Le processus de la délégation des tâches en matière de planification familiale tâtonne au Bénin. Le pays doit prendre conscience de son retard et agir en vue d’accroître son taux de prévalence contraceptive, condition sine qua non pour la capture du dividende démographique.
Le Bénin est à la croisée des chemins en matière de planning familial. Mais les résultats sont encore assez faibles. Seulement 12 % contrairement aux engagements d’Addis Abeba qui tablent sur une prévalence contraceptive de 20 % à atteindre en 2018.
Ce taux est également en déphasage avec le vœu du Partenariat de Ouagadougou qui vise à mettre sous méthodes modernes de contraception deux millions deux cent mille nouvelles utilisatrices de PF d’ici à 2020, répartis sur l’ensemble des neuf pays qui y ont adhéré, soit 227 mille pour le Bénin.
« Nous sommes à environ cent soixante mille nouvelles acceptantes recrutées alors que l’échéance de 2020 pointe à l’horizon », s’inquiète Nourou Adjibadé, directeur exécutif de Céradis-Ong. « Nous envisageons d’atteindre au moins 23 % de prévalence contraceptive dans le nouveau Plan d’action national budgétisé de planification familiale pour la période 2019-2023 », souhaite le médecin de santé publique, chef service planification familiale, santé des adolescents et jeunes à la direction de la Mère et de l’Enfant au ministère de la Santé, Gaston Ahounou.
L’objectif est ambitieux mais ne peut être attteint que si des outils comme la délégation des tâches sont promus. « Dans un pays où l’effectif des ressources humaines qualifiées en matière de santé fait défaut, on ne peut que passer par la délégation des tâches ; elle reste aujourd’hui le meilleur moyen pour couvrir les besoins de la population », tranche-t-il. Au Bénin, les besoins non satisfaits en matière de PF sont encore énormes. Ils tiennent de la non-disponibilité des produits aux points d’accès, l’inexistence de centres de planification familiale ainsi que les barrières socioculturelles dans certains milieux ruraux. « Les besoins non couverts en matière de planification familiale sont de 33 % », relève Gaston Ahounou. A cela s’ajoute le taux trop élevé de femmes pro-natalistes dans les milieux ruraux où le taux d’analphabétisme est assez considérable. Celles-ci ont besoin d’aide pour revoir leur rythme de fécondité et planifier les naissances.
La délégation des tâches est l’une des clés pour y arriver. Le processus va se révéler davantage indispensable lorsque les stratégies seront mises en place pour la création de la demande en PF en ce sens que le nombre de nouvelles utilisatrices va accroître. Envisagé pour pallier la pénurie de ressources humaines en santé, ce volet de la planification familiale prône le transfert des compétences à des agents non professionnels de la santé afin de rapprocher les services des utilisateurs.
Avantages
La mise en œuvre efficace de la délégation des tâches favorise également la création des conditions pour aller à un taux de prévalence élevé, condition nécessaire pour capter le dividende démographique. Selon l’Enquête démographique et de santé de 2018, le Bénin est passé de 4,9 enfants par femme à 5,7 en termes d’indice synthétique de fécondité. Ce taux contraste avec les engagements du pays en matière de planification familiale. Il est donc indispensable de mieux porter le processus en vue de relever le taux de prévalence contraceptive dans le pays, conformément au programme d’action du gouvernement qui met également l’accent sur la capture du dividende démographique. Le Kenya, l’Angola ainsi que les dragons asiatiques (Singapour, Hong Kong, Taïwan, Corée du Sud) et les pays du Maghreb en sont sortis grandis avec un taux de prévalence contraceptive d’au moins 50 %.
Il faut souligner que la planification familiale reste avant tout un outil de développement. Elle est le premier pilier sur lequel les pays doivent s’appuyer pour réduire la mortalité maternelle dont le taux est aujourd’hui le plus élevé dans le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé, (OMS). : « Environ 830 femmes meurent chaque jour dans le monde du fait de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement ». La majeure partie de ces décès s’est produite dans des pays à revenus faibles et la plupart auraient pu être évités, souligne l’OMS. « Nous plaidons pour que la délégation des tâches ainsi que le plan national intégré de communication soient une réalité dans notre pays», souhaite le chef service planification familiale au ministère de la Santé.
La planification familiale présente des atouts indéniables pour les bénéficiaires, les communautés et les gouvernements. En même temps qu’elle libère la femme, elle lui permet de mieux se porter, de mieux s’occuper de sa famille et d’éviter les grossesses trop rapprochées, à risques et non désirées, en vue de mieux entreprendre les activités génératrices de revenus. En ce sens, la délégation des tâches reste l’un des principaux instruments au regard de la masse de personnes désireuses de se mettre sous méthodes modernes contraceptives et qui n’y ont pas accès encore, faute de ressources humaines suffisantes sur le terrain.
Le Bénin dispose déjà d’un document de politique qui met en lumière les conditions et les outils en matière de délégation des tâches. Il ne lui reste qu’à faire preuve d’une volonté politique affichée pour franchir le cap.
Maryse ASSOGBADJO
Publié le 01-10-2019 dans la nation Benin