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Interview

Samiratou Boubacar, une ambassadrice déterminée pour la santé reproductive et le développement durable

Samiratou Boubacar Amadou, jeune Médecin, communicatrice, activiste et féministe du Niger, est la Présidente de l’association Girls Engaged in Medicine and other Sciences (GEMS). Son dévouement à la promotion de la santé reproductive et de la planification familiale au Niger, malgré les tabous et préjugés, est remarquable. En tant que leader, elle aspire à faire de GEMS un levier pour le développement durable, offrant des solutions adaptées aux femmes et aux filles. Son engagement est renforcé par son parcours avec le programme OWLA, qui l’a incitée à créer un changement positif et à inspirer la prochaine génération. Samiratou partage sa vision audacieuse de faire de GEMS un levier pour le développement durable, en fournissant des solutions adaptées aux femmes et aux filles, et en surmontant les tabous et préjugés entourant la santé reproductive en Afrique.

Qui est Samiratou Boubacar Amadou et quels sont ses principaux accomplissements dans le domaine des SR /PF ?

Samiratou Boubacar Amadou, Médecin et activiste, est la Présidente co-fondatrice de l’association « Girls Engaged in Medicine and other Sciences » (GEMS), la première organisation de jeunes filles en médecine et sciences au Niger. En 2023, elle est devenue Mandela Washington Fellow. Dans le domaine de la planification familiale, elle a accompli de remarquables réussites. Depuis 2015, elle est membre du réseau des jeunes ambassadeurs pour la santé sexuelle et reproductive, au sein duquel son organisation est désormais affiliée. En tant qu’ambassadrice de « Merci Mon Héro », elle a réalisé des vidéos de sensibilisation sur la santé sexuelle, disponibles sur leur plateforme.

Son organisation, GEMS, a été lauréate du concours Youthchallenge de UNICEF Niger avec son projet « FAHAMEY », axé sur la gestion de l’hygiène menstruelle. Cela a valu à GEMS d’être l’un des deux représentants du Niger au Youthchallenge Global. Par ailleurs, Samiratou Boubacar Amadou est ambassadrice francophone pour la promotion de l’approche centrée sur l’humain accès sur la santé de la reproduction et la planification familiale (HCD + SRPF). Son parcours et son engagement illustrent une détermination exceptionnelle à contribuer à l’amélioration de la santé sexuelle et reproductive des jeunes femmes et des populations du Niger.

En tant que co-fondatrice de l’association GEMS, pouvez-vous nous expliquer les motivations derrière sa création et les principales activités de l’association ? De plus, qu’est-ce qui a motivé votre engagement pour la Santé Reproductive et la Planification Familiale (SR/PF) ?

GEMS est née de la volonté de personnes dévouées au bien-être de la population, désireuses de donner aux jeunes filles en sciences l’opportunité de briller et d’inspirer leurs pairs à suivre le même chemin. Elle aspire à être un pont entre le corps médical et les patients, favorisant ainsi un climat de confiance et de cordialité. GEMS encourage également la participation des étudiants en médecine dans des activités communautaires et associatives pour développer leur empathie et acquérir de nouvelles connaissances et compétences. Cette association est animée par le désir collectif de mettre en lumière le potentiel exceptionnel qui sommeille en chacun.

Parmi les principales activités de GEMS, on retrouve les consultations foraines, les sensibilisations sur diverses thématiques de santé et de sciences telles que la santé sexuelle et reproductive, la gestion de l’hygiène menstruelle, les hépatites, la transfusion sanguine, l’auto-médication, le VIH, et les pathologies courantes. Les donations, les formations et le renforcement des capacités font également partie de nos actions. Mon engagement en faveur de la santé de la reproduction a été profondément marqué par mes rencontres avec des jeunes filles déscolarisées, mariées ou divorcées, devenues mères alors qu’elles n’étaient encore que des adolescentes. J’ai également été touchée par les femmes fistuleuses rejetées par leur mari, leur famille et leur communauté. Mes stages hospitaliers m’ont permis de rencontrer ces jeunes filles-mères. C’est à travers ces expériences que mon désir d’agir pour que de tels cas ne se reproduisent plus s’est transformé en un engagement indéfectible.

