens qu’adoptent librement des couples pour faire reculer les barrières de la pauvreté. Malgré ses impacts positifs sur la vie du ménage, des couples n’y adhèrent pas encore pour des raisons diverses. Rien de durable ne peut se faire sans une planification conséquente et rigoureuse.
C’est dans cette optique que les méthodes contraceptives ont été expérimentées et mises à la disposition des communautés pour leur permettre de maîtriser leurs plans d’actions. Mais en quoi consistent ces méthodes ? Pour en savoir plus, Angèle Djitrinou épouse Toffreude, sage-femme, responsable du service du planning familial du Centre de Santé Communal (CSC) de Bohicon s’est confiée. « La planification familiale est une méthode utilisée par les femmes pour avoir le nombre d’enfants voulus et au moment convenable », explique-t-elle. Diane Gbècthidé, sage-femme, responsable de la coordination Zou-Collines de la planification familiale (PF) en service à l’agence de l’Association béninoise pour la promotion de la famille (ABPF) de Bohicon indique que les méthodes contraceptives sont de deux ordres. « Il y a la planification familiale et les contraceptifs. La planification familiale est l’ensemble des mesures et des moyens mis à la disposition d’un individu, d’un couple ou d’une communauté pour avoir le nombre d’enfants voulu et au moment voulu.Les contraceptifs, quant à eux, sont des moyens qui permettent de se prémunir contre les grossesses non désirées et dans une certaine mesure les Ist/Sida »,explique-t-elle. L’ABPF, étant une structure de l’IPPF (Fédération internationale pour la planification familiale), intervient dans le domaine de la planification familiale. Elle fait aussi la consultation prénatale, poste-natale, visite de maternité et la gynécologie. « L’ABPF ne fait pas la vaccination et l’accouchement », précise la coordonnatrice départementale de la Pf. En plus de ces services offerts à la population par l’ABPF, Angèle Djitrinou va au-delà. Son service prend également en charge l’infertilité des couples et les IST/Sida.
Les femmes dans l’embarras
Une panoplie de méthodes contraceptives est sur le marché pour permettre aux couples de faire le choix qui leur convient en fonction de leur disponibilité et de l’organisme de la femme. Elles sont classées en trois grandes catégories à savoir les méthodes naturelles, les méthodes de barrière et les méthodes hormonales. « Les méthodes naturelles sans apport chimique dans l’organisme regroupent l’utilisation des colliers ou la méthode du jour fixe pour identifier les jours dangereux au cours desquels les relations sexuelles non protégées ne sont pas admises et le calendrier qui se base sur le cycle menstruel. Les méthodes hormonales quant à elles sont des comprimés, des injectables et des implants. Les condoms, les spermicides (pharmatex par exemple) et les Dispositifs intra-utérins (DIU) font partie des méthodes de barrière », détaille Angèle Djitrinou à voix basse. Leur mode et leur durée d’action sont également multiples et varient d’une méthode à une autre. D’après Mme Djitrinou, toutes les méthodes hormonales ont presque un mode d’action commun. Elles bloquent l’ovulation, agissent sur la glaire cervicale en la rendant épaisse et rendent l’endomètre atrophiée pour empêcher la nidation. A l’accueil, toutes ces méthodes avec leur mode d’action sont exposées aux clientes qui se plongent dans l’embarras. Pendant que certaines femmes font l’option d’expérimenter les implants tels que le Jadelle, le Noristérat, le cyclophème qui sont des injectables, d’autres choisissent d’utiliser le collier, le calendrier, les spermicides ou les condoms. D’autres encore préfèrent les comprimés ou le Diu. « Elles n’ont aucun inconvénient ou effet indésirable sur l’organisme de la femme », certifie Diane Gbètchidé. « Depuis dix ans que j’ai adopté ces méthodes, je n’ai jamais eu des problèmes. Mieux, je me suis rajeunie », témoigne Laure Bégo avec un large sourire. Angèle Djitrinou, quant à elle, fait remarquer qu’il peut y avoir des effets secondaires comme les aménorrhées, les règles plus abondantes que d’habitude, les saignements, la prise de poids, la tension ou les céphalées mais pas d’inconvénients. Ces effets secondaires, souligne la Sage-femme Gbètchidé, sont souvent dus à la sensibilité de chaque organisme. Ils ne s’observent pas chez toutes les femmes sous Pf. « Lorsque ces effets nous sont signalés, on les prend en charge très tôt. A travers les conseils et un suivi rigoureux et régulier, ils sont corrigés au fur et à mesure », rassure Angèle Djitrinou.
