Du jeudi 01 au vendredi 02 Avril 2021, une délégation de l’Ambassade de Belgique près le Bénin et de l’Agence Belge de Développement « Enabel au Bénin », s’est rendue dans les départements de l’Atlantique et du Couffo. Objectif de cette visite de terrain, rencontrer les bénéficiaires et échanger sur les activités et résultats obtenus à mi-parcours de l’exécution du Programme P@SRIS. D’un coût global de 9,8 milliards de Fcfa, ce programme initié par Enabel avec l’appui financier du Royaume de Belgique contribue à la bonne gestion du dividende démographique, à la réduction de la mortalité maternelle et infantile et à l’amélioration de la productivité du capital humain.
Examiner le niveau d’exécution des interventions du Programme P@SRIS et être à l’écoute des bénéficiaires directs de ces interventions. C’est à cet exercice qu’ont pris part Mme Mélanie Schellens, Chef de la Coopération, Mme Annick AZANDJEME, Chargée des Programmes à l’Ambassade de Belgique, Mme Mélanie Xuereb, Country Portfolio et M. Jean-François MICHEL, Représentant Résident de Enabel au Bénin lors des visites effectuées dans quelques communes d’intervention du Programme.
A Abomey-Calavi, la délégation a tenu une séance de travail au Bureau de Zone en présence du Maire de la Commune d’Abomey-Calavi, M. Angelo AHOUANDJINOU et de la Représentante du Directeur Départemental de la Santé de l’Atlantique Mme Souliatou BELLO. Au cours de cette séance Dr Rodrigue KOHOUN, Médecin Coordonnateur de la Zone Sanitaire (MCZS) Abomey-Calavi – Sô-Ava, a présenté la zone sanitaire mais aussi les accompagnements du programme P@SRIS pour relever les défis sanitaires dans la zone. En 2019, et en 2020, cette zone sanitaire a respectivement enregistré 22 et 36 décès maternels intra hospitaliers, 48 et 74 décès néonatals. Les causes majeures de ces décès : pour ce qui concerne les mères ; les hémorragies de délivrance, la référence tardive et pour les nouveau-nés, il s’agit de décès liés à l’hypothermie, à l’hypoglycémie, à l’hypoxie et aux infections.
Pour y remédier, la zone sanitaire et le programme P@SRIS travaillent ensemble et ont mis en place en décembre 2019, un modèle de soins optimisés au couple mère-nouveau-né avec une approche innovante basée sur trois composante à savoir : 1) l’assurance qualité dans les centres de santé ; 2) la surveillance de la température des nouveau-nés de faibles poids de naissance par bracelet électronique permettant les soins maternels Kangourou; 3) le renforcement des compétences des agents de santé à travers le e-learning, le coaching et le tutorat. Cette approche permet d’améliorer de façon continuelle la qualité des soins de la mère et du nouveau-né en vue de la réduction des décès maternels et néonatals dans la zone sanitaire. Développée dans 06 centres de Santé (Godomey, Akassato, Dèkoungbé, Womey, Cococodji et Ouèdo) de la Zone Sanitaire à titre pilote sur la période du 1er trimestre de 2020 au 1er trimestre 2021, cette approche a permis :
- une amélioration de la qualité des accouchements : On observe dans ces centres de santé pilote une bonne application de la Gestion Active de la troisième Période de l’Accouchement (GATPA) à 99,4%, la réduction des accouchements dystociques à seulement 0,3%, la réduction des hémorragies de la délivrance (seulement 1%), la référence plus fréquente des accouchements dystociques (97,4%) et zéro décès maternel enregistré sur la période.
- une amélioration de la qualité du suivi des accouchées : 98% des femmes font leur Consultation Postnatale (CPoN) N°1 contre 41 % en T1-2020 ; 70% font leur CPoN 2 contre 22% en 2020 ; 54% des CPoN 3 contre 21% en 2020. La couverture en planification familiale du post-partum s’est aussi améliorée passant de 3% en T1 2020 à 29% en T1 2021.
- une amélioration des soins et du suivi du nouveau-né avec : 100% de visites de suivi à domicile effectuées aux nouveau-nés de faible poids de naissance ; diminution du nombre d’hypothermie (58%) ; 100% des bébés avec un faible poids de naissance qui reçoivent leur bracelet électronique ; 100% des bébés sont mis systématiquement aux seins et 0,4% seulement de décès de nouveau-nés enregistré dans cette période.
Selon Dr Rodrigue KOHOUN, cette approche « soins optimisés » donne des résultats encourageants et peut être étendue comme modèle efficace d’amélioration de la qualité des soins au couple mère-nouveau-né.
Par ailleurs, le système d’information sanitaire de la zone a été améliorée avec un appui à la rédaction des annuaires statistiques, le renforcement de capacité de statisticien et de 10 chefs de postes, le contrôle qualité des données, la dotation en outils SNIGS révisés, la digitalisation dans les centres de santé avec une mise à disposition de 13 ordinateurs et kits connexion haut débit dans 50% des centres de santé publics et du bureau de la Zone sanitaire Abomey-Calavi-Sô-Ava.
Pour toucher du doigt ces résultats, la délégation s’est rendue au Centre de Santé de Dékoungbé et à la maternité de l’Hôpital de Zone d’Abomey-Calavi où elle a pu constater les effets de l’appui de Enabel à la zone sanitaire.