En tant qu’activiste sur les questions de SSR, vous êtes confrontée à des enjeux et des défis spécifiques. Comment parvenez vous à surmonter ces défis dans votre travail associatif et humanitaire ?

Les défis auxquels nous faisons face sont principalement liés aux préjugés, aux tabous et aux fausses croyances. Certains pensent à tort que nos activités sont commanditées par des « blancs » pour corrompre les jeunes et les inciter à la débauche. Nous sommes également souvent qualifiés de débauchés, même par certains de nos pairs, qui estiment qu’ils ne peuvent pas aborder la sexualité et sensibiliser les jeunes sans les pousser à des comportements à risque. Pourtant, notre véritable objectif est de sensibiliser sur les conséquences des comportements à risque.

Les enjeux sont principalement :

  1. L’information : Nous devons fournir des informations fiables et adaptées à chaque groupe cible pour briser les tabous et les préjugés.
  2. La collaboration : Réunir les acteurs clés des communautés est essentiel pour créer des actions synergiques autour de ces questions.

Ces défis, nous les surmontons grâce au travail acharné de notre équipe exceptionnelle, la « team GEMS ». Nous sensibilisons les populations sur les questions relatives à la santé sexuelle et reproductive, en organisant des formations inclusives qui rassemblent différentes tranches d’âges, conditions sociales, croyances religieuses, ainsi que des personnes de différentes conditions physiques et mentales. Ensemble, nous élaborons des solutions adaptées et des approches pertinentes pour répondre aux besoins spécifiques de chaque groupe cible.

Comment l’association GEMS contribue-t-elle à améliorer l’accès des jeunes du Niger aux DSSR/PF ? Quels sont les résultats concrets de ses actions ?

L’association GEMS mène des actions de sensibilisation à travers différents canaux. Sur les réseaux sociaux, nous créons en collaboration avec nos membres des vidéos abordant diverses thématiques liées à la santé sexuelle et reproductive que nous diffusons largement. Nous participons également à des émissions radiophoniques et télévisées pour parler de la DSSR/PF, briser les tabous et toucher les populations les plus éloignées. Les formations sur les sujets liés à la DSSR nous permettent de rassembler diverses personnes autour de la table pour leur fournir les informations nécessaires afin de mieux appréhender ces questions. Nous discutons ensemble des défis rencontrés par leurs communautés et nous obtenons ainsi des solutions issues des futurs bénéficiaires.

Les sensibilisations dans les villages nous permettent de rencontrer directement les femmes et les filles dans des espaces sûrs, où elles peuvent librement parler de leurs défis, de leurs besoins et de leurs espoirs. Par ailleurs, nous distribuons des serviettes hygiéniques pour garantir des menstruations saines et dignes aux jeunes filles. GEMS oriente également les demandeurs vers les centres amis des jeunes, les centres de planification et les centres de santé intégrés pour obtenir des services appropriés, tout en leur fournissant des conseils adaptés à leurs besoins.

Quels sont les projets futurs de GEMS ? Avez-vous des objectifs spécifiques que vous aimeriez atteindre dans un avenir proche ?

GEMS se concentre actuellement sur la mise en œuvre de son projet FAHAMEY, qui vise à fournir aux jeunes filles des informations, de la sécurité, de la dignité, une meilleure santé et surtout renforcer la dignités lors de leurs menstruations. Nous proposons le pack « Red Confort by GEMS », comprenant des serviettes et des culottes réutilisables et écologiques. Parallèlement, GEMS continuera d’aider la population avec des consultations mobiles, des dépistages du diabète, de l’hépatite et de l’hypertension artérielle.

Dans un futur proche, GEMS mettra en œuvre son projet WiNSPIRATION, qui vise à encourager la présence des filles et des femmes dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM). Parce que le futur est africain, parce que le futur est STEM, parce que le futur est féminin ! La vision de GEMS est de devenir un moteur de développement durable pour le Niger et l’Afrique, en croyant profondément que chaque vie est un joyau à préserver et à valoriser.

Comment pensez-vous que l’égalité progresse dans le domaine de la santé et particulièrement dans le domaine de la SR/PF ?