Les injectables, l’idole des femmes
Un coup d’œil sur la courbe des prestations au service planification familiale du CSC/Bohicon a permis de constater que les femmes, dans leur majorité, préfèrent plus les injectables. Les raisons qu’elles avancent sont multiples. Selon Angèle Djitrinou, les injectables sont pratiques et très adaptées pour certaines femmes. De plus, leur durée et mode d’action sont sans inconvénients. Laure Bégo, épouse Vissin, paratge ces observations. Depuis une décennie, elle pratique dans le couple les méthodes contraceptives. Elle a choisi parmi la variété des méthodes qui lui ont été proposées, les implants en l’occurrence le Jadelle. « J’ai choisi les implants à cause de leur durée d’action qui est de 5ans et je vous assure que ce n’est pas mal », confesse-t-elle. Les statistiques des mois d’octobre et de novembre 2014 le prouvent à suffisance. Elles affichent 65 nouvelles adhérentes aux injectables en octobre et en novembre dernier. Pendant ce temps, on enregistre au cours de ces deux mois, deux femmes qui optent pour les comprimés. C’est dire donc que les femmes, pour la plupart, sont allergiques aux comprimés à cause de ses contraintes. La candidate à cette méthode doit nécessairement prendre un comprimé par jour à la même heure. « Les médicaments ont un effet de courte durée. Si la femme oublie de les prendre le lendemain à la même heure, elle n’est pas protégée parce qu’elle diminue l’efficacité des médicaments. Des femmes l’adoptent mais la majorité préfèrent les implants », fait constater Angèle. Etant du même avis, Laure Bégo confie qu’elle n’aime pas les comprimés, parce qu’elle peut oublier d’en prendre. La sage-femme Gbètchidé déclare que les indicateurs ne sont pas les mêmes. « Chez nous à l’ABPF, les femmes n’aiment pas les stérilets parce qu’elles ont trop peur de l’acte. Je suis sûre que c’est la peur », insiste-t-elle sans en savoir les causes réelles. Quelle que soit la méthode choisie, la prestation a un coût. Elle n’est pas gratuite comme le ventilent certains dans l’opinion publique. La gratuité est décrétée de façon sporadique par les structures de Pf lors des campagnes de sensibilisation. Un taux forfaitaire est fixé et appliqué partout pour permettre aux services de Pf de fonctionner. Ce prix varie entre 1000 FCFA et 3000 FCFA au plus.
Des méthodes contraceptives à quelle fin ?
« Moi, j’ai planifié mes naissances parce que la pauvreté est intense. Trop d’enfants, c’est de l’argent. Les naissances rapprochées aussi ruinent le foyer et empêchent la femme de mener une activité génératrice de revenu », confie Laure Bégo Vissin. Les méthodes de planification familiale et de contraception sont des moyens efficaces de lutte contre la mortalité maternelle et infantile. Elle participent à la réduction de la pauvreté et la résorption du taux de chômage. Elles contribuent à la santé de la femme et à l’épanouissement du foyer. Elles favorisent l’espacement des naissances, permettent à la femme de recouvrer sa santé avant une nouvelle grossesse. Elles évitent les fausses couches et les avortements provoqués et spontanés, les grossesses non désirées qui font dépenser inutilement. « Les avantages de la Pf sont incommensurables. Aujourd’hui, ma fille fait partie des meilleurs élèves de sa classe. J’ai espacé mes naissances pour consacrer la bonne partie de mes ressources dans l’éducation de mes enfants. Je fais assez d’économies qu’avant », confie Franck Vissin, une personne ressource à Abomey. « Moi, j’ai fait la Pf pour aider mon mari dans le foyer », renchérit Laure Bégo Vissin. Contrairement aux rumeurs, les méthodes contraceptives n’empêchent pas la conception et n’encouragent pas non plus les jeunes filles à se laisser à la débauche. « Ces méthodes ne les protègent pas contre les IST/Sida. Lors des sensibilisations, nous mettons l’accent sur cet aspect », explique Angèle Djitrinou. « Une femme sous Pf qui a le désir de concevoir des enfants peut y parvenir facilement. Il suffit qu’elle interrompe la méthode choisie pour tomber enceinte au bout de deux à trois mois », déclare Laure Vissin.
