Située à 288 kilomètres de Niamey la capitale, Gaya est une ville culturelle où les traditions sont jalousement gardées et perpétuées par les populations. Comme beaucoup d’autres villes du Niger, elle dispose d’une maternité qui prend en charge les besoins liés à la santé de la reproduction des populations. Mais, malgré le poids de la tradition, Gaya se distingue par la forte fréquentation de son CSI. Au-delà des consultations prénatales et postnatales le CSI prend aussi en charge les besoins liés à la planification familiale. Et ce n’est pas la fréquentation des femmes qui fait défaut. Les sages-femmes sont quelquefois débordées par le travail. Il existe plusieurs méthodes contraceptives dans cette maternité. Chaque femme qui se présente à ce service sanitaire est libre de choisir la méthode qu’elle désire.
Ce lundi 6 septembre 2021, le centre de santé intégré de Gaya II grouille de monde. Après le week-end, le service reprend de plus belle. Les usagers sont présents dans la cour. C’est le brouhaha un peu partout en cette fin de matinée. Sous un arbre, le Responsable Adjoint du CSI est assis devant une table, son registre de travail entre les mains. A ses côtés, une femme en blouse. Visiblement, ils se préparent à recevoir une à une, les nombreuses femmes regroupées sous un hangar en tôle.
Il est 11 h 55mn lorsque l’une d’entre elles (Biba Nouhou) entre dans le bureau des sages-femmes. Sur le bureau de la sage-femme en service, divers produits contraceptifs sont exposés. Avec une fille emmitouflée au dos, Biba va devoir se soumettre au counseling de Mme Touré Kadidiatou, la sage-femme de service. Le counseling est un bref interrogatoire auquel chaque femme désireuse de s’inscrire au service de la planification familiale doit répondre. Quel est votre âge? Combien d’enfants avez-vous? Quel est l’âge du grand frère ou la grande sœur de l’enfant au dos ? Etes-vous mariée ou pas? Etc. Telles sont entre autres, les questions posées à Biba par Mme Touré Kadidiatou, la sage-femme de garde avant de passer à l’étape suivante qui est celle de lui montrer les différents produits contraceptifs. Parmi eux, des comprimés tels que les pilules ; des injectables ; des implants ; des préservatifs féminins et masculins etc. Certaines méthodes prennent un temps court, tandis que d’autres sont de longue durée comme les implants et les injectables. «Ces méthodes de longue durée ont l’avantage de donner la latitude à la femme de se reposer pendant trois (3) ans ; cinq (5) ans ; sept (7) ans ou bien quinze (15) ans. Tout dépend du choix opéré par l’utilisatrice », explique la sage-femme. Elle ajoute que les comprimés se prennent chaque jour selon le temps de la journée que la femme aura choisi dès le début.
Biba n’a jamais mis pied à l’école. Elle a 27 ans et a eu son second enfant baptisé Safia, il y a de cela deux mois. Elle affirme qu’elle a été informée par une de ses voisines de l’existence des produits contraceptifs au CSI de Gaya I. Elle m’a surtout précisé que l’usage de ces produits permet de se reposer pendant un temps avant de contracter une nouvelle grossesse. ‘’Aussi, je voyais les femmes fréquenter cette salle chaque fois que je venais pour les consultations prénatales. Sinon, après mon premier accouchement, j’ai pratiqué la méthode naturelle d’allaitement. Il n’y avait pas de problème. Le cycle menstruel s’était carrément arrêté pendant toute la période d’allaitement’’. Biba Nouhou précise que cette fois-ci, la situation a complétement changé. « La menstruation a repris après seulement deux mois d’allaitement. C’est pourquoi, j’ai couru vers ce centre pour chercher des produits contraceptifs ».