Effectivement, nous avons accompli des progrès significatifs, mais il reste encore beaucoup à faire pour garantir un accès équitable aux services de santé sexuelle et reproductive (DSSR/PF) pour les femmes. Les préjugés, les tabous et les fausses croyances continuent d’entraver cet accès essentiel. Il est vrai que certaines femmes se heurtent à l’opposition de leur époux concernant l’utilisation des méthodes contraceptives, même lorsque celles-ci sont nécessaires pour l’espacement des naissances. Comment pouvons nous parler d’efficacité de nos actions lorsque certaines patientes refusent des méthodes de PF après de multiples grossesses et césariennes, simplement parce que leur conjoint n’est pas d’accord ? Cela soulève des inégalités de droits, notamment lorsque les jeunes hommes ont accès gratuitement à des préservatifs, tandis que les jeunes filles doivent payer pour des serviettes hygiéniques chaque mois.

Il est important de reconnaître que les relations sexuelles sont un choix et que les menstruations sont un don de la vie. Nous devons continuer à œuvrer pour briser les barrières sociales et culturelles qui entravent l’accès aux services de PF. Bien que des progrès notables aient été réalisés, nous devons redoubler d’efforts pour revitaliser l’accès aux services de PF et garantir que chaque individu puisse prendre des décisions éclairées concernant sa santé sexuelle et reproductive. C’est ensemble que nous pourrons atteindre cet objectif et créer un avenir où l’égalité des droits est une réalité pour tous.

Le 13 mai commémore au Niger la Journée Nationale de la Femme Nigérienne, quelle est la quintessence de cette journée. Pensez-vous qu’elle a contribué au fil des ans à annihiler l’exclusion et la marginalisation des femmes ?

Cette date, combien importante, est devenue, à mon humble avis, une fête au fil du temps. Cependant, nous avons malheureusement oublié la raison pour laquelle ces femmes vaillantes se sont battues. Beaucoup ne sont pas d’accord avec les résultats de cette lutte, mais pour ma part, je considère que ces femmes ont combattu pour obtenir ce qu’elles pouvaient à l’époque. Si nous, nouvelle génération, pensons que leur combat ne correspond plus au progrès d’aujourd’hui et à nos aspirations actuelles, alors c’est à nous de prendre le relais et de mener la lutte pour obtenir ce que nous réclamons. Il est essentiel d’inspirer nos filles à désirer davantage, car aspirer au même progrès que celui du passé signifierait que nous stagnons.

Ainsi, filles et femmes du Niger, le 13 Mai n’est pas une date pour seulement chanter et danser, c’est une date qui nous pousse à réfléchir sur les progrès accomplis, les acquis, les aspirations et les projets. C’est également une date pour retourner à l’origine de tout : le village ! Ces femmes rurales, qui peuvent ignorer que d’autres femmes en ville mènent d’autres combats en lien avec leurs rêves, ont besoin de savoir qu’elles ont des voix, et des voix qui portent. Il est temps de se mobiliser et de travailler ensemble pour un avenir où chaque femme a la possibilité de réaliser ses aspirations, où aucune voix ne reste inentendue et où chaque progrès est le reflet de notre volonté de toujours avancer.

En tant que femme engagée, comment percevez-vous les progrès réalisés par le Niger en matière d’accès à la planification familiale, de droits en santé sexuelle et reproductive, et d’égalité des genres ?

Le changement est en marche, et aujourd’hui, il résonne de plus en plus fort auprès de nombreux citoyens. En tant qu’ambassadeurs pour la planification familiale, il nous était autrefois difficile de sensibiliser la population et de rassembler des personnes prêtes à débattre et à trouver des solutions. Mais désormais, nous y parvenons.

Cependant, il est important de reconnaître que même si les informations circulent davantage, il est également nécessaire de revoir la fourniture de services. Les centres amis des jeunes, vers lesquels les jeunes sont orientés pour poser leurs questions et éviter les comportements à risques, sont souvent administrés par des personnes plus âgées, qui pourraient être leurs tantes ou leurs mères. Comment une jeune fille avec un cycle menstruel irrégulier peut-elle se sentir à l’aise de parler de son problème à cet agent de santé ? La confidentialité, l’accueil, l’empathie et le respect sont des principes fondamentaux qui doivent être promus auprès des agents de santé offrant les services de santé sexuelle et reproductive. Ces centres sont évités en raison du non-respect de ces principes essentiels de soins de santé.