En dépit de ces avantages que procure la Pf aux ménages qui l’ont adoptée, des gens continuent d’être réticents. Cette réticence est souvent notée dans les zones reculées et dans le rang des hommes qui pensent que la Pf encourage la femme à divorcer, à commettre l’adultère. Franck Vissin, pour sa part, estime que ces hommes sont excusables dans leur ignorance et dans leur inconscience. « La planification familiale est une nécessité pour tout couple conscient qui veut l’évolution et l’épanouissement de ses enfants. Les hommes réticents ont raison parce qu’ils n’ont pas compris les avantages y afférents. Ils sont comparables à quelqu’un qui ne connaît pas Dieu. Ceux qui confondent la planification à l’infidélité ou à l’impolitesse de leur femme sont des inconscients. Ma femme est libre. Je suis d’une famille et je crois que les méthodes contraceptives ne peuvent en aucun cas lui permettre de faire n’importe quoi. Si la femme est consciente, elle ne peut pas faire du désordre. Je voudrais donc demander à l’ABPF d’intensifier la sensibilisation », indique-t-il. Angèle Djitrinou et Diane Gbètchidé n’ont pas baissé la garde. A travers la stratégie avancée, elles arrivent à pêcher les réticents. Lorsque la mission devient délicate, elles mettent à contribution les assistants sociaux des centres de promotion sociale. Ils effectuent des visites à domicile pour convaincre les époux réticents à travers des séances de sensibilisation sur les avantages du planning. Chez les femmes, fait remarquer Angèle Djitrinou, il y a une prise de conscience. Mais elles sont bloquées par le manque de ressources financières et le refus de leurs maris. Celles qui le désirent et qui ont les moyens font la PF à l’insu de leurs conjoints. « Les maris sont souvent au courant. Au cas où ils ne sont pas informés, on conseille aux femmes de les sensibiliser, mais on ne les laisse pas partir. Si on le fait et qu’elles contractent une grossesse, ça va rester sur notre conscience. La femme a le droit de se planifier parce que c’est son organisme », argumente Diane Gbètchidé, la coordonnatrice de PF dans le Zou et les Collines.
La Planification Familiale et les religions
Auparavant, les dignitaires religieux s’étaient vertement opposés à l’utilisation des méthodes contraceptives. Aujourd’hui, le débat semble évoluer. « Les religieux disent que c’est une forme d’avortement, mais on leur explique que ce n’est pas le cas parce que l’œuf n’est pas encore formé avant qu’on aille le détruire. Ici, la contraception empêche la fécondation et la nidation.Donc, l’œuf n’est pas encore formé. Ce n’est pas encore fécondé », défend Angèle Djitrinou. Avec cet argumentaire, les dignitaires religieux sont ramenés à la raison et les verrous du tabou sont sautés. La preuve, de jour en jour, les femmes de toutes obédiences religieuses, sans se faire accompagner par leurs maris, affluent vers les structures de Pf, soit pour se renseigner ou pour adopter une méthode. « Elles viennent sans se cacher. Or, avant, c’était un sujet tabou et elles ne venaient pas dans la journée », se souvient la sage-femme Djitrinou. Elle exhorte donc les couples qui hésitent encore à se décider afin de contribuer au développement de leur Nation.
Zéphirin Toasségnitché