La Guinée, membre du Partenariat de Ouagadougou, s’apprête à participer aux travaux de la 5ème réunion annuelle de ce Partenariat prévu du 12 au 14 décembre à Abidjan, en Côte d’ivoire. Le thème de la réunion est : « Promouvoir la contraception c’est garantir un meilleur avenir pour les jeunes.».
a Guinée était classée 163ème sur 187 pays dans l’index de développement humain de 2013. Elle comptait 11 633 6271 habitants en 2012 dont 62% vivent en milieu rural. La répartition de la population en fonction des tranches d’âge montre que le pays compte : 2 875 084 femmes en âge de procréer, 45% de la population à moins de 15 ans, 32,8% sont des adolescents et jeunes de 10-24 ans selon le plan de repositionnement de Guinée en matière de la planification familiale.
Au rythme où vont les choses, la Guinée devrait compter 37 millions 2 d’habitants en 2050, soit un triplement de la population en l’espace de 37 ans avec d’énormes conséquences sur tous les secteurs de développement socio- économique (santé, éducation, habitat, besoins en nouveaux emplois, exode rural massif, etc.). La Guinée enregistre des taux élevés de mortalité maternelle (7103 pour 100.000 naissances vivantes), de mortalité néonatale (34 pour mille), de mortalité infantile et infanto-juvénile (respectivement 67 pour mille et 122 pour mille), selon le rapport de EDS4 de
La planification familiale (PF) est alors apparue comme la stratégie appropriée pour améliorer les indicateurs de développement socio-économique en Guinée (réduction de la mortalité maternelle et de la mortalité infanto-juvénile, meilleur investissement dans la scolarisation des enfants, amélioration du PIB par tête, etc.). C’est dans cette optique que la Guinée s’est fixé comme objectif d’améliorer la demande et l’offre des services de planification familiale (PF).
Il faut dire que la faible implication des jeunes dans la conception, la réalisation et le suivi des programmes et projets les concernant telle que la planification familiale, est un obstacle majeur à la réussite des projets qui leur sont destinés. Aussi, bien qu’interdite dans maintes familles, (tabou sexuel et tradition obligent), la contraception est, pourtant, depuis une dizaine d’années, très pratiquée par les jeunes filles.
Pour Jonas Haba , un jeune de l’AGBEF, les activités de sensibilisations et de plaidoyer sur les avantages de la planification familiale et sur la santé de la reproduction des jeunes et des adolescents, réalisées dans les centres de santé par les jeunes ambassadeurs, ont permis aux à leurs pairs de comprendre les avantages de la planification familiale.
Il y a beaucoup de jeunes qui acceptent à bras ouverts l’idée de la planification familiale bien qu’ils n’aient pas accès à la contraception. « C’est pour toutes ces raisons que nous avons eu en collaboration avec le Mouvement Associatif des Jeunes de l’Association Guinéenne pour le Bien être familial (MAJ /AGBEF) à installer une clinique jeune à la Blue zone de Kaloum à Conakry avec pour objectif de répondre aux besoins en contraception », a dit Jonas Haba, membre de la coalition nationale des organisations de la société civile pour la planification familiale.
Des témoignages édifiants
Mayeni, commerçante au marché Avaria, comme la plupart des jeunes femmes de son âge, avoue avoir utilisé des pilules et ses préservatifs sans avoir fréquenté une structure de santé. Selon elle, aller vers les centres de santé pour bénéficier des services de la planification familial , présente un risque de se découvrir. Non encore mariée, elle ne voudrait rencontrer dans ces centres des parents ou des connaissances. « J’ai déjà eu un enfant avec mon petit ami, je cherche les moyens de ne pas en faire un autre jusqu’au mariage », nous a-t-elle confié. A la peur de la stigmatisation, s’ajoute aussi le difficile accès des jeunes aux services de santé à cause des ressources financières limitées voir nulles cette frange de la population. En effet, pour accéder à ces services, il faut avoir un minimum d’argent pour pouvoir faire des examens de routine.
Jusqu’ici, et ce, en dépit des campagnes de sensibilisation, certains continuent à penser que le sexe reste encore un tabou. Ceux et celles qui pensent ainsi ont vraiment besoin des informations fiables sur la santé sexuelle et reproductive recueillies auprès de personnes qualifiées.