Il est temps d’équilibrer la balance en matière de santé sexuelle et reproductive. Si nous distribuons des préservatifs gratuitement aux hommes, nous devons également fournir des pilules gratuitement et sans jugement aux femmes. Avec qui pensez-vous que ces préservatifs sont utilisés ? Pourtant, personne ne s’offusque de voir un homme ramasser 10 paquets de préservatifs distribués gratuitement. L’abstinence doit être promue, mais pas seulement pour les filles, mais pour tous ! Les méthodes de fourniture des services de santé sexuelle et reproductive doivent également être revues pour impliquer les hommes dans les choix de méthodes et pour qu’ils comprennent tous les tenants et aboutissants de leurs choix. C’est ainsi que nous pourrons instaurer un changement de comportement durable et effectif. C’est cela, l’équité que nous cherchons à atteindre.

Quels défis pensez-vous devoir relever à l’avenir pour continuer à faire avancer la cause des SRPF et de l’égalité des genres ?

Effectivement, les tabous, les préjugés et le conservatisme constitueront des défis de taille pour notre mission. Nous devrons faire face à la réticence envers les idées nouvelles et novatrices, ainsi qu’aux défis économiques et sécuritaires, car chaque individu, y compris les personnes déplacées, a le droit d’accéder aux services de santé sexuelle et reproductive. Les obstacles administratifs seront également à surmonter, car des réformes profondes seront nécessaires pour assurer une équité dans la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive. Toutefois, je suis convaincue que nous relèverons tous ces défis avec brio. Notre détermination, notre passion et notre engagement envers la cause de la santé sexuelle et reproductive nous permettront de franchir ces étapes avec succès. Ensemble, nous pouvons surmonter les obstacles, briser les barrières et apporter des changements significatifs pour un avenir meilleur et plus équitable pour tous.

En réfléchissant à vos actions passées et à vos accomplissements jusqu’à présent, quels sont vos défis et objectifs pour l’avenir ? Quelles sont les nouvelles initiatives que vous souhaitez mettre en place ? Parlez-nous brièvement de votre participation à OWLA.

Mon objectif ultime est de faire de GEMS un puissant outil de développement durable pour l’Afrique, et pour cela, je suis déterminée à me préparer moi-même et mon équipe. Mon défi est de devenir la force motrice derrière la construction de cet héritage. Cela implique d’acquérir les compétences nécessaires pour diriger cette future organisation et de bâtir une équipe solide qui servira de socle à cette entreprise de grande envergure. Je suis consciente que cela ne sera pas facile, mais je suis prête à relever ce défi avec détermination et persévérance. Parmi les initiatives que nous souhaitons mettre en place, figure le programme WiNSPIRATION, un programme de mentorat et de leadership destiné aux jeunes filles pour les encourager à s’engager dans les filières médicales et scientifiques. De plus, nous prévoyons des projets liés à la santé mentale et à la santé environnementale, qui sont des enjeux cruciaux pour nos communautés.

Ma participation à OWLA a été un véritable tournant dans ma vie. Non seulement je fais partie d’une communauté exceptionnelle de jeunes femmes talentueuses, mais chaque membre de cette communauté est une source d’inspiration et d’apprentissage. La sororité qui nous unit est puissante et nous offre un soutien inestimable. Les méthodes d’apprentissage innovantes d’OWLA nous ont permis de rendre chaque cours en ligne instructif, compréhensible et même ludique, rendant l’expérience d’apprentissage enrichissante et captivante. OWLA incarne la sororité, l’apprentissage et le changement. Je recommande vivement à toutes celles qui aspirent à se dépasser de postuler pour OWLA. Soyez prêtes pour un nouveau chapitre de votre vie, car ce programme ne vous offrira rien de moins que l’opportunité de grandir et de vous transformer.

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