Dans cette interview, Sira Sojourner Touré, pair-éducatrice en planification familiale, explique l’importance de la planification familiale, une pratique très souvent indexée comme une source de déperdition, surtout pour les adolescentes.
D’où vient votre engagement pour aider vos camarades à avoir accès aux informations sur un sujet “qualifié“ de tabou dans la société ?
J’ai eu la chance d’avoir une maman très compréhensive. Quand je suis entrée dans l’âge de la puberté, elle m’a guidée. Elle m’a expliqué les techniques pour éviter les mauvaises pratiques. Mais je n’avais pas accès à toute l’information. Personnellement, je n’ai pas été trop confrontée à cette difficulté, mais j’ai vu que c’était réelle.
J’ai eu une amie qui n’a pas malheureusement eu accès aux informations à temps et elle est tombée enceinte. Quand elle a accouché, elle a été rejetée par ses proches. Elle vit présentement dans un cercle de Koulikoro et vend des condiments au marché. Cette histoire m’a affectée. Je me suis engagée ainsi dans le bénévolat pour qu’une autre amie ne soit victime de cela. J’essaye aussi de sensibiliser tous mes paires pour qu’elles puissent éviter le piège de tomber enceinte et d’abandonner les études.
Quelle est la réaction des jeunes au début de vos séances d’échanges ?
Quand tu te présentes étant une pair-éducatrice en PF pour une structure internationale appelée Marie Stopes, certains te renvoient cette interrogation. Ah bon, vous voulez stopper les naissances ?
Est-ce que c’est le cas ?
Le slogan de Marie Stopes est : “enfant par choix et non par hasard”. C’est notre mission. Non nous ne stoppons pas les naissances, mais nous contribuons à l’espacement des naissances et à éviter les grossesses non désirées chez les jeunes filles.
Pendant les premières rencontres, ils sont très réservés sur ces sujets parce qu’ils n’ont pas d’informations sur l’éducation sexuelle. Mais, au fur et à mesure que la causerie continue, ils commencent à être réceptifs. Etant tous jeunes, vous avez les mêmes problèmes, donc vous pouvez mieux vous entraider et comprendre les problèmes des uns et des autres.
Dans votre stratégie, quelles sont les méthodes de contraception que vous expliquez le plus?
En PF, nous avons tendance à évoquer quatre méthodes : les méthodes de courte durée, longue durée et les méthodes permanentes. Nous n’oublions pas d’ajouter les méthodes naturelles. Pour ceux qui voudraient le pratiquer, c’est l’abstinence ou la fidélité.
Votre rôle se limite à donner des informations seulement?
Non seulement nous vulgarisons l’information, mais ceux qui le désirent, nous les référons vers les centres et cliniques pour qu’ils puissent bénéficier des soins. S’il arrive qu’ils ne puissent pas avoir accès à ces cliniques, nous les envoyons les MS Ladys au niveau de nos différentes structures. Elles sont réparties dans toutes les Communes.
En matière de planification familiale, beaucoup restent convaincus que les agents évoluant dans le domaine n’orientent leurs interventions que sur les autres. Est-ce vrai ?
Ma propre famille est l’exemple. Avant de sortir pourquoi ne pas commencer par elle. J’ai bénéficié de ces informations, pourquoi ne pas les transmettre. Après ma première formation, j’ai échangé sur tous ce que j’ai appris avec ma maman.
Certes, mes parents étaient compréhensifs, mais mon oncle non. Il était réticent. Il m’accusait de promouvoir la déperdition chez les filles. Ça n’a pas été facile de le convaincre. Mes parents même sont intervenus pendant la causerie pour m’aider à lui expliquer la situation. Au final, il a compris.
En plus, mon meilleur souvenir dans ce volontariat c’est ma tante. Elle a été mariée quand j’étais en 9e année. Elle a eu sa première grossesse la même année. Son deuxième enfant est arrivé douze mois après. Cette situation a perturbé ses études. Elle a échoué deux fois au bac. Mais à la naissance de sa deuxième fille, j’avais déjà suivi des formations avec Marie Stopes sur les PF. J’ai essayé de lui expliquer la pair-éducation et tout ce qui va avec. Elle a opté pour une méthode de planification familiale. La même année, grâce à cette méthode, elle était un peu libre et a eu son bac. Certes, les deux premiers n’ont pas été espacés mais maintenant elle continue ses études. Elle suit des formations pour devenir sage-femme.
Vous êtes entrés à la faculté des médecines cette année. Est-ce que cet engagement en faveur de la PF a influencé ce choix ?
Oui. Je veux être une gynécologue. Outre l’école de médecine, je suis à l’Institut national en science de la santé pour devenir sage-femme aussi.
Comment-arrivez-vous à associer tout ceci ?
Il faut se fixer un objectif. Aussi, n’attendez rien, cherchez à se former. Concernant mon bénévolat, bien que Marie stoppes m’a formée uniquement pour mon lycée, j’ai investi mon quartier. Dans ma Commune j’organise souvent des causeries débats avec des associations d’aides ménagères et avec de grands jeunes. En plus, je suis en train de former d’autres jeunes sur la paire éducation. Ils sont dans la même faculté que moi.
Kadiatou Mouyi Doumbia
Publié le 17-12-2019 dans maliweb