Le vendredi 02 Avril, la délégation est descendue dans les communes de Lalo et de Klouékanmè avec un bref détour à Aplahoué pour un échange avec le Préfet du Département M. Christophe MEGBEDJI. Ce dernier a une fois encore témoigné toute sa gratitude au Royaume de Belgique qui est selon lui un partenaire fidèle du département. « Avec la Belgique, c’est une coopération qui s’est enracinée et c’est le premier partenaire à avoir accepté de faire une mutation budgétaire directe aux communes et cela a inspiré les autorités gouvernementales», témoigne Christophe MEGBEDJI.
A Lalo et à Klouékanmè, la délégation a visité les Centres Amis des Adolescents et Jeunes (CAJ) et est allée au contact des femmes du forum Enoumama qui signifie ‘’Partage’’. Ce groupe constitué de 23 personnes s’organise avec l’appui de Enabel pour agir sur la prise de décision, la santé, l’accès aux services de soins et de promotion de la santé sexuelle et reproductive, l’empowerment économique et la lutte contre les Violences Basées sur le Genre (VBG). Avec le programme P@SRIS, le forum s’est élargi et couvre aujourd’hui 02 communes supplémentaires (Kpomassè et So-Ava) dans le département de l’Atlantique. Des comités de veille pour les Violences Basées sur le Genre VBG sont installés dans 47 villages (25 dans le Couffo et 22 dans l’Atlantique) pour assurer la notification, l’alerte et l’orientation des victimes. Concernant la protection des droits et la lutte contre les VBG, on observe depuis la mise en place de ces comités de veille une augmentation des notifications et dénonciations des cas de violences, de mariage forcé et précoce. Le forum Enoumama contribue à l’orientation des cas, un appui-conseil et l’insertion socio professionnelle des filles victimes de VBG ou mariage forcé et offre aux victimes un soutien psychologique ceci en collaboration avec la Police Républicaine (PR) et les Chefs de Centre de Promotion Sociale (CPS).
A en croire Dr César KOUDJOUME, Médecin Coordonnateur de la Zone Sanitaire (MCZS) Klouékanmè, Toviklin, Lalo (KTL), le programme P@SRIS a contribué à la gratuité totale de la Planification Familiale à travers la mise à disposition de consommables et contraceptifs d’urgence ; le renforcement des capacités des agents en Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence (SONU), en gestion et contrôle de qualité des données. Selon lui, la mise en place des Centres Ami et Jeunes a amélioré l’accessibilité des adolescents et jeunes aux services de Santé Sexuelle et Reproductive (SSR).
A cet effet, il a, pour sa part, témoigné et confirmé l’implication et la mobilisation effectives des populations bénéficiaires dans la mise en œuvre des actions du programme P@SRIS. Il se réjouit de la bonne collaboration qui s’est établie entre les équipes de la Direction Départementales de la Santé (DDS), les élus locaux et le programme.
Paroles aux bénéficiaires
Mme Louise KPOMAHOU ASSANGBE , Sage-femme au Centre de santé de Dèkoungbé
«Depuis le 23 décembre 2020, nous mettons en œuvre les soins optimisés au couple mère et nouveau-né. Ces soins comportent essentiellement l’examen systématique du nouveau-né à la naissance, la surveillance des faibles poids de naissance par l’utilisation du bracelet électronique. Les nouveau-nés dont le poids est inférieur à 2,5Kg, sont mis sous surveillance électronique et les relais communautaires ont la responsabilité de les surveiller à domicile. Dès que les bracelets émettent des alertes cela signifie que l’enfant est en hypothermie et la maman sait qu’elle doit porter son bébé sur elle comme le font les kangourous et aussi l’allaiter suffisamment, histoire de remonter un peu la température du nouveau-né. Au lendemain du lancement de l’initiative, un bébé de faible poids de naissance a vu le jour ici dans notre centre de santé et a bénéficié de tout le paquet de soins optimisés. Il pesait 2,300 kg à la naissance. Mais au bout de 28 jours, cet enfant pesait 3kg on a donc noté un gain pondéral de 700g. Un autre bébé de faible poids de naissance a été enregistré le 16 janvier 2021 et pesait 2kg à la naissance. Au retrait du bracelet après 28 jours de soins, notre bébé a pesé 3kg. On a noté un gain pondéral de 1000g soit 1kg. Toutes les semaines, les mères des bébés à faible poids de naissance doivent passer au centre de santé pour l’examen clinique du nouveau-né. Cette initiative est vraiment louable car elle nous permet de réduire considérablement le taux de décès néonatal».
Florence EGOU, élève en 1ère D au CEG Adjahounmè, pair éducatrice
« L’ouverture du Centre Ami des Adolescents et jeunes de Klouékanmè m’a beaucoup aidé. C’est grâce au centre que j’ai connu l’usage de l’ordinateur car le centre a été doté d’ordinateurs et aussi de connexion wifi gratuite. J’ai été également formé à l’utilisation de l’outil informatique et j’ai appris à allumer, éteindre et manipuler un ordinateur. L’autre chose qui m’a beaucoup aidé, c’est la formation à l’auto-défense où on nous a enseigné à nous défendre face à un agresseur sexuel et comment se débattre pour ne pas être victime de viol. Quand je sors de chez moi maintenant, je suis toute confiante car c’est comme si j’ai en ma possession un outil de guerre et je n’ai plus peur. Après ma formation au cours des séances de sensibilisation dans mon établissement (CEG Adjahounmè) sur les Grossesses non désirées, j’ajoute l’aspect d’auto-défense car nous avons constaté que la majorité des cas de grossesse non désirées sont issues des cas de viol, sans consentement des filles. Je suis fière de ce que j’apporte à mes autres camarades en tant que pair éducatrice et je suis très engagée. Dans mon établissement il y a zéro cas de grossesse non désirée depuis que nous avons commencé ces formations et sensibilisation».
Publié le 08-04-2021 dans Matin Libre