Au Burkina Faso, les méthodes contraceptives sont de plus en plus acceptées par les populations, même si les préférences des uns et des autres diffèrent. Ayant reçu des informations supplémentaires allant au-delà de l’espacement des naissances, plusieurs utilisatrices sont résolument tournées vers les méthodes de longue durée. Pour comprendre cette nouvelle tendance, nous avons devisé avec des dames dans les murs de la première clinique de l’ONG Marie Stopes International Burkina Faso, sise au quartier Patte-Oie de Ouagadougou. Constat !
Il est 9h10, mardi 23 octobre 2018. Au parking déjà, des inconnus ont les yeux rivés sur nous. Un petit bonjour, sourire aux lèvres, nous progressons vers la principale porte d’entrée fermée à demi. L’accès à la clinique se trouve encore devant. Une petite tape sur une énième porte, une voix répond : « Oui. Entrez, s’il vous plaît ». Nous sommes dans la première clinique de Marie Stopes International Burkina Faso (MSI-BF) située au quartier Patte d’oie de Ouagadougou.
Dans la salle d’attente, des femmes patientent tout le long du hall. D’autres s’attèlent à allaiter leurs bébés. La salle est calme. Des sages-femmes défilent. Quelques regards pleuvent sur notre visage. « Un garçon ici ? », demande discrètement une dame à son accompagnatrice. Un intrus apparemment. Mais, nous savons que nous ne sommes pas là pour choisir une méthode contraceptive. Bref !
Après des salamalecs généralisés, nous prenons place derrière les autres, comme pour respecter l’ordre d’arrivée. D’un regard furtif, nous apercevons un homme en blouse bleue. Certainement un agent de santé, maïeuticien ou gynécologue. Nous nous présentons et ce dernier nous conduit dans un bureau en disant : « C’est le journaliste-là ? Mais, vous êtes venus avec un peu de retard ». Nous faisons le tour de quelques bureaux avant d’avoir accès à des clientes satisfaites de leur choix contraceptif.
Le Jadelle ou l’allumette contraceptive…
C’est alors que nous faisons la connaissance de cette dame, « Hono », 29 ans. Elle est en train de réajuster sa jupe en wax, loin du regard des autres, dans une salle improvisée. Un peu timide, c’est en langue nationale mooré qu’elle s’ouvre à nous. Cette ménagère est tombée sous le charme du Jadelle, un implant contraceptif de longue durée. Ce n’est pas à Ouagadougou qu’on lui a posé ce mini-bâtonnet en plastique inséré généralement de façon invisible sous la peau du bras.
C’était plutôt dans son village natal situé dans les encablures de la « Cité de l’épervier », Manga. C’est d’ailleurs le partenaire conjugal de Hono, commerçant de son état, qui l’avait accompagnée dans un centre de santé depuis 2014 pour la pose du pellet contraceptif inséré en général pour cinq ans. Hono est venue ce matin à la clinique de Marie Stopes International pour se faire retirer le « bâtonnet magique ». Elle envisage mettre au monde trois enfants au maximum.
« Mon mari et moi, nous vivons depuis trois ans maintenant à Ouagadougou. C’est ensemble qu’on a décidé de retirer l’implant pour avoir notre deuxième enfant. Notre premier fils a quatre ans. C’est au village, à Manga, qu’on m’a placé ça juste après mon accouchement. Le Jadelle que j’appelle affectueusement l’allumette me va très bien. Après mon accouchement, c’est sûr que c’est la méthode que j’utiliserai encore parce qu’elle me permet de faire beaucoup d’autres choses sans me soucier de tomber involontairement enceinte », explique la jeune dame toute souriante.
Quatre ans passés sous contraception, Hono ne regrette pas son choix aujourd’hui. C’est au quartier qu’elle avait entendu parler du Jadelle quelque temps avant de convoler en justes noces. Elle compte rester fidèle à son bâtonnet. A chacun son choix !
« Tout est parti des calculs du nombre de bouches à nourrir et de têtes à inscrire à l’école »
Madina, un autre nom d’emprunt, fréquente également cette clinique MSI. Agée de 36 ans, elle est mariée et mère de trois enfants. Tenancière d’une échoppe dans un quartier de la ville, elle est originaire de la Commune urbaine de la « patate douce », Kombissiri située à environ 45 km au Sud de Ouagadougou.
Madina planifie la venue au monde de son quatrième enfant dans les années à venir. Elle et son époux ont compris la nécessité de contrôler le timing de leurs naissances. « Tout est parti des calculs du nombre de bouches à nourrir et du nombre de têtes à inscrire à l’école, compte de tenu de la modestie de nos moyens financiers. Beaucoup d’enfants-là, ce n’est pas simple hein ! », lâche la jeune dame, d’un ton rigolard.
Agent de la Fonction publique burkinabè, le mari de Madina s’est montré favorable à la pratique de la planification familiale. « J’étais venue pour des consultations. J’ai dit à mon gynécologue que je voudrais bien utiliser une méthode contraceptive de longue durée. Il m’a proposé toutes les gammes de produits disponibles au sein de la clinique. Je suis tombée sous le charme du Dispositif intra-utérin (DIU) qu’on appelle aussi stérilet », relate la femme d’affaires.
