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Zalissa, jeune mariée enceinte pour la 4e fois sans le vouloir

L’accès aux services de planification familiale est un droit consacré au Burkina Faso. Mais, cette accessibilité est parsemée d’embûches dans plusieurs localités du pays, y compris à Ouagadougou, la Capitale. Sont mis en cause des préjugés relatifs à l’utilisation des produits contraceptifs, qu’ils soient modernes ou traditionnels. Et de plus en plus de jeunes se trouvent victimes de ces jugements préconçus.

Zalissa, 24 ans, est une femme au foyer. Elle est enceinte de son quatrième enfant. Elle a été donnée en mariage à l’âge de 18 ans.  En six années, Zalissa est à sa quatrième grossesse.

« Allergique », celle, qui a dû renoncer aux bancs dès la classe de 5e, dit ne pas supporter les méthodes contraceptives, quel que soit le type.

Zalissa, « pour une raison inconnue », a, en effet, décidé de ne plus avaler la pilule contraceptive qu’elle a utilisée juste pendant quelques mois après son mariage. « Ça me rendait bizarre. Je n’avais plus mes règles régulièrement. Quelqu’un m’a aussi dit que la pilule fait grossir. Sinon, mon mari m’a même dit d’utiliser une méthode pour espacer les naissances », dit-elle.

S’en est suivi tout un tas d’essais brefs d’autres méthodes contraceptives. « Il me fallait changer à chaque fois pour différentes causes : dépression, mal atroce dans la poitrine, moins de libido, plus d’acnés, problème de circulation sanguine et j’en passe », confie la jeune dame qui finira par abandonner, pour de bon, l’utilisation des méthodes contraceptives.

Mariée, enceinte sans le vouloir, elle veut avorter…

C’est depuis ce moment que son chemin et celui de la planification familiale se sont précocement séparés. Et aujourd’hui, le regret se fait sentir. En quelques années, Zalissa et son jeune époux de 30 ans, commerçant de son état, se retrouvent avec trois enfants à nourrir et à inscrire à l’école.

« Nous attendons notre quatrième enfant, malgré nous, enfin…, sans le vouloir, je veux dire. J’avais même pensé à avorter sans le consentement de mon mari. Mais, les docteurs, qui insistaient à ce que j’utilise des produits contraceptifs, ont déconseillé».

Zalissa dit savoir très bien que qui dit avortement dit non utilisation de méthodes contraceptives. C’est donc une épouse désemparée que nous avons rencontrée en ce mois de juin 2019 au Centre médical de l’Association Sagltaaba pour l’épanouissement de la femme et de la jeune fille (ASEFF) situé à Tanghin dans l’arrondissement 4.

Pourtant, dans ce centre de santé, passé de dix tôles à un R+3, la gratuité des soins pour les femmes et les enfants de moins de cinq ans est effective depuis décembre 2018. Selon la responsable de l’association Sagltaaba, Néolie Ouédraogo, l’objectif de cette mesure de gratuité, vise à réduire substantiellement la mortalité maternelle et infantile et à promouvoir la santé de la mère et de l’enfant.

« Nous allons planifier notre cinquième et dernier enfant pour 2025 »…

« C’est dans cette dynamique d’agir pour le bien-être des populations que notre centre a signé une convention avec l’Etat. Cette convention est l’aboutissement d’une doléance de la population à l’endroit des autorités et de la volonté du centre médical », indique Mme Ouédraogo.

Ces informations, Zalissa les aura apprises à ses dépens. Elle jure désormais de ne pas tomber enceinte d’ici à cinq ans. Elle promet de faire des produits contraceptifs de longue durée des alliés, dans ce centre qu’elle fréquente depuis plusieurs années. A qui souhaite le savoir, elle ne cache non plus le fait qu’elle soit tombée enceinte sans le désirer pour la quatrième fois consécutive.

« En réalité, j’avais une idée arrêtée sur la contraception. On m’a dit que c’est une technique utilisée pour diminuer la population. Je ne savais pas que c’était plutôt pour permettre à la famille de vivre paisiblement. Voilà que mon mari et moi, nous avons aujourd’hui du mal à prendre en charge convenablement notre famille », confie-t-elle avant de lancer, l’air intrépide : « Nous allons planifier notre cinquième et dernier enfant pour 2025 ».