Certains parents acceptent volontiers des difficultés qu’ils ont de parler de la sexualité avec leurs enfants. C’est le cas de Mme Hadja Mariame Barry, qui témoigne en ces termes: « Je n’arrive toujours pas à trouver des moments propices ou des mots adéquats pour discuter des questions de sexualité avec mes filles ; c’est vrai qu’elles ont grandi, mais c’est encore difficile pour moi de leur parler de ce sujets. Ce n’est pas dans notre culture. C’est pourquoi, il est difficile d’aborder ce genre de questions bien que nous devrions en discuter pour l’intérêt des enfants et de la famille».
Par ailleurs, plusieurs études effectuées EDS et CIP Guinée ont mis en évidence le fait que le niveau d’information et d’éducation sexuelle était très faible au sein de la cellule familiale et l’introduction de son enseignement à l’école tarde à se faire.
Bannir les tabous par la sensibilisation
Face à ce constat très préoccupant, la Guinée doit encore accentuer et améliorer sa façon de mener la sensibilisation sur cette question afin de pouvoir relever plusieurs défis en matière de santé de la reproduction au regard de ce qui se passe au sein de la jeunesse guinéenne.
Le Plan d’action national de repositionnement de La planification familiale en Guinée 2014-2018 présente un caractère stratégique. En effet, selon ce plan d’action le diagnostic de la situation de la planification familiale a orienté vers des stratégies et activités qui ont paru plus susceptibles de répondre aux défis identifiés, soit parce qu’elles sont basées sur des développements positifs sur le terrain, soit parce qu’elles sont essentielles à la réussite de tout programme de planification familiale.
Pour contribuer à l’amélioration de l’offre et de la demande de services de santé sexuelle et productive en faveur des adolescents et des jeunes, le ministère de la Jeunesse a procédé récemment le 16 Octobre 2016 au lancement de la deuxième phase de mobilisation sociale des jeunes et adolescents en faveur de l’utilisation des structures de santé.
La question de la promotion de la santé sexuelle et reproductive des jeunes continue donc de se poser avec acuité en Guinée. Face à l’absence de ressources suffisantes pour financer de vastes programmes de santé, il devient impératif de valoriser des expériences novatrices qui répondent aux attentes et aux spécificités des jeunes. C’est dans cet esprit que des centres d’écoute, de conseil d’écoute et d’orientation des jeunes (CECOJE) ont été créés en 2003 avec la collaboration de l’UNFPA. On en compte 38 centres dans toute la Guinée dont 5 à Conakry.
Appuyer davantage les CECOJE
Selon Aliou Diallo secrétaire général du centre de CECOJE de Dixinn, un quartier de Conakry, malgré ses maigres moyens, « ce centre est devenu pour les jeunes un lieu de retrouvailles et d’échanges sur beaucoup de questions surtout en matière de santé sexuelle. » On y met ainsi à leur disposition des jeunes et des adolescents des informations et des outils pour leur éviter les grossesses non désirées, les IST, etc. et les préparer à une parenté responsable.
En plus des CECOJE, il existe des centres jeunes mi sen place par l’Association pour le bien-être familiale (AGBEF) depuis 2001. Depuis cette date, une vingtaine de centres ont été installés à travers le pays ; ils fonctionnent sous la responsabilité des représentants du ministère de la Jeunesse, ou sont confiés à des organisations non gouvernementales (ONG) ou des groupements d’associations de jeunesse, indique M. Diop.
En dépit des efforts déployés par les partenaires à l’endroit de l’offre de services de PF, beaucoup reste, cependant, à faire dans les perspectives d’une prise en compte effective de la PF comme outil de réduction de la mortalité maternelle et de développement, et de son acceptation par les communautés dont dépend fortement le succès de ces programmes.
La mise en place des Centres Jeunes, fruit d’une dynamique de partenariat entre l’État, les communautés et les ONG de terrain, est une initiative qui participe à l’amélioration de la santé des jeunes guinéens. Les résultats actuels pourraient être renforcés si d’une part, certaines pesanteurs sont surmontées et d’autre part, si les jeunes, premiers bénéficiaires, sont effectivement associés à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des activités. La réussite et la pérennisation des Centres Jeunes en dépendent selon Alexandre Delamou Médecin ex coordonnateur régional des programmes de l’Association Guinéenne pour le Bien être familiale (AGBEF)
KadiatouThierno Diallo