Elle a décidé, avec l’aval de son époux, de sceller une union de dix ans avec un DIU, du nom de ce stérilet en forme de T, partiellement recouvert de cuivre et inséré dans la cavité utérine par un professionnel de santé. « Je souffre d’une hypertension. On m’a conseillée le DIU que je préfère bien. Mon mari est au courant depuis le début. Il m’encourage même à venir régulièrement pour vérifier », poursuit notre interlocutrice. Ce matin, elle est venue pour une « petite consultation ».
« J’encourage les autres femmes à utiliser le stérilet »
Elle a inséré ce stérilet, d’une durée de 10 ans, depuis 2015. « J’ai trois enfants. Je planifie faire un dernier mais, pas toute suite. Le souci avec cette méthode, c’est qu’elle veut que tu sois propre tout le temps. Si tu constates des démangeaisons, il faut vite aller voir ton gynécologue. Au début, quand j’ai mis, j’avais un peu de douleur au bas-ventre, mais, avec le temps, c’est passé. Je me sens bien avec ça maintenant », se réjouit la business woman.
Madina est convaincue que le choix des femmes se tourne peu à peu vers les contraceptifs de longue durée, comme elle. Elle saisit l’occasion pour motiver toutes celles qui hésitent encore à planifier durable. « J’encourage les autres femmes à utiliser le stérilet parce que c’est une méthode qui est avantageuse et qui ne dérange pas l’organisme. Quand tu mets, tu gagnes en temps, tu es à l’aise. Il suffit seulement d’être propre. Ça ne fait pas grossir, ça ne fait pas maigrir, ça ne dérange pas les rapports sexuels. Sinon, moi j’ai commencé avec les pilules. En tout cas, ça n’allait pas avec moi. J’avais des malaises et je prenais du poids. On m’a dit que c’est à cause des hormones que les pilules contiennent. Mais, après ma première grossesse, j’ai opté pour le DIU. Dès que je souhaite tomber enceinte, j’enlève », révèle Madina.
Hono et Madina, à travers leurs récits de vie, admettent que la planification familiale poursuit son petit bonhomme de chemin au Burkina Faso et que, de plus en plus, les familles préfèrent planifier de façon durable. Leurs dires sont corroborés par des professionnels du domaine dont Kady Toé, la Coordonnatrice de la première Clinique de Marie Stopes International Burkina Faso.
« Nous, ici, nous montrons toutes les méthodes de planification familiale disponibles avec leurs avantages et leurs effets secondaires. C’est au client ou à la cliente de faire son choix », indique Mme Toé. Les méthodes de longue durée constituent l’idéal, lance-t-elle.
« Les femmes ont compris que ça permet de gagner du temps »
« C’est ce qu’on souhaiterait que les femmes prennent. Les méthodes longue durée permettent entre autres à la femme de vaquer à ses occupations et de ne pas revenir au centre tout le temps comme celles qui ont choisi les injectables ou les pilules qui s’avèrent contraignants. Par contre, le DIU, si une femme le place pour dix ans, elle n’est pas obligée de faire dix ans avec ça. A tout moment, elle peut retirer ou bien changer de méthode. Et le contrôle médical n’est pas rapproché comme pour les méthodes de courte durée », explique-t-elle.
A l’en croire, la clinique dont elle assure la coordination enregistre de plus en plus de clientes utilisatrices de méthodes contraceptives de longue durée. La raison, selon elle, c’est que ces méthodes sont beaucoup plus avantageuses sur les plans économique et social.
« Nous enregistrons depuis quelque temps beaucoup de clientes qui prennent les méthodes longue durée. Les femmes ont compris que ça permet de gagner du temps. Tu viens placer ton DIU. Si tu n’as pas un problème particulier, tu peux faire trois mois sans venir au centre. Alors que si c’est les injectables par exemple, chaque trois mois, il faut revenir pour des contrôles ou pour prendre la dose. Si c’est la pilule, tu dois revenir pour vérifier ta tension ou te ravitailler en comprimés », fait comprendre Kady Toé.
L’ONG Marie Stopes international (MSI) pour laquelle elle travaille est présente dans 43 pays au monde et continue d’œuvrer pour l’autonomisation des femmes en leur donnant le pouvoir de prendre le contrôle de leur avenir pour avoir des enfants par choix et non par surprise. Riche de plus de 40 ans d’expériences, l’ONG s’est implantée au Burkina Faso en 2009.
Au début, MSI ne couvrait que la région du Centre. A ce jour, elle couvre dix régions au Burkina Faso. Selon des données officielles, de 2009 à 2015, l’ONG a fourni plus de 656.300 services de planification familiale. Des services fournis aussi bien en zones urbaines que dans les villages les plus reculés du pays, grâce à ses équipes mobiles. Les services fournis par MSI-BF ont permis d’éviter plus de 230.000 grossesses non désirées, 84.300 avortements non sécurisés et 660 décès maternels.
Noufou KINDO
Publié le 25-10-2018 dans Burkina 24