Elle comprend aujourd’hui que « lorsqu’on allaite pendant deux à trois ans, l’enfant sera en mesure d’avoir une croissance normale. Et la mère se repose tranquillement.Tout cela est un avantage qu’offre la planification familiale ’’, a expliqué Mme Biba. A la question de savoir si son mari l’a autorisée à adopter une méthode de Planification Familiale, Biba répond sans ambages par l’affirmatif. ‘’ C’est bien mon mari qui m’a autorisé à venir chercher des produits contraceptifs’’, rassure-t-elle avec un air souriant. Elle opte pour les comprimés. Autrement dit la pilule qu’elle va devoir avaler chaque soir. La sage-femme lui explique clairement comment elle va procéder. ‘’ Attention à ne pas oublier d’avaler le produit. En cas d’oubli, le risque de contracter une grossesse indésirable est élevé’’, alerte Mme Touré Kadidiatou dans une envolée lyrique. 30 à 40 femmes nouvelles utilisatrices par mois
Si la mère de Safia est une nouvelle adhérente au programme de la planification familiale, ce n’est pas le cas pour Samira Seydou. Agée de 21 ans, elle est déjà à sa visite retour pour récupérer ses comprimés. Elle est aussi analphabète à l’image de Biba Nouhou. Le protocole est moins long cette fois-ci. La sage-femme se contente juste de prendre la tension pour écarter le risque d’hypertension et le poids de Samira avant de lui tendre les plaquettes de comprimés. Elle en a pour un mois avant de revenir à la maternité, ajoute Mme Touré. Selon Samira, les avantages des produits contraceptifs sont multiples. Les femmes qui y sont inscrites allaitent leurs enfants sans crainte et sans problème. Les enfants ont une croissance normale ‘’. Dès que je constate une anomalie liée à la prise de la pilule, je reviens informer la sage-femme pour qu’elle m’éclaire et éventuellement trouver la solution à mon problème. A chaque fois que je me déplace pour fréquenter les services sanitaires, mon mari est au courant. C’est avec son accord que je me suis inscrite au programme de la planification familiale’’, précise Samira Seydou en dorlotant au dos son bébé de trois mois. Les produits contraceptifs sont délivrés à toutes les femmes qui le désirent de façon gratuite. Le CSI s’approvisionne à l’hôpital de district de Gaya qui se trouve à un jet de pierre de cette maternité.
Dans ce CSI, la fréquentation des services de la planification familiale est de plus en plus importante. Selon Mme Hamidou Roumanatou, une autre sage-femme, il y a des moments ou nous enregistrons jusqu’à 20 à 30 femmes par jour. Les types de contraception disponibles sont entre autres : par la voie orale (microzino et microlite) ; injectables (sous-cutanée ; Sayana etc.) et des implants d’une durée de trois ; cinq (5) ans etc. ‘’
Au CSI de Gaya II, les femmes s’orientent beaucoup plus vers les contraceptifs par voie orale et les injectables. Il y a des femmes qui viennent en cachette s’inscrire au programme de la Planification Familiale. Avec l’influence de la religion, certains pensent que la planification familiale est une entrave à la procréation’’, a relevé Mme Hamidou. Alors qu’il n’en est rien. Elle favorise au contraire le bien-être familial auquel chaque être aspire dans la cellule familiale. Ces derniers temps, ce sont surtout les nouvelles candidates au programme de la planification familiale qui sont élevées. Il est fréquent de dénombrer dans un mois 30 à 40 femmes nouvelles au programme.Le taux d’abandon est faible. Cette fréquentation des femmes est selon la sage-femme du CSI Gaya II, le fruit d’une campagne de sensibilisation intense aussi bien dans la ville du dendi que dans les villages les plus reculés de cette zone frontalière avec le Bénin et le Nigeria. S’agissant des difficultés, la sage-femme relève simplement des cas momentanés de rupture des contraceptifs injectables au début de l’année 2020.
Si l’affluence des femmes est perceptible au CSI Gaya II, on constate par contre qu’au centre de santé intégré Gaya I, la fréquentation est faible ce mercredi 8 septembre 2021. Une sage-femme de ce centre sanitaire qui a préféré garder l’anonymat tente d’expliquer cet état de fait. ‘’ Il faut jeter un coup d’œil sous le hangar de consultation prénatale, pour voir un nombre important de femmes enceintes. L’inscription au service de la PF se fait après l’accouchement ou bien avant de contracter la grossesse. ‘’Au mois d’Août 2021, nous avons eu 104 nouvelles au programme de la planification familiale. Le service PF est fonctionnel ici 24 H/24. Ce qui fait que les adolescentes préfèrent d’ailleurs venir la nuit où elles sont sûres de ne pas rencontrer d’autres femmes ou hommes. Ce sont généralement les jeunes filles qui ne sont pas mariées. Elles ont peur d’être indexées par la société. Et nous leur assurons le service conformément à leur choix. Elles préfèrent les méthodes de longue durée en l’occurrence, les implants pour trois (3) ou cinq (5) ans avant de s’éclipser dans la nature. Ces adolescentes ont un âge qui varie entre 14 à 20 ans. Faute de statistiques fiables, Mme Oumarou Fada, responsable du service PF du CSI Gaya I se contente de dire que le profil de ces adolescentes est relativement jeune. On peut même trouver des filles de 13 à 14 ans ».
Hassane Daouda
Publié le 24-09-2021 dans LeSahel