Les progrès et les défis de la planification familiale au Sénégal ont été passés en revue hier par le ministre de la Santé et de l’Action sociale. Une occasion pour elle de mettre en exergue le leadership politique et parlementaire, l’engagement des religieux et celui communautaire avec les « Badianou Gokhe » (marraines de quartier).
Le Sénégal participe à la quatrième Conférence Internationale sur la Planification Familiale (CIPF). La délégation est conduite par le ministre de la Santé et de l’Action sociale, le Pr Awa Marie COLL SECK. Lors d’un panel organisé par le Population Council hier, veille de l’ouverture de ce rendez-vous dédié à faire avancer la contraception dans le monde, elle a partagé l’expérience du Sénégal dans ce domaine. Elle a notamment insisté sur les progrès et les défis à relever dans le domaine de la santé de la reproduction. Selon elle, si le Sénégal constitue aujourd’hui une référence dans la promotion de la planification en Afrique de l’Ouest, il le doit à un leadership politique au plus haut niveau. « Le président de la République lui-même s’est impliqué et a donné les moyens pour que nous puissions travailler », a-t-elle déclaré, soulignant également le leadership du Parlement sénégalais qui a adopté, en 2005, la loi sur la santé de la reproduction.
L’engagement des leaders religieux musulmans comme chrétiens est aussi salué par le Ministre de la Santé. « Nous avons des défis à relever dont le fondamentalisme parce qu’on sait que parfois des gens qui n’ont pas compris la religion sont en train de détruire ce qui a été fait. Donc, il faut qu’on fasse très attention. Le fait d’avoir l’association des imams, des religieux d’une manière générale est une bonne chose. Nous comptons beaucoup sur cela », a relevé le Pr SECK. Le Ministre n’a pas manqué de magnifier les différentes actions menées au niveau communautaire par les « Badianou Gokh » (marraines de quartiers). « Une spécificité sénégalaise », a-t-elle tenu à préciser. Ces dernières sont des leaders qui jouent un rôle crucial dans la sensibilisation des femmes pour le respect des consultations prénatales, la disponibilité des méthodes et produits de contraception, le calendrier de vaccination des enfants, la lutte contre le paludisme, entre autres. « Elles sont sélectionnées par les populations. Elles peuvent à tout moment parler aux familles, à la femme, au mari pour essayer de régler les problèmes de santé de la reproduction dans les foyers et de survie de l’enfant également. Ce sont des personnes polyvalentes qui sont volontaires et qui peuvent apporter un plus au niveau communautaire ».
Donner des téléphones à toutes les « Badianou Gokh »
Mais, il arrive qu’elles subissent des pressions de la part de certaines femmes qui peuvent leur demander de payer, par exemple, leurs ordonnances, pour les avoir incitées à aller dans une structure sanitaire. Mais, « le rôle des « Badianou Gokh » n’est pas d’acheter des ordonnances », a tranché le Pr Awa Marie Coll Seck qui invite à « mener des actions en parallèle ». Dans ce cadre, elle a souligné que les « Badianou Gokh » se sont organisées pour faire des plaidoyers afin que les femmes puissent maintenant aller vers les mutuelles de santé. « Cela fait partie des choses qui vont les alléger. Car si elles sont en permanence en train de régler des problèmes d’ordonnances et autres, cela va être difficile ».
Le Ministre de la Santé, citant le cas de « Badianou Gokh ayant des moyens, des voitures, a indiqué que certaines d’entre elles « passent leur temps à amener des malades ». « Là aussi c’est quelque chose que nous avons réglé, par exemple, avec le schéma que nous avons d’essayer de mettre de plus en plus d’ambulances au sein des communautés, des postes de santé, centres de santé, etc. Donc, la logistique va les alléger ». Toujours, dans le souci d’appuyer ces femmes dans leurs activités, le Pr SECK a annoncé qu’elle a un « projet de doter toutes les « Badianou Gokhe » de téléphones. C’est quelque chose qu’elles voudraient. Elles sont plus de 10.000, on n’a pas voulu en donner à certaines et laisser d’autres. (…). Nous sommes là-dessus et je crois que, cette année, nous allons régler ce problème ».
Le ministre de la Santé est aussi favorable à une autre doléance des « Badianou Gokh » qui souhaitent une reconnaissance. « Elles aimeraient qu’on les reconnaisse, pour que quand elles arrivent dans les structures de santé, qu’on ne leur fasse pas faire la queue, qu’on ne les prenne pas pour des personnes indésirables. Nous avons voulu faire un badge spécial qui serait reconnu partout au Sénégal. Ce n’est pas cher, nous avons parlé au directeur de la santé de la reproduction pour que cela soit fait rapidement », a informé le Pr Awa Marie Coll SECK, Soulignant le rôle des « Badianou Gokhe » dans le secteur de la santé. « Elles sont très importantes et moi je vais tout faire pour les appuyer. Je vais parler avec le ministre de la Femme pour qu’on leur facilite l’accès au microcrédit. Ce serait des accompagnements, mais on ne veut pas en faire des salariés, si non cela gâcherait toutes les idées que nous avons sur les Badianou Gokhe », a clarifié le ministre de la Santé.
Maïmouna GUEYE