Le cas de Zalissa n’est pas isolé. Au Burkina Faso, de plus en plus de jeunes, mariés ou non, préfèrent l’avortement à la contraception, ou du moins, jusqu’à la prise de conscience. Alors que la loi autorise la femme à utiliser une méthode contraceptive même sans le consentement de son partenaire. La faute, à écouter les uns et les autres, est due aux nombreux préjugés qui continuent de hanter les produits contraceptifs.

« Ça fait grossir, ça rend stérile, ça pique,…, c’est des histoires »

Ibrahim est un jeune étudiant de 28 ans vivant à Ouagadougou. Pour lui, la contraception est une couverture pour la femme de tromper son homme. « Je ne vois pas l’opportunité pour une femme mariée d’utiliser une méthode contraceptive », dit-il. Mais, les affirmations d’Ibrahim sont vite contestées par Henry, l’un de ses camarades réunis autour d’un thé-débat ce vendredi 21 juin 2019.

« Une femme, après avoir accouché, a besoin d’un temps pour se reposer. En plus, l’espacement des naissances est avantageux non seulement pour la mère et son bébé, mais aussi et surtout pour le père et toute la Nation. Un exemple, dis-moi, Ibrahim, penses-tu que c’est facile de payer la scolarité de deux enfants dans une bonne école maternelle à Ouaga ici ? », réagit son « parto », Henry qui secoue la tête, le regard moqueur.

« Ecoutez ! C’est révolu tout ça, le fait de dire que la contraception n’est pas pour les jeunes filles, que ce n’est pas pour les femmes mariées, que les produits contraceptifs font grossir, que si on prend trop longtemps la pilule on risque de devenir stérile, que ça provoque le cancer du sein, qu’il est dangereux d’enchaîner les plaquettes de pilules, ou bien que le stérilet pique et dérange le sexe masculin pendant les rapports ; patati, patata. C’est des histoires », saute sur le coup Salif, assis à l’écart, un bouquin entre les mains.

Il n’est pas rare de tomber sur ces genres de discussions dans la Capitale burkinabè, tant le sujet est de moins en moins considéré comme un tabou. Ces débats controversés dans les quartiers montrent l’engouement qu’il y a autour de la question du planning familial.

Surtout quand ce sont des jeunes qui en parlent. « L’accès aux services de planification familiale est un droit consacré au Burkina Faso », rappelle le Directeur exécutif de l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF), Boureihiman Ouédraogo.

Le droit de décider librement…

L’article 8 de la loi 049 du 22 décembre 2005 portant santé de la reproduction au Burkina Faso stipule entre autres que : «… Le droit à la santé de la reproduction est un droit fondamental garanti à tout être humain, tout au long de sa vie, en toute situation et en tout lieu (…) Les couples et les individus ont le droit de décider librement, et avec discernement, du nombre de leurs enfants, ainsi que de l’espacement de leurs naissances ».

Les produits contraceptifs sont ainsi consignés dans la liste nationale des médicaments essentiels au Burkina. Les obstacles du début, qui empêchaient de se les procurer, se lèvent progressivement. Dans le pays, d’ailleurs, les résultats de l’enquête démographique et de santé (EDS) de 2010 ont montré que 97% des femmes connaissent ou ont entendu parler au moins d’une méthode contraceptive quelconque.

« Il y a lieu d’insister que comme tout produit médical, les produits contraceptifs peuvent aussi avoir des effets indésirables sur l’organisme. En fonction du mode de vie de chaque femme (tabagisme) ou de son histoire (âge, risque vasculaire), le gynécologue ou la personne habilitée choisit la contraception préférable pour la cliente. Si cette méthode n’est pas adéquate, elle peut être changée à tout moment », coupe court le Major d’un Centre de santé et de promotion sociale (CSPS)  qui a requis l’anonymat.

Noufou Kindo

Publié le 30-06-2019 dans Burkina 24

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