Introduite dans le circuit pharmaceutique pour parer à certaines grossesses rapprochées et indésirables, particulièrement chez les femmes mariées, la pilule du lendemain se propage chez les adolescentes qui l’utilisent et en abusent avec une supposée complicité des pharmaciens. Cette forme de contraception qui permet de stopper une grossesse dans les quarante-huit heures (et même au-delà) qui suivent un rapport sexuel non protégé, pourrait cependant être une solution, selon certains acteurs de la santé. Pour les filles victimes de viol ou d’inceste, c’est en tout cas une parade. Mais pour son utilisation optimale, il faudrait une loi autorisant l’avortement médicalisé.
Les pilules du lendemain sont souvent méconnues des populations auxquelles elles sont destinées, à savoir les femmes mariées. Peu d’entre elles en parlent et la demande est quasi nulle de leur part auprès des officines privées. Ce sont plutôt les adolescentes qui frappent le plus aux portes des pharmaciens pour se servir. Aminata Mbaye, la quarantaine, mariée et mère de quatre enfants, n’en a jamais entendu parler.
Dans les structures de santé, les prestataires ainsi que les médecins font étalage des méthodes contraceptives standards, mais les mérites de la pilule du lendemain dans l’espacement des naissances restent peu connus. Aminata, une parmi celles qui se disent ignorantes de cette méthode, venue s’ajouter à la gamme de la planification familiale, offre un sourire gêné devant la question. «Je pratique la planification familiale depuis mon premier enfant. Avec ma sage-femme, on discute des méthodes de contraception. Elle me fait part des avantages des unes et des autres. Mais je n’ai jamais eu écho de la pilule du lendemain».
Comme elle, elles sont nombreuses à ne pas être tenues au courant de cette méthode venue s’ajouter à la gamme des méthodes contraceptives. Avec efficacité et utilité. «Il arrive qu’on ne prenne pas de précaution pendant les relations sexuelles juste pour satisfaire le conjoint. Mais si le message passe bien et qu’on est informé, cela ne prête pas à conséquences…», souffle Fatou Kiné Faye. Seulement, le message ne passe pas souvent. Maguette Ndiaye qui connait bien le produit affirme l’avoir découvert à travers la toile.
Toutefois, elle avoue ne l’avoir «jamais utilisé». Son rejet de cette méthode, elle le fonde sur des bases socioculturelles. «Dans nos sociétés africaines, une femme mariée qui entre dans une officine privée pour demander ce produit est mal vue. Certains vous soupçonnent d’avoir trompé votre époux. Tant qu’on ne lutte pas contre la stigmatisation, il sera difficile pour les femmes d’en parler ». Ce sont plutôt les adolescents qui, sans gêne parfois, arpentent les couloirs des pharmacies et se servent. Certains d’entre eux s’en procurent et les gardent pour une éventuelle utilisation ultérieure.
Selon une lycéenne, «l’usage se fait à l’insu des parents, mais il n’empêche qu’on discute des avantages et des inconvénients en cours d’Education à la vie familiale. Beaucoup de jeunes l’utilisent pour échapper à la colère des parents, en cas de grossesse». Introduite en 2005 dans les normes de prévention, la contraception d’urgence est devenue de facto une porte de salut pour les jeunes filles. Elle contribue à diminuer le taux de mortalité maternelle et aide à éviter les grossesses non désirées qui sont très souvent la cause de la déscolarisation.
Selon Nafissatou Ndiaye, sage-femme du district sanitaire Nabil Choucair de la Patte d’Oie, « les pilules du lendemain ont contribué à la diminution du nombre de suicides chez les jeunes filles. Personnellement, j’en fais la promotion jusque chez les filles. Car il est démontré que la moyenne d’âge des premiers rapports sexuels est en dessous des 18 ans. A cet âge, les jeunes filles n’ont pas conscience du danger d’un rapport sexuel».
Sans oublier de relever que l’avortement est interdit au Sénégal, elle souligne toutefois que cette méthode peut être source de salut pour plusieurs jeunes. «Aujourd’hui, nous sommes en période de confinement et cela ne m’étonne pas que ces jeunes, noyés dans l’ennui de rester à la maison, se retrouvent à la moindre occasion. Notamment, avec la fièvre de nostalgie de leur copain ou de leur copine». Si la sage-femme de la maternité du district Nabil Choucair vote pour les pilules du lendemain ou du surlendemain, elle note cependant que « plusieurs jeunes filles s’opposent à sa prise à cause de certaines polémiques selon lesquelles elles sont à la base de la stérilité et peuvent être à l’origine de complications d’ordre gynécologique au moment des accouchements».
Une sage-femme de l’Hôpital américain, sis au quartier Scat Urbam, pointe aussi du doigt ces croyances : «Le défi d’informer les jeunes filles et les jeunes garçons reste à relever. Si les deux acteurs sont informés par rapport à l’utilisation de ces pilules du lendemain, on a la possibilité de participer à la réduction des grossesses non désirées et surtout des tentatives d’avortement tardive.
Denise ZAROUR MEDANG
Publié le 20-05-2020 dans Santetropicale